Crise politique entre l’exécutif et le Sénat après sa décision sur l’affaire Benalla
Le gouvernement accuse le Sénat de se transformer en « tribunal politique » après sa décision de transmettre à la justice les cas de trois proches d’Emmanuel Macron. Le premier ministre a boycotté les questions d’actualité et le président de l’Assemblée, Richard Ferrand, a annulé un déplacement avec Gérard Larcher.

Crise politique entre l’exécutif et le Sénat après sa décision sur l’affaire Benalla

Le gouvernement accuse le Sénat de se transformer en « tribunal politique » après sa décision de transmettre à la justice les cas de trois proches d’Emmanuel Macron. Le premier ministre a boycotté les questions d’actualité et le président de l’Assemblée, Richard Ferrand, a annulé un déplacement avec Gérard Larcher.
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A la veille du bureau du Sénat, une zone de turbulence était annoncée. Nous sommes aujourd’hui en pleine tempête. Après la décision du bureau de la Haute assemblée de transmettre à la justice les cas de trois proches d’Emmanuel Macron, la situation se mue en crise politique entre l’exécutif et le Sénat.

Gérard Larcher « en guerre contre personne »

En début d’après-midi, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a pourtant tenu à mettre les choses au clair : « Je ne suis en guerre contre personne. Pas contre l'Elysée et personne d'autre. Le sujet est d'une autre nature. C'est simplement l'application du droit, rien que le droit, tout le droit », déclare-t-il. « J'insiste parce que j'entends déjà qu'on aurait des déclarations de guerre, qu'une fois encore on aurait outrepassé la Constitution. Non, pas du tout, nous avons simplement effectué la mission de contrôle » et ceci « dans le respect des personnes ».

Dans son rapport sur la demande de transmission, présenté ce jeudi matin, la sénatrice centriste Valérie Létard a beau faire le distinguo entre d’un côté Alexandre Benalla, Vincent Crase et Patrick Strzoda, directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, pour qui il y a « suspicion de faux témoignage constitué », et de l’autre Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, en partie dédouané, tout comme le général Lavergne. L’exécutif a pourtant fondu sur le Sénat. La contre-attaque généralisée a été décrétée.

Griveaux : « L’assemblée des sages, son bureau, s’est muée en tribunal politique »

En début d’après-midi, juste avant 15 heures, on apprend d’abord que le premier ministre Edouard Philippe boycotte les questions d’actualité au Sénat. Un fait rarissime pour marquer son désaccord avec la décision du bureau. Edouard Philippe a parlé à Gérard Larcher « pour lui en donner les raisons » a fait savoir un conseiller de Matignon à l’AFP.

Au même moment, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, donne sa première réaction depuis la Salle des conférences, au Sénat. « On est dans une instrumentalisation à des fins politiques » dénonce-t-il d’abord sur Public Sénat. « C’est politiquement bas et moralement grave ». Devant une forêt de micros, il ajoute ensuite : « L’assemblée des sages, son bureau, s’est muée en tribunal politique ».

Affaire Benalla : le Sénat est dans un « coup politique » dénonce Griveaux
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Richard Ferrand dénonce l’utilisation « des fonctions de contrôle parlementaire à des fins politiques »

Quelques minutes après, un communiqué de Richard Ferrand, président LREM de l’Assemblée nationale, tombe. Il annule son déplacement prévu le lendemain avec Gérard Larcher, à Science Po Lille, et dénonce l’utilisation « des fonctions de contrôle parlementaire à des fins politiques ». « On ne peut simultanément abaisser et promouvoir le Parlement », dénonce le député, alors que l’événement devait « expliquer le fonctionnement des institutions parlementaires ». Un peu plus tard dans la soirée, Richard Ferrand dénonce dans Le Figaro « une attaque d'une agressivité inédite ».

Au même moment, le député LREM Sacha Houlié, qui n’est pas à sa première déclaration hostile à l’égard de la Haute assemblée, tweete : « Coup de force du Sénat qui s'érige accusateur public. La confusion des genres est totale. Sa méprise sur son rôle est une forme de déconnexion. Celle-ci devra être traitée »… 

« C’est l’artillerie lourde. On fait au Sénat un procès en sorcellerie ! »

Un peu plus loin, François Patriat, patron des sénateurs LREM, discute Salle des conférences avec Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste. Le sénateur UDI a milité contre la transmission des proches du chef de l’Etat. Interrogé, François Patriat en remet une couche. « La rancune politique l’a emporté » accuse le sénateur LREM, « c’est un règlement de compte politique après une défaite pas digérée des LR et PS ». Il dénonce, comme un peu plus tôt Hervé Marseille, « une alliance de circonstance entre LR et les socialistes ». Dans un communiqué, les sénateurs LREM s'étonnent ensuite que la commission des lois se fasse « "plaisir" dans "l’affaire Benalla" » mais refuse « d’ouvrir une procédure d’enquête sur les actes de pédocriminalité dans l’institution épiscopale ». Un sénateur de la majorité sénatoriale, lui-même opposé à la transmission au parquet, fait du président de la commission des lois le responsable de la situation. « Philippe Bas a pris en otage le bureau et le président du Sénat », lance-t-il.

Patrick Kanner, président du groupe PS, s’étonne de son côté des tirs croisés venus de l’exécutif. « C’est l’artillerie lourde. On fait au Sénat un procès en sorcellerie ! Pourquoi autant de fébrilité ? » demande le sénateur PS du Nord.

C’est peut-être la guerre, mais pas nucléaire

Assis sur l’un des fauteuils en velours rouge du Palais de Marie de Médicis, le sénateur LR Roger Karoutchi, préfère endosser les habits du sage, face au tumulte ambiant. « Au final, le parquet fera ce qu’il voudra. C’est une tempête dans un verre d’eau ». Si la majorité sénatoriale se retrouve aujourd’hui divisée entre LR et centriste, il ne s’en inquiète pas. « De là à dire qu’il y aura crise au Sénat… Il en a vu d’autres. Ça va se tasser » tempère le sénateur des Hauts-de-Seine. Il ajoute : « Et après les européennes, il y a les municipales. Tout le monde va se rabibocher ».

Après les QAG, le ministre en charge des Relations avec le Parlement, dénonce aussi au micro de Public Sénat une « décision de nature politique ». Mais ce membre du Modem calme un peu le jeu. « Moi, je suis un ministre des relations avec le Parlement qui croit, par fonction et conviction, à l’utilité du bicamérisme ». L’exécutif n’en est pas au point de souhaiter la transformation du Sénat en Bundesrat ou sa fusion avec le Conseil économique, social et environnemental. C’est peut-être la guerre, mais pas nucléaire. Reste à voir si la décision du bureau va maintenant compliquer la réforme constitutionnelle. Elle va se jouer entre l’Elysée et Gérard Larcher.

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