Après la chute, lundi soir, du gouvernement de François Bayrou composé de 7 ministres LR, la droite est au milieu du gué. Doit-elle retourner dans l’opposition et ainsi mieux prendre ses distances vis-à-vis du bilan politique d’Emmanuel Macron ? – Pas forcément un mauvais calcul à l’approche de 2027- ou au contraire rester dans « l’action politique » comme le souhaite la sénatrice LR de Paris Agnès Evren. « Avant d’entrer au gouvernement Barnier, on était menacés de disparition », soulignait-elle ce week-end lors du congrès des LR intitulé « les rendez-vous de la droite à Port Marly ».
Une majorité de sympathisants souhaiterait que Bruno Retailleau reste en poste
A la sortie du conseil stratégique de LR ce mardi, Bruno Retailleau a joué sa partition d’un chef de parti de gouvernement n’écartant pas la participation de la droite au prochain gouvernement au nom de « l’intérêt de la France ». Dans les instances du parti, on veut croire qu’après l’année passée à gouverner avec le bloc central, les électeurs ne font pas la confusion. « Ça ne fait évidemment pas de nous des macronistes. Trouvez-moi un ministre de l’Intérieur depuis le début de la Ve République qui ait autant affirmé que moi ses différences », a rappelé ce week-end Bruno Retailleau devant 2 500 adhérents citant le dossier algérien, corse et immigration.
Selon un sondage commandé par LR, qui devrait sortir dans les prochains jours ; une majorité de sympathisants de droite mais aussi de RN plaident en faveur du maintien de Bruno Retailleau à Beauvau. « Avec le rejet massif de François Bayrou, on pensait que ça allait nous entraîner dans le seau mais les sondages ne disent pas ça. Les gens préfèrent Bruno Retailleau à l’Intérieur, à l’inconnu », se réjouissait ce week-end l’entourage du ministre.
Le locataire de Beauvau a continué à jouer cette carte en mettant en avant le risque de « déstabilisation », du pays avec la journée de mobilisation « bloquons tout » du 10 septembre. « Monsieur Mélenchon et ses amis veulent créer un climat insurrectionnel […] On est dans un mois de septembre propice à tous les débordements », a-t-il alerté ce matin.
Mais le spectre de la division plane toujours au sein de la droite. Elle s’est matérialisée lundi soir lors du vote de confiance. Sur 49 élus du groupe LR : 27 ont voté pour, 13 contre et 9 se sont abstenus. En contradiction avec la ligne posée par Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez avait accordé la liberté de vote aux parlementaires et même annoncé qu’il ne censurerait pas un prochain gouvernement RN ou même PS. « Il en a marre de voir Bruno prendre la lumière au gouvernement. En donnant l’impression qu’il adouberait un gouvernement de gauche, Bruno sortirait et il remet les compteurs à zéro », observait un parlementaire ce week-end.
« Chacun a reconnu que notre présence au gouvernement avait été bénéfique pour le parti »
Une idée qui est loin d’être partagée par les ministres démissionnaires. Selon une source interne, lors du conseil stratégique de ce matin, Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture « a rappelé tout ce qu’elle avait fait de bien ». « Chacun a reconnu que notre présence au gouvernement avait été bénéfique pour le parti, même Laurent Wauquiez a plutôt tenu ce discours. On a aussi abordé le sujet des collègues qui avaient voté contre. La liberté de vote n’a pas renforcé notre position », souffle un ministre qui concède que lesdits députés font face à des situations locales compliquées. « Certains se sont dit qu’en cas de dissolution, ramener le bulletin de vote contre, c’était une aide pour la prochaine élection ».
Reste qu’échaudés par la gouvernance de François Bayrou, les Républicains ne considèrent pas comme « automatique », leur participation au gouvernement. Les mois passés, la droite avait quand même dû avaler quelques couleuvres comme le projet de réforme de la proportionnelle, ou de l’autonomie de la Corse.
« Ce sont plus des propositions que des lignes rouges »
En fin de journée, le bureau politique formulera des propositions en vue d’un contrat de gouvernement que le parti proposera au prochain exécutif avec des priorités comme le redressement des comptes publics, la sécurité, la maîtrise de l’immigration… « On avait dit au moment du gouvernement Bayrou qu’on voulait s’engager sur un socle programmatique. On reste très cohérents. On a quand même des choses en partage avec Horizons, et autres… sur la hausse du pouvoir d’achat, sur la baisse de la dépense publique… Mettons-nous d’accord au sein du socle commun pour voir quels sont les points de convergences », invite le président du groupe LR du Sénat, Mathieu Darnaud.
Bruno Retailleau croit « comme le général de Gaulle, qu’il existe, au-delà des partis, une majorité nationale », composée de Français de droite comme de gauche qui veulent, selon lui « une politique de bon sens ».
« Lecornu probablement »
« On n’a pas beaucoup de lignes rouges, à part la nomination du Premier ministre socialiste. Ce sont plus des propositions que des lignes rouges », rassure le sénateur des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi qui considère que Xavier Bertrand serait « un Premier ministre idéal » car issu de LR. « Mais, je n’y crois pas beaucoup. Ce sera un Premier ministre du bloc central, Lecornu probablement », a-t-il cité. « Le président a déjà fait son choix et il a dit qu’il ne souhaitait pas de présidentiable à Matignon », a affirmé Xavier Bertrand, lors de la réunion, d’après nos confrères de l’AFP.
Division sur la méthode ?
Valérie Pécresse la présidente de la région Ile-de-France a semblé adhérer à la proposition émise par le patron des députés Renaissance. Gabriel Attal a plaidé en faveur de la nomination par le chef de l’Etat d’un « négociateur » pour s’entendre avec les partis sur un accord de gouvernement avant d’être nommé officiellement Premier ministre. « Nous souhaitons qu’il n’y ait non pas un Premier ministre nommé mais un Premier ministre pressenti qui irait voir les partis politiques et les groupes parlementaires pour exposer ce qu’il voudrait faire. Il faut changer de méthode. Il faut arrêter de mettre les gens avant le contenu », a-t-elle insisté.
« Un Premier ministre de préfiguration pour être sûr que ce gouvernement tienne dans le temps. Si c’est pour nommer un Premier ministre qui sera renversé deux ou trois mois après. On n’aura pas rendu service au pays », a appuyé Daniel Fasquelle, le maire du Touquet.
Bruno Retailleau ne semble pas valider cette nouvelle méthode et s’en tient à la lettre de la Constitution. « Il y a urgence à nommer un Premier ministre », a-t-il estimé tout en rappelant « qu’institutionnellement, c’est le Premier ministre qui doit être le préfigurateur. Il doit ensuite se retourner vers l’ensemble des formations politiques pour dessiner ce chemin d’intérêt général », a-t-il pressé.
Un nouveau point à trancher lors du prochain bureau politique.