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Crise politique : quelles sont les conditions pour qu’Emmanuel Macron déclenche l’article 16 de la Constitution ?

A quelques heures de l’allocution du chef de l’Etat qui s’exprimera sur les conséquences de la censure du gouvernement Barnier dont il a accepté la démission, une interrogation émerge sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron peut-il avoir recours à l’article 16 de la Constitution ? Un article qui donne des pouvoirs exceptionnels au président de la République.
Simon Barbarit

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« Il ne manquerait plus que l’article 16… au secours ! », s’inquiète une maître de conférences en droit public sur X, en apprenant qu’Emmanuel Macron avait consulté le président du Sénat, Gérard Larcher et la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avant son allocution de ce soir sur les enseignements de la censure du gouvernement Barnier. Ces consultations portaient sur le nom du futur Premier ministre et l’agenda parlementaire avec l’épineuse question du budget. Toutefois, certains juristes rappellent que pour déclencher l’article 16 de la Constitution qui donne des pouvoirs exceptionnels au chef de l’Etat, le président de la République doit aussi « consulter officiellement le Premier ministre, les présidents des assemblées (soit le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat) ainsi que le Conseil constitutionnel ». Puis il doit « informer la Nation par un message de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels ».

Après la large censure du gouvernement Barnier, la crise politique se poursuit plus que jamais. Et la France n’est toujours pas dotée d’un budget pour 2025. Mais, est-ce suffisant pour remplir les conditions de fonds de cet article rédigé par le Constituant suite au « traumatisme de 1940 ». « Son principe, c’est que la continuité de l’Etat doit passer au-dessus de la démocratie. Mais si la réponse à la censure, c’est l’article 16. On a du souci à se faire pour notre démocratie », explique Thibaud Mulier, maître de conférences en droit public à l’Université Paris Nanterre.

L’article 16 a connu une seule application dans l’Histoire de la Ve République entre 23 avril au 29 septembre 1961 après une tentative de putsch de quatre généraux partisans de l’Algérie française.

« Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat qui n’a pas de contraintes juridiques »

L’article 16 peut être déclenché en cas de « menace grave et immédiate des institutions de la République, de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité de son territoire ou de l’exécution de ses engagements internationaux, et, d’autre part, en cas « d’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels ». Ces deux conditions sont cumulatives.

Reste à savoir si la non-exécution du budget, le risque de « shutdown » qu’il entraîne, remplit ces conditions. « Le fonctionnement régulier des pouvoirs publics n’est pas interrompu car il existe plusieurs possibilités prévues par la Constitution pour faire adopter le budget (lire notre article). Quant à la menace sur nos institutions ou sur les engagements internationaux de la France, elle doit être ‘’grave et immédiate’’. Toutefois, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat qui n’a pas de contraintes juridiques. Tout l’enjeu de cet article taillé pour de Gaulle est d’interroger la légitimité du chef de l’Etat. Est-ce qu’un président aussi affaibli qu’Emmanuel Macron a la légitimité pour y recourir ? Je ne pense pas », analyse Thibaud Mulier.

« C’est une hypothèse qui est, à ce stade, complètement farfelue »

« C’est une hypothèse qui est, à ce stade, complètement farfelue », appuie Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’Université de Lille. « A ce jour les pouvoirs publics fonctionnent de façon régulière. La France dispose d’un budget jusqu’au 31 décembre. Et d’ici là, il peut se passer pleine de choses. Quant aux consultations, le Premier ministre étant démissionnaire, est-ce qu’il peut être consulté ? C’est sujet à interprétation. A ce que je sache, le président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius, ne l’a pas été. Et au vu de ses relations avec le chef de l’Etat, si ça avait été le cas, je pense qu’il l’aurait fait savoir ».

Risque de destitution

Les pouvoirs exceptionnels du chef de l’Etat connaissent quand même des limites. D’abord dans le temps. Au bout de 30 jours, le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, examine si les conditions exigées par la Constitution pour l’application de son article 16 demeurent réunies. Ce contrôle est de plein droit au bout de soixante jours. Le chef de l’Etat concentre les pouvoirs législatifs et réglementaires, mais le Conseil d’Etat reste compétent pour contrôler les actes qui relèvent du règlement.

Pendant la période de déclenchement de l’article 16, le Président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale et ne peut pas interdire au Parlement de se réunir, ni non plus réviser la Constitution.

Un chef de l’Etat qui aurait recours à l’article 16 pour des raisons qui ne sont pas justifiées prendrait le risque d’être destitué par le Parlement constitué Haute Cour, pour manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat.

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