Cette année, la ministre de la Culture, Rachida Dati, n’a pas annoncé une hausse exceptionnelle de 300 millions d’euros pour le patrimoine. « Si à chaque fois que vous venez devant le Sénat, vous annoncez une hausse de 300 millions, nous vous réinviterons très prochainement », avait alors déclaré Laurent Lafon, président de la commission culture au Sénat. A l’occasion de cette audition précédant l’examen du projet de loi de finances 2026 au Sénat, Rachida Dati a tenté de défendre son action et la baisse des crédits alloués à la culture, une diminution de plus de 200 millions d’euros (hors audiovisuel public).
« Depuis mon arrivée à la tête du ministère, j’ai tenu tous mes engagements », a déclaré la ministre de la Culture comme pour préempter les critiques relatives à la réduction des moyens de son ministère. Un volontarisme qui n’a pas convaincu les sénateurs, beaucoup rejetant la réduction des crédits telle que prévue dans la copie du gouvernement. « J’ai l’impression de ne pas vieillir ou de rajeunir car je vois dans ce projet de loi de finances les mêmes problématiques que l’année dernière », ironise d’ailleurs Michel Laugier, sénateur centriste des Yvelines. Si les réductions de crédits sont variables en fonction des programmes, aucun poste budgétaire du ministère de la Culture n’est épargné.
Le budget dédié au patrimoine en recul
En pleine tourmente après le cambriolage du musée du Louvre (voir notre article), Rachida Dati a défendu les crédits alloués au patrimoine malgré une baisse de 58 millions d’euros (1,145 milliard au total). « L’ampleur de cette baisse a de quoi surprendre alors que de nombreux chantiers sont en cours et que le cambriolage du Louvre a mis en évidence l’obsolescence de certains de nos monuments les plus emblématiques » relève Laurent Lafon en préambule de l’audition. En dépit de cette baisse, la ministre de la Culture a tenu à souligner que le patrimoine restait une priorité.
« Entre 2017 et 2025, le budget du patrimoine a augmenté de 39 % ceux qui affirment que le patrimoine est une variable d’ajustement ne disent pas la vérité », rappelle Rachida Dati. Une baisse de la dotation essentiellement liée à un « lissage » dans le temps des investissements en matière de patrimoine. « Je préfère que l’on lisse plutôt que l’on se désengage », insiste la ministre qui précise que les projets de rénovation et de préservation en cours – comme c’est le cas pour le centre Pompidou, Fontainebleau ou Versailles – se poursuivront.
Soutien à la création : « Dans un contexte de désengagement des collectivités, j’ai souhaité que l’Etat soit exemplaire »
Autre fait marquant pour le ministère situé Rue de Valois, le soutien à la création est en baisse pour la première fois depuis plus de dix ans. En effet, les crédits alloués à la création artistique diminuent de 34 millions d’euros. « Le soutien à l’emploi artistique se poursuivra en 2026, avec notamment la prorogation du FONPEPS comme je m’y étais engagée », a tenté de rassurer la ministre en évoquant les mesures de soutien au spectacle vivant.
Par ailleurs, la ministre défend l’efficacité et la destination de ces crédits évoquant « plus d’un milliard d’euros de crédits prévus » (1,009 milliard d’euros) dont « la moitié consacrée aux territoires ». Le financement des Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) devrait être directement impacté.
« Dans un contexte de désengagement des collectivités, j’ai souhaité que l’Etat soit exemplaire », affirme également Rachida Dati qui précise que les 100 millions d’euros dédiés au plan culture ruralité sont « sanctuarisés ». Un plan annoncé en 2024 par la ministre et destiné à soutenir la création artistique en zone rurale. « Près de 300 radios associatives sont accompagnées dans le cadre de ce plan », continue l’ancienne garde des Sceaux en profitant pour rebondir sur un sujet d’inquiétude des sénateurs, la baisse de la dotation du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), amputé de 16 millions d’euros dans la copie du gouvernement.
La ministre a assuré que le gouvernement soutiendrait un amendement visant à ramener les crédits alloués au niveau de 2025. « Qu’est ce qui préside à la logique de cette définition budgétaire et de cet aller-retour ? », s’est interrogé le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, relayant l’inquiétude suscitée par la ponction prévue sur le FSER. Une question à laquelle la ministre n’a pas souhaité répondre estimant qu’à la fin, seuls les parlementaires votent le budget.
Le pass culture raboté
Enfin, les crédits destinés à la Transmission des savoirs et démocratisation de la culture (722 millions d’euros) connaissent également une baisse de 37 millions d’euros. Une baisse qui s’explique par la réduction drastique du financement du Pass culture. Une décision que Rachida Dati assume : « J’ai fait le choix de la formation, j’ai fait le choix de la médiation de l’égalité de chances, de l’accompagnement et du soutien à nos équipements culturels ». La future candidate à la mairie de Paris a resserré le dispositif, celui-ci n’est désormais accessible qu’à partir de 17 ans contre 15 ans précédemment. « J’ai recentré sur les 17-21 ans avec un bonus de 50 euros pour les jeunes dont les parents disposent de revenus modestes et pour les jeunes en situation de handicap afin d’en faire un outil plus équitable », argumente Rachida Dati.
Pour rappel, le pass Culture se scinde en deux volets, une part dite « collective », qui permet de financer des activités d’éducation artistique et culturelle dans le cadre scolaire, du collège à la terminale, et une part dite « individuelle ». « Je préfère que les crédits servent à des jeunes qui en ont vraiment besoin », continue la ministre, pointant la réduction des crédits pour la part « individuelle ». « Le risque avec la baisse de dotation à court terme c’est que les économies ne soient pas faites au bon endroit », s’est néanmoins inquiétée la sénatrice socialiste de Loire-Atlantique, Karine Daniel.
« La priorité pour l’audiovisuel public c’est de lui donner un nouveau cap »
Enfin, sur un autre sujet brûlant, Rachida Dati n’a rien voulu lâcher concernant la baisse des crédits destinés à l’audiovisuel public et tout particulièrement France Télévisions dont le financement chute de 65,3 millions d’euros portant son budget à 2,44 milliards d’euros. Menacé depuis la suppression de la redevance audiovisuelle, les sénateurs ont alerté sur l’instabilité du budget de l’audiovisuel public. « Comment pensez-vous que l’on peut aborder sérieusement cette trajectoire baissière sans redéfinir ce que la puissance publique attend de ce service public ? Après avoir acté, il y a deux ans, une augmentation des concours publics de 10 % pour 2024-2028 ce sont finalement des économies qui sont aujourd’hui requises » demande Cédric Vial (LR), sénateur de Savoie.
Une instabilité que la ministre a reconnue tout en maintenant le niveau d’effort demandé à l’audiovisuel public : « La trajectoire de baisse de budget de FranceTV constitue un vrai défi pour la société, je mesure l’inquiétude qu’elle suscite ». « La priorité pour l’audiovisuel public c’est de lui donner un nouveau cap », ajoute la ministre. Un nouveau cap qui pourrait passer par des réformes structurelles comme l’exige la Cour des comptes. Une nouvelle organisation qui pourrait être mise en place par l’adoption de la proposition de loi de Laurent Lafon créant une holding pour l’audiovisuel public. Un texte soutenu par la ministre qui pourrait revenir à l’Assemblée nationale.