« Une réforme érigée par la volonté de plaire à l’opinion […] Livrer à la vindicte populaire ces cumulards […] Ces profiteurs […] Nous n’étions pas si loin du tous pourris dont les Gilets Jaunes ont été si friands quelques années plus tard ». Hervé Marseille, le président centriste et auteur de la proposition visant à revenir partiellement sur l’interdiction du cumul des mandats, s’est rappelé « des débats enflammés » qui avaient rythmé le Sénat en 2013.
Le sujet avait, en effet, occupé les sénateurs pendant des mois. La fin du cumul des mandats, une réforme populaire plébiscitée par les militants socialistes que le candidat Hollande avait reprise à son compte, avait suscité une vague d’opposition à la Haute assemblée. Un front du refus s’était organisé à l’époque entre le groupe RDSE, le groupe UMP et celui de l’UDI-UC. Plusieurs sénateurs socialistes, dont le président François Rebsamen, à l’époque, était contre. Adoptée définitivement en 2014, La loi interdisant le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale est appliquée depuis le changement de législature de 2017.
La réforme de 2014 a participé « au sentiment actuel de déconnexion entre les Français et leurs représentants »
Et de l’avis de la majorité sénatoriale de la droite et du centre, la réforme n’a pas été une franche réussite pour la démocratie. « Force est de constater que malgré cette réforme adoptée il y a plus de 7 ans, les accusations formulées contre les élus et en particulier contre les parlementaires n’ont, malheureusement, pas disparu », a mis en avant Hervé Marseille.
La proposition de loi du président du groupe centriste, adoptée (pour 197, contre 119) dans la soirée de mercredi, assouplit cette interdiction en autorisant le cumul d’un mandat exécutif local dans une ville de moins de 10 000 habitants avec un mandat de parlementaire. « La loi organique de 2014 a envoyé le balancier vers un extrême qui s’est révélé mortifère pour le pouvoir législatif […] en privant notamment les parlementaires d’une assise locale susceptible de renforcer leur autorité, leur expertise et leur indépendance », a justifié Stéphane Le Rudulier, rapporteur LR du texte, soulignant que la réforme a participé « au sentiment actuel de déconnexion entre les Français et leurs représentants ».
« Pas une bonne réponse aux besoins exprimés par nos concitoyens », selon le gouvernement
Nadia Hai, la ministre de la Ville a donné un avis défavorable à cette proposition de loi. « Dans le cadre du grand débat national, nos concitoyens ont exprimé une exigence envers leurs élus. Par exemple, ils ont particulièrement critiqué les absences des élus lors des séances au sein des assemblées où ils sont élus. Dès lors, il ne nous semble pas que le cumul des mandats soit une bonne réponse aux besoins exprimés par nos concitoyens », a-t-elle fait valoir, s’attirant des huées dans les travées de l’hémicycle.
En séance, les sénateurs ont adopté un amendement élargissant le cumul d’un mandat parlementaire avec les fonctions de président d’un établissement public de coopération intercommunale dont la population totale n’excède pas 10 000 habitants.
« Les militants associatifs, syndicaux et politiques ne sont-ils pas implantés localement ? »
A gauche, la proposition de loi n’a logiquement pas non plus fait des émules. Le socialiste, Éric Kerrouche a rappelé que malgré la loi de 2014, il n’existait pas de mandat unique, les parlementaires pouvant toujours cumuler avec un mandat local, hors exécutif. « Pour nous, cette proposition de loi va à rebours du titre qu’elle affiche. Elle consacre le rôle périphérique du Parlement et contribue à l’affaiblissement des collectivités en les considérant comme accessoires ».
« Si la loi que vous avez votée était si efficace, ça se saurait et ça se verrait dans les urnes », lui a rétorqué, quelques minutes plus tard, Françoise Gatel, la présidente centriste de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
Éliane Assassi, la présidente du groupe CRCE (communiste républicain citoyen et écologiste) a insisté sur le fait qu’un ancrage local ne passait pas forcément par une fonction élective. « Les militants associatifs, syndicaux et politiques ne sont-ils pas implantés localement ? » a-t-elle interrogé
Dans la proposition de loi initiale, un parlementaire pouvait cumuler les fonctions, mais ne pouvait plus percevoir les deux indemnités en ne recevant ainsi « aucune indemnité pour l’exercice des fonctions de maire. » Mais la commission des lois est revenue sur cette disposition qui risquait d’être inconstitutionnelle à cause d’une « rupture d’égalité avec des parlementaires par ailleurs conseilleurs communautaires qui sont, eux, indemnisés. Malgré un amendement du sénateur non inscrit, Jean-Louis Masson, cette impossibilité de cumuler deux indemnités n’a pas été réintroduite en séance.
« On peut essayer de laver plus blanc que blanc mais in fine, c’est le risque du suffrage censitaire. Viendront se présenter aux élections ceux qui ont les moyens », a justifié Stéphane Le Rudulier.