Dans l’Assemblée renouvelée, le sexisme fait de la résistance

Dans l’Assemblée renouvelée, le sexisme fait de la résistance

Plus de femmes, un changement générationnel, une prévention accrue: depuis juin, tout est fait pour que le sexisme recule à l'Assemblée, sur...
Public Sénat

Par Charlotte HILL

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Plus de femmes, un changement générationnel, une prévention accrue: depuis juin, tout est fait pour que le sexisme recule à l'Assemblée, sur fond de libération de la parole, même si subsistent "des vieux réflexes", selon des députés.

L'"arrivée massive de femmes", 224 sur 577, un record, a "forcément changé les choses", observe une élue LREM, pour qui "plus personne n'oserait siffler une ministre en robe à fleurs", comme Cécile Duflot en 2012. Mais il reste "de la misogynie" et "sur tous les bancs, on peut encore entendre Mme le ministre, Mme le député...".

Néo-élu, Matthieu Orphelin (LREM) ne juge pas que "l'égalité homme-femme est gagnée", mais "on voit le changement de génération, et pratiquement la parité", au moins chez LREM.

Pour Brigitte Kuster (LR), il y a "peut-être une prise de conscience globale, car les petites réflexions grivoises" ont tendance "à disparaître".

Delphine Batho (c), le 14 novembre 2017 à l'Assemblée nationale, à Paris
Delphine Batho (c), le 14 novembre 2017 à l'Assemblée nationale, à Paris
AFP/Archives

La socialiste Delphine Batho, élue depuis 2007, admet que "le climat a changé dans les ascenseurs, il y a des vannes grossières qu'on n'entend plus". Des affichettes rappellent les dispositifs anti-harcèlement, notamment le "référent" en place depuis 2013.

Mais, dit-elle à l'AFP, on n'est "pas à l'abri d'un dérapage macho" et les plus âgés n'ont pas "le monopole" du sexisme.

Elle évoque ainsi le jeune Robin Reda (LR) -reprochant notamment un ton "quasi-maternel" à Yaël Braun-Pivet (LREM) avant de s'excuser face au tollé- et rappelle "encore cet été" des bruits de chèvre pendant l'intervention d'une LREM, dont "l'auteur n'a pas été retrouvé".

- "Pas se plaindre, se battre" -

Se jugeant protégée par le fait d'être "estampillée féministe", l'Insoumise Clémentine Autain décèle quand même du sexisme, comme "du brouhaha" quand une femme parle.

Un élu MoDem pointe la droite, où subsiste "un patricarcat affirmé".

Mercredi, la secrétaire d'Etat Brune Poirson a d'ailleurs exhorté certains à "un peu moins de machisme", déclenchant une standing ovation de la majorité.

Clémentine Autain et Francois Ruffin sur les bancs de l'Assemblée à Paris le 6 février 2018
Clémentine Autain et Francois Ruffin sur les bancs de l'Assemblée à Paris le 6 février 2018
AFP/Archives

Plus prosaïquement, s'ajoutent par exemple des "micros plus adaptés à des voix graves", selon Clémentine Autain, pour qui le sexisme ne vient pas seulement de "machistes conscients qui oppriment des femmes".

Il y a notamment "des mécanismes d'intériorisation qui pèsent sur nos comportements", observe-t-elle, voyant dans le mouvement #metoo "une bonne vague de fond" qui pousse des députés à s'interroger.

Pour la communiste Elsa Faucillon, si certains se sont questionnés ou "sentis sous contrôle" ces derniers mois, il y a "une partie d'indécrottables qu'il faut mettre devant leurs contradictions, misogynie, ou sexisme avéré".

Elle se souvient d'"une remarque +ça fait pas ministre+ la première fois que Marlène Schiappa a parlé dans l'hémicycle", jugeant "le combat encore devant nous".

"Il faudra plus qu'une génération de députés pour tout casser", renchérit une LREM, constatant que, dans son groupe, les "stars" sont majoritairement masculines.

"Au fond, les choses n'ont pas tant changé que cela", observe Virginie Duby-Muller (LR), même si cela "se passe bien" dans son groupe (24 femmes sur 101).

Mais "dans notre petite sphère feutrée, lorsqu'il y a des violences sexuelles, on se tait, le plus souvent", et "les plus vulnérables" sont les collaboratrices, selon Esther Benbassa, sénatrice écologiste.

Depuis juin, la justice a classé sans suite une plainte pour harcèlement d'une ex-collaboratrice visant le député LREM Christophe Arend.

Plusieurs députés assurent que leurs collaborateurs n'ont "rien fait remonter", pas "même des rumeurs". Mais une collaboratrice affirme qu'on entend encore "des jeunes se plaindre des remarques lourdingues de leur boss sur leur physique".

Des porte-parole du collectif "Chair collaboratrice", né après l'affaire Baupin, ont récemment pointé un sexisme "exacerbé" par leur rôle de "petites mains" et un manque de moyens réels "pour protéger les femmes".

François de Rugy (LREM) a concédé que "dans une communauté humaine de 4.000 personnes (députés, fonctionnaires, collaborateurs), il peut toujours y avoir des comportements déviants".

Pour Delphine Batho, demeure la question de "la féminisation du pouvoir". "On dénie toujours aux femmes la capacité d'être cheffe politique. Mais il ne faut pas se plaindre, il faut se battre".

parl-chl/ic/frd/DS

Dans la même thématique

FRA – FRANCOIS BAYROU – PALAIS ELYSEE
7min

Politique

Dans le camp présidentiel, François Bayrou n’aura pas que des amis

Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.

Le

the republicans received at the elysee
4min

Politique

Bayrou à Matignon : la droite attend le projet du Premier ministre pour savoir « s’il est l’homme de la situation »

Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.

Le

Dans l’Assemblée renouvelée, le sexisme fait de la résistance
6min

Politique

François Bayrou à Matignon : « Il ne semble pas disposé à être un Premier ministre collaborateur »

Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.

Le