FRA – FRANCOIS BAYROU – PALAIS ELYSEE

Dans le camp présidentiel, François Bayrou n’aura pas que des amis

Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.
François Vignal

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C’est lui. Emmanuel Macron a nommé François Bayrou à Matignon. Ou s’est résolu à le nommer, tant les choses ont semblé compliquées dans la dernière ligne droite. « Je pense que l’accouchement a été difficile », sourit le sénateur Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, un proche du nouveau premier ministre, qu’il a eu au téléphone plusieurs fois ces derniers jours. Mais c’est bien le Béarnais qui atterrit rue de Varenne. Son rêve enfin réalisé.

« C’est le moment Bayrou » se réjouit le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe, un proche du premier ministre

Matignon était pourtant à deux doigts de lui échapper, encore une fois. S’il n’avait pas été nommé, « cela aurait été la crise. Le Président en a pris conscience », croit savoir un parlementaire, qui ajoute que « Bayrou, ce n’est pas Vautrin », à qui Emmanuel Macron avait proposé Matignon avant de nommer finalement Elisabeth Borne. Une menace de perdre un allié qui aurait joué ? Il faut dire que le président du Modem s’est montré patient jusque-là. « François Bayrou, c’est celui qui est dans la salle d’attente du docteur, mais à chaque fois que le toubib sort, il y a quelqu’un qui lui passe devant, « pardonnez-moi, c’est une urgence » », s’amusait la semaine dernière en privé un cadre du bloc central. Cette fois, c’est son tour.

Au Modem, ce soir, on ne peut cacher sa joie. « Je me réjouis qu’enfin, le Président ait accédé à cette idée que le seul en capacité de faire, à l’instant précis, c’est François Bayrou », salue Jean-Marie Vanlerenberghe, qui rappelle qu’« il a apporté le soutien décisif à Emmanuel Macron, en 2017. Il est fidèle à l’inspiration initiale, qui est le dépassement des frontières d’un camp, pour essayer de rassembler les Français ». « François Bayrou coche les cases, tout le monde le dit : il a depuis toujours préconisé le dépassement des intérêts partisans et particuliers. C’est le moment Bayrou », insiste le sénateur du Pas-de-Calais, avant cependant de mettre en garde : « Mais il faudra l’aider, car il y a des forces contraires, les ingénieurs du chaos ».

« Une figure barycentrique capable d’entraîner ceux qui veulent agir dans l’intérêt du pays »

Ces forces pourraient-elles venir de son propre camp ? Il y a bien sûr une série de félicitations. Comme celles du président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille, qui s’est réjoui sur Public Sénat de voir « un authentique centriste » à Matignon. Il l’appelle à trouver des compromis avec la droite et la gauche « pour pas être dépendant du RN ». « Il faut faire de la politique, c’est peut-être ce qui a manqué à Michel Barnier, c’est de s’impliquer politiquement », ajoute le président de l’UDI.

Des félicitations venues aussi de Renaissance, le parti présidentiel. « C’est avant tout quelqu’un capable de parler à la fois à la droite et à la gauche, une figure barycentrique capable d’entraîner ceux qui veulent agir dans l’intérêt du pays. Je crois que François Bayrou, il a ses qualités là », salue sur l’antenne de Public Sénat l’ex-ministre Marie Lebec, porte-parole du groupe Ensemble pour la République (Renaissance) de l’Assemblée. « Cela fait très longtemps qu’il est dans la vie politique française, il en connaît les ressorts et les rouages », ajoute la députée.

« François Bayrou est un homme d’expérience, rompu au dialogue, engagé pour une pratique politique plus ouverte. Il a les qualités pour créer les conditions d’un débat serein et une stabilité au Parlement », a salué sur X (ex-Twitter), François Patriat, à la tête du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat.

Son homologue du groupe EPR de l’Assemblée, l’ancien premier ministre Gabriel Attal, y va aussi de message : « Le président de la République a nommé François Bayrou premier ministre. Dans le moment si difficile que traverse notre pays, je sais qu’il a les qualités pour défendre l’intérêt général et construire l’indispensable stabilité que les Français attendent. Avec le groupe EPR et le parti Renaissance, nous partageons ces objectifs et nous nous tiendrons à ses côtés », écrit sur le réseau social Gabriel Attal, qui vient de prendre la tête de son parti. On est plus proche du service minimum que du soutien les yeux fermés, même si selon certains, l’ex-premier ministre ne verrait pas le nouveau locataire de Matignon comme un concurrent potentiel pour 2027.

« Il pourrait être censuré par son propre groupe »

Hors micro, on réalise que François Bayrou n’aura pas que des amis dans l’ex-majorité présidentielle. Comme ce député Renaissance, qui ne cache pas ses doutes. « Il coche les cases, au sens où c’est un homme de dialogue. Il a une culture politique », commence (bien) cet élu issu des rangs de la droite, « mais est-il capable de mener une politique courageuse ? Cela fait longtemps qu’il n’a pas été au gouvernement », pointe ce député.

Une autre, députée Renaissance, a carrément une réaction allergique à la simple évocation du nom du président du Modem. « Bayrou, ce n’est pas possible. C’est le fossoyeur de Nicolas Sarkozy. Ça, ce n’est pas possible », lâche la semaine dernière cette élue venue aussi de la droite. « Il pourrait être censuré par son propre groupe », raille encore cette députée, à l’évocation de son caractère, avant de lâcher la dernière banderille : « C’est un vieux donneur de leçon. Il est commentateur depuis 7 ans ».

Sur un ton beaucoup plus mesuré, un chapeau à plumes de la majorité avoue se poser des questions. « Bayrou, certes, peut travailler avec le PS. Mais il doit mettre autant d’énergie à convaincre LR de rester, qui pourrait se refaire une santé dans l’opposition », souligne ce parlementaire rodé. A droite, ils sont un certain nombre à ne pas oublier que le Béarnais n’avait pas donné de consigne de vote pour Nicolas Sarkozy au deuxième tour de la présidentielle 2007 et, pire, avait voté François Hollande au second tour de 2012.

« Calmons-nous », lance François Patriat, « maintenant, il faut l’accompagner »

Des atermoiements que François Patriat appelle à mettre de côté. « J’ai dit que dès le moment où le premier ministre allait être nommé, qui que ce soit, il y aurait un effet déceptif. Donc calmons-nous. Peut-être que certains espéraient un premier ministre plus à gauche ou plus à droite. En fin de compte, c’est François Bayrou, car il est à l’épicentre, il parle avec la gauche, il parle avec la droite. Maintenant, il faut l’accompagner », demande ce fidèle d’Emmanuel Macron, qui « connaît depuis longtemps » François Bayrou, « un ami ». François Patriat espère au passage « qu’il saura dialoguer, et d’abord le Sénat ». Pour espérer durer plus de trois mois, le nouveau premier ministre devra dialoguer avec beaucoup de monde.

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