Dans sa retraite politique, l’image de rigueur abîmée de Jean-Jacques Urvoas

Dans sa retraite politique, l’image de rigueur abîmée de Jean-Jacques Urvoas

Spécialiste reconnu des questions de sécurité, l'ancien ministre socialiste de la Justice Jean-Jacques Urvoas a bénéficié, y...
Public Sénat

Par Pierre ROCHICCIOLI

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Spécialiste reconnu des questions de sécurité, l'ancien ministre socialiste de la Justice Jean-Jacques Urvoas a bénéficié, y compris à droite, d'une image de rigueur, qui se retrouve abîmée par une enquête pour "violation du secret professionnel".

Soupçonné d'avoir transmis au député Thierry Solère des informations sur une enquête pour fraude fiscale le concernant, l'ex-ministre de 58 ans devra faire face à une enquête de la Cour de justice de la République. Une "note confidentielle" avait été retrouvée sur le téléphone du député ex-LR, selon le Canard enchaîné.

Un comble pour l'ancien parlementaire PS du Finistère, fin connaisseur des services de renseignement et réputé très prudent.

L'affaire l'atteint en pleine retraite politique forcée: battu en juin aux législatives par la candidate de la République en marche, le maître de conférence en droit public a recommencé à donner des cours aux universités de Quimper et Brest, à Paris-Dauphine et à Sciences-Po.

"J'ai été pendant dix ans (1987-1997) directeur de cabinet de Bernard Poignant (ex-maire PS de Quimper), j'ai été ici, à la faculté de Quimper(1997- 2007), puis parlementaire (2007-2017). J'ai des vies de dix ans! Et j'entame maintenant une quatrième vie jusqu'à 2027", a-t-il dit devant les étudiants de Quimper, qui l'avaient chaleureusement accueilli à son premier cours en septembre 2017.

Depuis lors, le professeur, qui n'avait pas caché ses regrets de quitter la vie politique, ne se prive pas de faire aussi la leçon sur Twitter à celle qui lui a succédé place Vendôme, Nicole Belloubet: "100 postes de magistrats créés en 2018? Mais l'an passé nous en avions créé 238", tacle-t-il le 13 octobre.

Plus cocasse a posteriori, il proclamait le 12 mai "la nécessité de l'indépendance du parquet", à l'occasion de l'installation de Robert Gelli comme procureur général à Aix-en-Provence.

Le même Robert Gelli était auparavant à la tête de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG). Or, c'est la DACG, département sensible qui fait l'interface entre le ministère de la Justice et les procureurs, qu'il est soupçonné d'avoir sollicitée pour obtenir les informations transmises à Thierry Solère.

- Loin du style Taubira -

Durant son passage à l'Assemblée, l'élu breton, qui a décroché la présidence de la puissante Commission des lois seulement cinq ans après son entrée au Palais Bourbon, avait su se faire apprécier.

Nombre de socialistes le trouvaient "fin, intelligent et travailleur". A droite même, Jean-Pierre Raffarin confessait un petit faible pour lui, et Eric Ciotti le jugeait "courtois, pas sectaire".

Pince-sans-rire, Jean-Jacques Urvoas peut cependant avoir la formule assassine, comme dans cette tirade qui lui valut le prix de l'humour du Press Club: "J'étais aux Baumettes et j'en suis sorti, à la différence des socialistes marseillais".

Longtemps proche de Manuel Valls, cet ancien rocardien a été jospiniste puis strauss-kahnien avant de soutenir François Hollande à la primaire de 2011. "Par devoir", il apportera son soutien à Benoît Hamon au premier tour de 2017 en expliquant: "J'ai tellement critiqué les frondeurs, je ne vais pas recourir aux mêmes pratiques".

Place Vendôme, il tentera aussi d'user de son entregent pour vendre la réforme constitutionnelle de François Hollande sur le statut du parquet. En vain.

Loin du style flamboyant de sa prédécesseure Christiane Taubira, Jean-Jacques Urvoas s'était défini dès son arrivée comme un pragmatique, plus intéressé par l'augmentation de son budget que par les grands discours.

A son départ après 16 mois de fonction, il se présentait comme "un jardinier" qui "plante en sachant qu'un autre récoltera les fruits".

Démarche inédite, il avait publié une "feuille de route" pour son successeur, détaillant dix chantiers de la justice "pour réparer le présent et préparer l'avenir". Son avenir à lui est désormais menacé par la Cour de justice de la République.

Dans la même thématique

Taxe Zucman : après les députés, les sénateurs écologistes à l’offensive sur le projet d’impôt de 2 % sur la fortune des plus riches
6min

Politique

Taxe Zucman : après les députés, les sénateurs écologistes à l’offensive sur le projet d’impôt de 2 % sur la fortune des plus riches

La proposition de loi des députés écologistes, adoptée en février à l’Assemblée nationale, sera inscrite dans le prochain espace réservé de leurs homologues sénateurs. Inspiré des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, le texte instaure un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des « ultra-riches ». Ses chances d’adoption au Sénat sont très minces, mais ses partisans espèrent convaincre.

Le

Dans sa retraite politique, l’image de rigueur abîmée de Jean-Jacques Urvoas
3min

Politique

Réarmement : « Je pense que la Russie n’est pas une menace pour le territoire français », estime Éric Coquerel

Invité de la matinale de Public Sénat, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel revient sur la réunion à Bercy pour financer l’industrie de la défense. Si l’insoumis reconnaît une réflexion nécessaire, il estime cependant que la Russie ne représente pas une menace existentielle pour la France. Par ailleurs, le député demande au gouvernement d’organiser un débat avec vote au Parlement sur le sujet du réarmement.

Le