Rassurer, expliquer mais pas question de repousser: le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin s'est livré lundi à une opération de déminage auprès des entreprises sur le prélèvement à la source, réforme phare qui prendra effet au 1er janvier 2019.
C'est dans une entreprise spécialisée dans les logiciels de paie pour l'agriculture basée à Beauvais (Oise), Isagri, que le ministre a lancé le premier comité de suivi pour la mise en place de ce nouveau dispositif de collecte de l'impôt sur le revenu, source de nombreuses inquiétudes dans le milieu patronal.
"A mesure que l'échéance s'approche, il est évident que les entreprises ne sont pas prêtes", a affirmé lundi dans un communiqué la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), rappelant son "hostilité au rôle de percepteur d'impôt que les pouvoirs publics entendent faire jouer aux chefs d'entreprise".
Une crainte relayée par les chefs d'entreprise réunis pour le comité de suivi. "Demain on va être collecteurs de l'impôt. Est-ce qu'on va avoir une contrepartie?", a demandé à M. Darmanin Sébastien Covelli, à la tête de six boulangeries employant au total 45 personnes. "Ca va avoir un coût comptable. Nous personnellement on n'en veut pas", a renchéri Sébastien Gariglietti, artisan et élu de la Chambre des métiers et de l'artisanat des Hauts de France.
Le directeur des produits de gestion d'Isagri, Thierry Hardion, a pour sa part évoqué les diverses réformes à mettre en place en même temps que le prélèvement à la source, entre le changement des calculs de plafonds de cotisations salariales, la fusion de l'Agirc et de l'Arrco, ou encore la bascule du CICE en baisse de charges. "Y a-t-il d'autres réformes que celles-ci dans les tuyaux d'ici 2019?", s'est-il inquiété, craignant un "conflit de priorités" pour les entreprises.
Pas d'autre évolution, si ce n'est la simplification de la fiche de paie, a répondu le locataire de Bercy. L'impôt à la source est "une mesure très attendue par les citoyens", a-t-il affirmé, relevant que sept millions de personnes voyaient leurs revenus changer de plus de 30% par an.
La collecte de l'impôt au moment du versement du salaire - et non plus un an après comme actuellement - doit en effet permettre d'ajuster automatiquement le niveau d'imposition aux variations de revenus.
- "Gain pour les salariés" -
Sur le coût que pourrait occasionner la réforme pour les entreprises, M. Darmanin a rappelé qu'un rapport de l'Inspection générale des Finances (IGF) l'a évalué entre 300 et 400 millions d'euros l'année de sa mise en oeuvre, mais a aussi souligné que la mise en place de la Déclaration sociale nominative (DSN) dans les entreprises pour collecter les charges sociales leur avait fait gagner "1,5 milliard d'euros", soit environ "25 euros par salarié".
"Ce qui est très important, c'est de voir le gain pour les salariés", a fait valoir le ministre, assurant que les entreprises n'auraient pas à assurer le service après-vente auprès de leurs employés. Le gouvernement a prévu de lancer plusieurs campagnes de communication, notamment pour informer le contribuable que son interlocuteur sur ces questions sera l'administration fiscale et non son employeur.
En revanche, pas question de reporter de nouveau la réforme comme l'a réclamé dimanche le numéro un du Medef, Pierre Gattaz.
Initiée par François Hollande, elle devait entrer en vigueur début 2018 mais a déjà été reportée d'un an, au 1er janvier 2019, par le gouvernement d'Edouard Philippe.
"On peut toujours repousser d'un an comme Sisyphe repousse son boulet", a déclaré M. Darmanin. Mais "il y a des moments où il faut aussi être au rendez-vous du bien-être des salariés", a-t-il ajouté, invitant les entreprises à s'inscrire auprès de la Direction générale des finances publiques pour effectuer des tests.
En attendant, un comité de suivi sera organisé une fois par mois en province jusqu'à la date fatidique et même au-delà, pour permettre de corriger les erreurs, a-t-il indiqué.