Il y a tout juste cinq ans, le 4 mai 2016, le Conseil des ministres arrêtait la date de l’élection présidentielle de 2017. Celle-ci s’était tenue les 23 avril et 7 mai. La question se pose à nouveau : quand aura lieu l’élection présidentielle de 2022 ? Le ministère de l’Intérieur, en charge des élections, n’a pas encore communiqué sur le sujet, mais le choix est limité. Les délais sont, en effet, strictement encadrés par la Constitution.
L’article 7 impose que l’élection ait lieu au moins 20 jours et 35 jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président de la République en exercice. Un deuxième tour, s’il est nécessaire, intervient toujours quatorze jours après le premier, toujours selon la Constitution. Le mandat d’Emmanuel Macron devant s’achever à la fin de la journée du 13 mai, cette arithmétique constitutionnelle ne laisse le choix qu’à deux binômes de dimanches : les 10 et 24 avril, ou bien le 17 avril et 1er mai.
« Ce n’est pas le jour férié qui pose problème »
Dans le deuxième scénario, la date d’un 1er mai comme second tour ne constitue pas un obstacle juridique, nous explique Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille. Dans l’histoire de la Ve République, le cas de figure s’est même déjà produit puisque le second tour de l’élection présidentielle de 1988 était tombé un dimanche 8 mai. Le problème tiendrait plus au premier tour, selon le constitutionnaliste. « Ce n’est pas le jour férié qui pose problème, c’est le fait que le 17 avril soit en plein milieu d’un week-end prolongé. » Le 18 avril 2022 sera le lundi de Pâques. Ce week-end pascal a également un autre inconvénient : il se situe en plein milieu des vacances scolaires de la zone B, mais aussi au début de celles de la zone A.
Jean-Philippe Derosier table plutôt sur un premier tour le 10 avril, et un second tour le 24 avril, ce qui pourrait constituer une première : les élections présidentielles ayant toujours enjambé avril et mai depuis 1981. Cependant, cette configuration pose elle aussi des problèmes avec l’articulation du calendrier scolaire. Le 10 avril ne serait marqué que par le début des congés de la zone B. Mais le second tour se situerait au carrefour des trois zones : milieu de la zone A, fin de la zone B et début de la zone C. Alors que faire face à ce dilemme ? « La question est politique : au gouvernement de trancher », conclut le constitutionnaliste.
Depuis 1988, aucune élection présidentielle n’a évité totalement les vacances scolaires
Il faut remonter à 1988 pour trouver une élection présidentielle qui n’ait pas eu lieu en partie pendant des vacances scolaires. Et le souci de bien agencer le calendrier des scrutins de l’élection présidentielle avec celui des congés scolaires a toujours fait l’objet d’une préoccupation des gouvernements successifs, soucieux de la meilleure participation possible. « Le choix des dates doit également prendre en compte le calendrier des congés scolaires, afin d’éviter, dans toute la mesure du possible, l’organisation du scrutin pendant ces congés », expliquait ainsi le 24 octobre 2006 le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. A l’époque, le Conseil constitutionnel avait estimé qu’il s’agissait de « raisons pratiques, mais impérieuses ».
En 2001, la place Beauvau avait aussi motivé son choix des dimanches 21 avril et 5 mai 2002, au détriment des 14 et 28 avril. « Si deux zones sont en vacances lors du premier tour (au lieu de trois avec le premier couple de dates), aucune ne le sera lors du second tour (une zone aurait été en vacances si le premier couple de dates avait été retenu). »
Un lien entre congés scolaires et hausse de l’abstention ?
Plus proche de nous, en 2017, le ministère de l’Intérieur avait choisi d’éviter le dimanche 16 avril comme premier tour (trois zones étaient alors en congés), et s’en était expliqué dans une réponse à une question écrite du sénateur centriste Claude Kern, inquiet du niveau de participation. Le second tour a cependant eu lieu en plein milieu d’un week-end de trois jours (le 8 mai tombant un lundi).
L’impact réel des congés sur le niveau de mobilisation des élections fait l’objet de débats. Selon une étude conduite en 2006 par Éric Dubois et Christian Ben Lakhdar, professeurs à Paris 1 et Lille 2, la présence de congés scolaires influe bien sur le niveau de la participation. Observant ce phénomène sur plusieurs élections, ils ont estimé à 1,7 point l’augmentation du taux d’abstention liée au calendrier scolaire. Dans une autre étude, plusieurs politologues affirmaient au contraire que « l’effet des zones en vacances scolaires n’apparaît guère évident ». Mais leurs travaux n’avaient porté que sur la présidentielle 2002.
La définition des dates devrait donner cette année encore du fil à retordre au ministère de l’Intérieur. Aux origines de la Ve République, avant que le calendrier ne soit bousculé par divers évènements, la question ne se posait pas. La première élection présidentielle au suffrage universel direct, en 1965, s’était tenue durant la première quinzaine de décembre, période sans aucun congé scolaire ni jour férié.