Plan de 110 milliards :
« Ça va dans le bon sens dans la mesure où beaucoup de Français sont dans des situations matérielles extrêmement difficiles. Je pense que l’on aurait pu faire plus simple avec une sorte de revenu universel pour tous les foyers dont les revenus sont inférieurs à 2000 euros. Pour eux, un revenu exceptionnel de 1000 euros aurait apporté de l’oxygène. Il y aurait aussi des mesures d’urgence à prendre sur les loyers. Pour les plus fragile, il faudrait créer un fonds de solidarité qui permettrait un moratoire sur les loyers. Il faudrait aussi permettre une année sans expulsion locative. »
Le déconfinement :
« Le président de la République a utilisé le conditionnel mais en donnant le 11 mai, il fixe un horizon précis. À l’inverse, s’il ne donne pas de date, on lui aurait reproché donc c’est compliqué et je ne veux pas polémiquer. Ce que je regrette c’est un ton que je trouve infantilisant. Même si des choses n’ont pas été bien faites, il faudrait les assumer et expliquer ce que l’on va faire. Au-delà de la date, je voudrais savoir combien il y aura de tests, pour qui et idem pour les masques. Il y a aussi des questions pour les élèves. Comment va se passer concrètement ce retour à l’école ? Bien sûr, Emmanuel Macron a fait un mea culpa mais c’est un mea culpa grandiloquent. J’ai l’impression d’avoir tantôt le père fouettard, tantôt le père bienveillant qui parle à ses enfants. Moi je veux un adulte qui parle à d’autres adultes. On est en face d’une crise sanitaire et on veut des infos factuelles simples.
Le rôle de l’Europe :
« Le plan à 500 milliards est en vérité une sorte d’accord entre les États. C’est un plan qui manque d’ambition mais ce sont les États nations qui n’ont pas su se mettre d’accord. Il ne faut pas faire peser sur l’UE la responsabilité de ce plan. Les députés européens n’ont par exemple pas été consultés. Ce plan est modeste. La moitié doit passer par la Banque européenne d’investissement mais au final elle ne mettra que quelques dizaines de milliards sur la table. Le reste devrait venir d’autres financeurs en vertu de l’effet levier. On joue un peu avec les chiffres alors qu’au final il y a 200 milliards d’aide sanitaire sans contrainte et ça c’était l’urgence mais le reste n’est pas vraiment de l’argent frais débloqué. Il y a un débat aujourd’hui et demain mais les députés européens ne sont pas décisionnaires. Ce sont les États qui doivent se mettre d’accord et notamment sur la question des euros-bonds. Le point de blocage est sur la mutualisation de la dette. Il y a un problème de réactivité qui est plutôt dû aux résistances des États nations qu’à l’institution européenne elle-même. »
Fracture Nord-Sud ? :
« En fait c’est une fracture entre les États radins et ceux qui sont plus souples. L’Allemagne par exemple bloque un peu pour des raisons historiques mais j’en veux davantage aux Pays-Bas. C’est un pays qui est un paradis fiscal et qui ne veut pas participer à la solidarité. Si on votait à la majorité, il n’y aurait pas de problème mais il faut l’unanimité.»
Repli nationaliste :
« Ce n’est pas forcément pire avec cette crise. Il y a toujours eu cette tentation du repli nationaliste, cette volonté de plaire d’abord à ses propres citoyens. C’est pour cela que le défi de l’UE est difficile et passionnant. C’est la seule entité au monde dans laquelle des États ont choisi de lâcher une partie de leur souveraineté. Dans cette période, il y a certes un déficit de solidarité mais cela aurait pu être bien plus violent. »
Le pacte vert :
« Il est menacé parce que les forces conservatrices de droite profitent de cette crise pour le remettre en question et le repousser à plus tard. Le problème est que le plus tard d’aujourd’hui est le trop tard de demain. On va injecter des milliards dans l’économie. Si on le fait avec le modèle économique d’hier, ce sera une catastrophe parce que c’est de l’argent que nous n’aurons plus pour faire la transition écologique. L’enjeu est important avec une forte pression de grandes entreprises qui demandent même la suspension des règles environnementales en vigueur. On assiste à une tentation du recul sur cette question du pacte vert et nous menons un combat important contre ce repli. La réaction qu’il faut avoir face à la crise c’est au contraire, qu’il faut aller plus vite dans cette transition écologique. Il faut réfléchir aux entreprises, aux secteurs, à l’économie du monde d’après. On a une fenêtre de tir très courte pour prendre les bonnes décisions. »
L’après crise :
« Je suis content d’entendre Emmanuel Macron parler de transition mais des discours comme celui-là, il en a fait des dizaines. Souvenez-vous du slogan Make your planet great again, de Nicolas Hulot… Le problème avec lui c’est qu’il a le vernis de la modernité mais on voit dans ses actions les stigmates de l’ancien monde. Sur la politique agricole commune par exemple, on voit bien qu’avec cette crise il y a un enjeu de souveraineté alimentaire mais cette PAC n’assure pas du tout cela. La PAC est orientée vers une politique productiviste d’exportations. C’est l’inverse de ce qu’il faudrait.»
La convention citoyenne pour le climat :
« Cette convention a fait un travail extraordinaire en déclinant des propositions très concrètes. Ce sont des mesures radicales en termes de changement de société mais radicales dans le bon sens du terme. Ils sont allés à la racine des problèmes et en ont tiré des propositions très pragmatiques. Par exemple, ils proposent d’interdire les SUV. Ces véhicules pèsent une tonne et polluent beaucoup pour transporter souvent une personne. La question n’est pas le référendum. Si j’étais Président, je les reprendrais dans leur intégralité. C’est le fruit d’un processus qu’avait lui-même engagé Emmanuel Macron et la bonne décision serait de les appliquer. »
Un gouvernement de concorde nationale :
Nous ne sommes pas opposés au principe d’un large rassemblement pour construire une autre société. Le problème c’est qu’Emmanuel Macron est très peu légitime pour incarner ce rassemblement. Il a fait en 3 ans tout le contraire de ce qu’il aurait fallu faire et même parfois de ce qu’il a dit. Effectivement, il est face à ce problème de réinvention. Il était censé incarner le nouveau monde mais d’une certaine façon sa politique l’a ringardisé très vite. Lui, il a besoin de se réinventer et de se poser en nouveau De Gaulle, en père rassembleur. Comme beaucoup, je suis assez sévère sur son bilan alors s’il faut passer à autre chose, ce n’est sans doute pas avec Emmanuel Macron qu’il faut le faire. »
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