De la contestation à l’écologie “réaliste”, EELV en pleine mue
Ni à gauche, ni à droite mais "centrale": à l'occasion des Européennes, Yannick Jadot et EELV engagent l'écologie française sur la voie du ...
Par Baptiste BECQUART
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
Ni à gauche, ni à droite mais "centrale": à l'occasion des Européennes, Yannick Jadot et EELV engagent l'écologie française sur la voie du "pragmatisme", espérant profiter de vents favorables en Europe pour renouer avec les scores à deux chiffres.
Machine arrière toute, après l'échec de la campagne présidentielle de Benoît Hamon, à laquelle EELV s'était arrimé : le parti ne sera plus dans l'ombre du PS. Dès l'été dernier, Yannick Jadot a pris la tête d'une liste autonome et refusé toutes les approches d'union à gauche. Objectif affiché: 15% des voix.
Les écologistes veulent d'abord profiter de la proportionnelle à un tour, un mode de scrutin propice à des listes séparées. Ils se sentent aussi portés par un contexte favorable - démission de Nicolas Hulot du gouvernement, initiatives citoyennes comme les marches pour le climat et "L'Affaire du siècle" qui se succèdent... Des encouragements leur viennent des écologistes allemands, belges et luxembourgeois, qui ont dépoussiéré leur image et beaucoup progressé dans de récentes élections intermédiaires.
Des membres d'EELV dont Michèle Rivasi (C), lors d'une manifestation à Saint-Martin-de-Crau (sud) le 1er mars 2019
AFP
En ressuscitant l'approche "ni-ni" d'Antoine Waechter à la fin des années 1980, les écolos français ont transformé leur discours. Finie l'écologie "des Cassandre courageux qui prêchent dans le désert", dixit le porte-parole Julien Bayou. Place à l'écologie de gouvernement, enfin centrale, qu'ils se jugent les plus à même d'incarner en raison de l'antériorité de leur combat.
- Fin du "romantisme" -
Favorable "à la libre entreprise et l'économie de marché", Yannick Jadot martèle son envie d'une "écologie positive, pragmatique", se concentrant sur les solutions concrètes comme les éoliennes en mer, la rénovation thermique des logements ou les cantines bio. "Les réalistes c'est nous, et ce qui est dogmatique c'est le charbon, le nucléaire, les pesticides", affirme-t-il à l'AFP. M. Jadot entend placer le "pôle écologiste" au centre du débat, entre "le pôle productiviste" englobant PS, LR et LREM et "le pôle populiste" représenté par le RN et LFI.
Yannick Jadot, candidat écologiste à l'élection présidentielle, le 11 janvier 2017 à Paris
AFP/Archives
Bref, pour Yannick Jadot, "l'écologie ce n'est pas la gauche". Pour autant, souligne David Cormand, l'évolution d'EELV doit naturellement le conduire à placer ses concurrents de gauche sous son "leadership d'opposition au libre-échange et à l'extrême droite": "Pendant 40 ans ça a été le PS, puis Mélenchon a choisi l'hégémonie plutôt que le choix du rassemblement. Qui reste-t-il pour porter la responsabilité du leadership? Nous. Au XXIe siècle, ça va être à l'écologie politique de jouer le rôle des grandes matrices".
Depuis quelques jours, les sondages semblent confirmer qu'un "coup" est possible: EELV est au coude à coude avec La France insoumise, la dépasse parfois, au point que certains se prennent à rêver de rattraper Les Républicains. Le signe que la stratégie paye, estiment les cadres du parti.
D'autres se montrent sceptiques. "Il peut très bien y avoir un bon score aux Européennes, mais l'appareil du parti est en piteux état. Pour les municipales ça va être très compliqué", avance Pierre Serne, auteur de "Des Verts à EELV, 30 ans d'écologie politique" (Les Petits matins, 2014), cadre historique d'EELV passé chez Générations.
"Je ne suis pas persuadé que le pragmatisme écolo à l'allemande puisse marcher en France", ajoute-t-il, la culture écologiste hexagonale étant davantage imprégnée par "la question sociale, la défense des services publics et des migrants".
Les propos de M. Jadot sur les "gilets jaunes", selon qui "il faut que les manifestations du samedi s'arrêtent", ne font d'ailleurs pas l'unanimité en interne. "Il faut arrêter la violence mais pas leur dire d'arrêter de manifester", grince Michèle Rivasi, numéro 2 sur la liste EELV, auprès de l'AFP; "je me réjouis que les gens se réunissent pour manifester", glisse Julien Bayou.
Une contradiction logique pour Manuel Bompard, qui copilote la liste LFI: EELV veut "attirer les déçus du macronisme", "un électorat de classes moyennes supérieures et urbanisées, peu intéressé par la dimension sociale".
"Les écolos sont en train de passer d'une vision doctrinale, presque romantique, à une vision plus réaliste qui assume de manier les leviers de décision", salue de son côté le député et secrétaire national à l'Agriculture au PS Dominique Potier.
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.