Dealers à Grenoble : le torchon brûle entre Eric Piolle et Gérald Darmanin

Dealers à Grenoble : le torchon brûle entre Eric Piolle et Gérald Darmanin

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et le maire de Grenoble, Eric Piolle, s’invectivent par médias interposés pour trouver un responsable à la prégnance des réseaux de trafic de drogue dans le quartier du Mistral. Une polémique qui remet sur le tapis le rôle des polices municipales.
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

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La polémique laissera des traces entre l’édile de Grenoble et le premier flic de France. Gérald Darmanin a publié, ce vendredi, une lettre critiquant le « discours angélique » d’Eric Piolle, qui reprochait au ministre de l’Intérieur un « coup de com’ », après la vaste opération de police organisée le 26 août dans le quartier Mistral.

Tout est parti d’une vidéo, qui n’a cessé de tourner sur les chaînes d’information en continu, depuis ce mercredi. On peut y voir un point de deal tenu par des hommes cagoulés et lourdement armés, à deux pas d’une aire de jeux, dans le quartier Mistral de Grenoble. Le soir même de sa publication, des dizaines de policiers font irruption dans le quartier pour procéder à des interpellations, sous l’œil des caméras.

« Ce sont des opérations que nous faisons régulièrement », déclare le préfet de l'Isère, Lionel Beffre. Mais après la diffusion des vidéos, « il était important de réaffirmer l'autorité de l'État sur ce territoire », affirme-t-il. « Il n'appartient pas à quelque groupe que ce soit de faire la loi, ça appartient aux forces de l'ordre. »

Le maire de Grenoble dénonce « un coup de com’ »

Eric Piolle y voit immédiatement un « coup de com’ », refusant que l’on « pointe du doigt un quartier de telle ou telle ville ». « C'est intéressant que l'État dise qu'il est présent, mais pas sous cette forme : c'est dans le quotidien que ça se forge », estime-t-il.

Dans son courrier, le locataire de la place Beauvau dénonce, pour sa part, « le manque d’implication » du maire de Grenoble « dans le domaine de la sécurité ». Gérald Darmanin critique notamment le « réseau très limité » de caméra de surveillance dans la ville et la faiblesse, selon lui, de sa police municipale. Le ministre oppose notamment Grenoble, qui comporte un agent pour 1 580 habitants, à la ville de Nice, qui compte un agent pour 618 habitants.

« Dans l’état d’insécurité dans lequel on se trouve, personne n’a intérêt à ce genre de polémique », regrette la porte-parole de l’association des maires de France, Agnès Le Brun. « Il faut que les collectivités et l’État travaillent ensemble sans hyperpolitiser le débat », demande-t-elle.

Joint par téléphone, un magistrat grenoblois abonde cependant dans le sens du ministère de l’Intérieur : « Eric Piolle ne peut pas rejeter toute la faute sur l’État. La sécurité, c’est aussi l’affaire des collectivités locales. La loi donne au maire des pouvoirs de police judiciaire. Il faut qu’il prenne ses responsabilités. »

« Une responsabilité partagée »

Cependant, les policiers municipaux ne disposent pas d’un pouvoir d’investigation : ils peuvent assurer une présence, faire de la prévention, dissuader des regroupements, mais sans pouvoir procéder à des interpellations. « Ils peuvent recueillir des informations pour alimenter nos enquêtes pour démanteler un trafic », ajoute le magistrat. « C’est une responsabilité partagée et tout le monde doit en assumer sa part pour que la chaîne pénale fonctionne. »

Les polices municipales nouent d’ailleurs des partenariats avec les commissariats pour se répartir les rôles. « Mais les deux ont des attributions totalement différentes », observe Thierry Clair, membre du bureau national du syndicat UNSA police.

« La police municipale est une force supplétive lors de certaines interpellations, explique-t-il. Elle peut nous aider à interpeller sur des points de deal mais, pour le travail d’investigation, c’est à nous de remonter les réseaux. »

Des policiers municipaux toujours plus sollicités

De plus en plus de politiques militent toutefois pour un renforcement des polices municipales. En 2018, le député de la Seine-et-Marne et ex-patron du Raid, Jean-Michel Fauvergue, plaidait pour l’armement obligatoire, « sauf décision motivée du maire », des forces municipales.

« Si Gérald Darmanin est si attaché à ce que l’on porte une arme, il n’avait qu’à soutenir cette mesure », insiste Jean-Christophe Duhamel, secrétaire général adjoint du syndicat de défense des policiers municipaux, dénonçant une forme de « double discours » gouvernemental.

Le syndicat réclame par ailleurs que les primes soient incluses dans le calcul de la retraite des policiers municipaux : « En fin de carrière, on ne part qu’avec 1 000 euros de pension », précise-t-il. « Nous ne sommes pas contre voir nos missions étendues, mais il faudrait penser aussi à une contrepartie sociale. »

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