Débat présidentiel : du « monopole du cœur » au « moi Président »
Ce soir, c’est un débat d’entre-deux-tours inédit qui opposera la candidate du Front National, Marine Le Pen, et le candidat d’ « En Marche ! » Emmanuel Macron. Pour la première fois depuis 1974, les partis traditionnels n’y figurent pas. Retours sur les meilleurs échanges passés.
« Un grand évènement, sans précédent, à la télévision française », en 1974, la journaliste de l’ORTF, Jacqueline Baudrier lance le premier débat d’entre deux tours de l’élection présidentielle qui oppose le ministre des Finances, de l’époque, Valéry Giscard D’Estaing et le candidat de l’Union de la gauche, François Mitterrand (Un débat à voir ou revoir su Public Sénat ce soir à partir de 22H).
« Vous n’avez pas le monopole du cœur »
Depuis 1965 et l’élection au suffrage universel direct du président de la République, il s’agit donc de la première joute cathodique entre deux finalistes d’une campagne présidentielle. Le général de Gaulle avait lui négligé d’utiliser son temps de parole officiel, pensant être élu au premier tour. En 1969, Georges Pompidou n’avait pas non plus débattu avec son adversaire centriste et, président de la République par intérim, Alain Poher.
« Vous n’avez pas le monopole du cœur », la fameuse phrase prononcée par Valéry Giscard d’Estaing est symbolique de sa domination sur François Mitterrand dans ce tout nouvel exercice qui rassembla près de 25 millions de téléspectateurs. Moins à l’aise à la télévision que son adversaire, le candidat socialiste sera battu de peu 49,19% des voix contre 50,81.
« L'homme du passif
7 ans plus tard, le débat animé par Jean Boissonnat et Michèle Cotta prend la forme d’une revanche, entre les deux hommes. Conseillé par Serge Moati et Robert Badinter, François Mitterrand souhaite éviter ce passage pas encore obligé, et impose un cahier des charges très strict à son adversaire, comme l’interdiction des plans de coupe. Les conditions sont acceptées par Valéry Giscard d’Estaing. Pour la première fois, les équipes de campagne des candidats imposent leurs règles, un principe qui vaudra pour les débats suivants.
Cette fois-ci, la réplique marquante de ce duel présidentiel sera à mettre au crédit de François Mitterrand. « Vous ne voulez pas parler du passé. Je le comprends bien, naturellement. Vous avez tendance à reprendre le refrain d'il y a sept ans : l'homme du passé. C'est quand même ennuyeux que, dans l'intervalle, vous soyez devenu, vous, l'homme du passif ».
« Mais vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier Ministre »
En 1988, le débat oppose pour la première fois un président de la République sortant, François Mitterrand, et son Premier ministre issue d’un gouvernement de cohabitation, Jacques Chirac. 7 ans plus tôt, François Mitterrand avait mal vécu, le ton qu’il considérait professoral, de Valéry Giscard d’Estaing. « Je n'aime pas beaucoup ces manières, je ne suis pas votre élève et vous n'êtes pas le président de la République ici, vous êtes simplement mon contradicteur » lui avait-il répondu. Cette fois-ci, c’est Jacques Chirac qui n’apprécie pas le lien de subordination qu’essaye de lui imposer son adversaire du soir. « Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats... vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand. ». Réponse de François Mitterrand : « Mais vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier Ministre ». Mitterrand l’emportera avec 54,02% contre 45,98.
« Il vaut mieux cinq ans avec Jospin que sept ans avec Jacques Chirac »
En 1995, entre Jacques Chirac candidat RPR et Lionel Jospin, candidat socialiste, le débat a moins d’animosité que les précédents. On retiendra cette phrase empreinte de courtoisie : « Je voudrais dire en badinant, bien sûr, mais avec un fond de sérieux, qu’il vaut mieux cinq ans avec Jospin que sept ans avec Jacques Chirac. Ce serait bien long ». Ce qui provoqua l’hilarité de Jacques Chirac. Ce dernier l’emporta avec 52,64% contre 47,36%.
Face à l'intolérance et à la haine (…) pas de débat possible
En 2002, le coup de tonnerre du 21 avril avec l’accession d’un candidat d’extrême droite au second tour de la présidentielle, perturba le rite présidentiel déjà bien installé. Pour justifier son refus de débattre avec Jean-Marie Le Pen, le président sortant Jacques Chirac déclare : « Face à l'intolérance et à la haine, il n'y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible. [...] Pas plus que je n’ai accepté dans le passé d’alliance avec le Front national, et ceci quel qu’en soit le prix politique, je n’accepterai demain de débat avec son représentant (…) je ne peux pas accepter la banalisation de l’intolérance et de la haine »
« C’est une pitoyable dégonflade » répondra Jean-Marie Le Pen, battu quelques jours plus tard : 17,79% des voix contre 82,21%
« Non, je ne me calmerai pas »
La colère de Royal contre Sarkozy : ça chauffe !!!
07:48
En 2007, pour la première fois, une femme accède au second tour d’une élection présidentielle et par conséquent, au débat d’entre deux tours. La candidate socialiste, Ségolène Royal s’oppose au candidat UMP, Nicolas Sarkozy. Les deux devront forcer leur nature pour cet exercice dont celui qui sort vainqueur, remporte habituellement l’élection. D’habitude nerveux à la télévision, Nicolas Sarkozy s’efforcera de paraitre apaisé et rassurant. « Pour être président de la République, il faut être calme », répliquera-t-il à Ségolène Royal, qui sur le sujet des personnes handicapés, l’accuse d‘atteindre « le summum de l'immoralité politique ». « Non, je ne me calmerai pas (…) Il y a des colères saines parce qu'elles correspondent à la souffrance des gens. Il y a des colères que j'aurai même quand je serai présidente de la République » poursuit-elle. Cinq instituts de sondages donneront Nicolas Sarkozy, vainqueur du duel. La victoire se confirmera dans les urnes quelques jours plus tard, il remporte l’élection avec 53,06% des voix contre 46,94%. Ségolène Royal n’aura pas fait un mais deux débats entre les deux tours. Le 28 avril 2007, sur BFM, la candidate socialiste n’arrivera pas à faire rallier à sa cause le troisième homme de la présidentielle, le centriste François Bayrou.
Débat Royal-Bayrou sur RMC / BFM TV
48:21
2012 : « Moi Président »
Diffusé en direct sur TF1, France 2, BFMTV, i-Télé, LCI, France 24, LCP, Public Sénat et France 3(en rediffusion) ainsi que par RTL, Europe 1, France Inter, France Info et RFI, le débat entre François Hollande et Nicolas Sarkozy est le plus long, près de 3 Heures et rassemble 17,79 millions de téléspectateurs. On retiendra la fameuse anaphore du candidat socialiste « moi président de la République ». Victoire de François Hollande avec 51,64 contre 48,36.
Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.
La présidente des députés RN attend de voir comment se construit le futur budget avant de se positionner vis-à-vis du prochain gouvernement de François Bayrou. Assurant de pas avoir pris d’engagement, elle « ne renonce pas » à l’outil de la motion de censure.
Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.