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Invité de la matinale de Public Sénat, le porte-parole du PS et président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel appelle à la démission du Premier ministre s’il a une forme d’omerta autour de Notre-Dame de Bétharram.
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Par Public Sénat
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C’est un peu le premier étage de la loi « 3D » (déconcentration, différenciation et décentralisation), présenté en Conseil des ministres en janvier 2021. « Une forme de mise en bouche, d’entrée en matière pour la suite » souligne le sénateur LR Mathieu Darnaud. Il s’agit du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre par l'article 72 de la Constitution, que les sénateurs ont largement adopté ce mardi.
En d’autres termes, ce texte du gouvernement permet d’aller plus loin dans l’expérimentation de l’adaptation de la loi aux réalités locales, déjà possible pour les collectivités grâce à une réforme de la Constitution de 2003. Mais depuis, on ne compte que quatre expérimentations, tant elles sont complexes à mettre en œuvre. Le texte simplifie donc largement les procédures. A noter que parmi ces quatre expérimentations passées, on trouve le revenu de solidarité active, qui a ensuite été généralisé, la tarification sociale de l’eau, généralisée également, ou encore l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans, repris aussi dans la loi sur l’apprentissage. Ce ne sont donc pas des sujets mineurs.
L’existence de ce texte, c’est aussi la conséquence de l’échec de la révision constitutionnelle d’Emmanuel Macron, faute d’accord avec le Sénat. Ces dispositions auraient en effet dû se trouver dans la réforme. A défaut, l’exécutif présente ce projet de loi organique qui s’appuie fortement sur une étude du Conseil d’Etat, commandée par le gouvernement.
« Après la loi engagement et proximité, c’est une nouvelle étape de notre action pour les territoires, car elle repose sur les principes clefs qui nous guident, la liberté et la confiance, et car il donne des moyens concrets aux territoires » a défendu Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales (voir la vidéo ci-dessous). « Le vieux rêve du jardin à la française – une place pour chaque chose et chaque chose à sa place » doit faire place aujourd’hui à des collectivités « plus dynamiques et plus souples », soutient la ministre.
Actuellement, à l’issue d’une expérimentation, le choix est binaire : généralisation ou abandon. Avec le nouveau cadre, l’expérimentation peut être prolongée dans les collectivités, ou seulement dans certaines d’entre elles, ou à l’inverse être étendue à d’autres. Pour accompagner les collectivités, des « guichets permanents » viendront par ailleurs les épauler pour leur apporteur « l’ingénierie juridique » qui leur manque.
« A nous de mieux prendre en compte la diversité des territoires et leur singularité pour leur permettre d’adopter les réponses les mieux adaptées à leurs besoins » insiste la ministre. Selon Jacqueline Gourault, il s’agit d’une « décentralisation de confiance dans les territoires, les élus locaux et les citoyens. Confiance d’autant plus nécessaire dans le contexte particulièrement difficile que rencontre notre pays. A l’heure de la crise sanitaire, nous devons avoir la République en partage » lance la ministre. La confiance semble cependant variable selon les sujets. La semaine dernière, les sénateurs n’ont pas été suivis par le gouvernement lorsqu’ils ont demandé de permettre aux préfets de rouvrir localement les commerces fermés par le confinement, si la situation sanitaire le permet. La question n’a pas été évoquée lors du débat ce mardi.
Jacqueline Gourault a plutôt salué les « enrichissements » adopté en commission par le Sénat. Ne restent que quelques « points de divergence minimes ». Comme pour la loi engagement et proximité, la Haute assemblée, qui a commencé l’examen du texte en tant que chambre représentant les collectivités, a en effet travaillé en bonne entente avec l’exécutif.
« Globalement assez d’accord » avec la ministre, la sénatrice centriste Françoise Gatel, co-rapporteure du texte avec Mathieu Darnaud, salue un « projet de loi salutaire pour l’efficience de l’action publique ». La sénatrice d'Ille-et-Vilaine estime cependant que ce texte n’est « malgré tout qu’un petit souffle » vers plus de libertés locales. « Nous restons un peu sur notre faim » confirme Mathieu Darnaud. Sa collègue centriste défend à l’inverse « l’audace » du texte maison, issu des 50 propositions du Sénat sur la décentralisation, adopté il y a deux semaines par les sénateurs. « Osons faire confiance aux élus locaux », lance Françoise Gatel, qui ajoute :
Le Sénat est convaincu de l’impérieuse nécessité d’une nouvelle audace décentralisatrice dans notre République une et indivisible.
Mathieu Darnaud insiste pour sa part sur l’importance de l’évaluation, « qui n’existe pas » sur les expérimentations actuelles. En commission, les sénateurs ont renforcé les moyens dont dispose le Parlement pour évaluer ces expérimentations, avec la remise par le gouvernement de rapports au Parlement.
Le sénateur LREM Alain Richard souligne de son côté que ce texte est avant tout « fait pour expérimenter », avec une politique « de test », et « pas pour différencier » proprement dit. Ce sera l’objet du projet de loi « 3D ». « Cette différenciation portera beaucoup plus sur les modalités d’exercice du service public que ses finalités, qui doivent rester celle de la loi République » remarque le sénateur du Val-d’Oise. Le sénateur PS des Landes, Eric Kerrouche, se dit lui « dubitatif » sur les effets réels du texte. « Il n’est pas mauvais, mais va-t-il apporter des solutions à la faiblesse des expérimentations, les rendre plus incitatives ? Rien n’est moins certain » selon le socialiste.
Seuls les communistes ont exprimé une franche opposition au projet de loi. Ils sont d’ailleurs les seuls à avoir voté contre. Pour la présidente du groupe, Eliane Assassi, il met à mal, en réalité, l’unité de la République. « L’introduction de la généralisation de l’expérimentation sur une seule partie du territoire est un bouleversement » alerte la sénatrice PCF de Seine-Saint-Denis. Elle rappelle l’article 6 de la Constitution, selon lequel « la loi doit être la même pour tous ». Principe « complété par celui de l’unicité de la République ».
Dans une Haute assemblée qui n’a que le mot territoire à la bouche, Eliane Assassi pointe « la dérive du mot territoire. Le seul territoire que nous connaissons, c’est la République, et ses subdivisions en collectivités ».
« Une nouvelle fois, le gouvernement manipule le sens des mots pour tenter de nous faire avaler des couleuvres », selon la présidente du groupe communiste, qui souligne que « permettre au local de déroger aux lois nationales signe l’échec de l’ambition d’égalité ». Le texte risque au contraire d’accroître les inégalités, craint la sénatrice, entre collectivités riches et pauvres. Elle dénonce au final un texte qui « menace gravement la République, car il modifie sa nature même » (voir la vidéo ci-dessus). Elle ajoute :
Le droit à la différenciation n’a rien de républicain. Certains chercheurs vont jusqu’à dire que ce serait un retour de l’ancien régime avec la multiplication de statuts et une loi à géométrie variable.
Face à ces craintes, Jacqueline Gourault assure que la volonté du gouvernement est de « trouver une ligne de crête, un point d’équilibre entre la pente naturelle vers davantage de libertés et l’impératif de cohésion nationale, c’est-à-dire l’unité de la République et l’équité entre les territoires ».
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