Déclaration de Philippe: le Sénat s’abrite derrière l’abstention
Après avoir obtenu la confiance de l'Assemblée, Edouard Philippe a dû se contenter jeudi d'une majorité d'abstentions au Sénat contrôlé par l...
Par Marc PRÉEL, Véronique MARTINACHE
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Après avoir obtenu la confiance de l'Assemblée, Edouard Philippe a dû se contenter jeudi d'une majorité d'abstentions au Sénat contrôlé par l'opposition de droite, devant lequel il a annoncé pour mi-2020 un "nouvel acte de décentralisation" et s'est expliqué sur le report de la réforme des institutions.
Fait rare - et même une première face à un Sénat contrôlé par l'opposition - le chef du gouvernement a choisi de soumettre sa déclaration de politique générale (DPG) aux voix de la Chambre haute, "dans un moment de bascule de notre vie politique" qui, selon lui, "nous invite à dépasser des clivages anciens".
Sur 345 votants, 181 sénateurs ont choisi l'abstention, 93 se sont prononcés contre, seuls 71 votant pour.
Contrairement à l'Assemblée nationale, ce vote dit "d'approbation" au Sénat, où le parti présidentiel LREM est ultraminoritaire, n'engage pas la responsabilité du gouvernement.
Mercredi à l'Assemblée, la deuxième déclaration de politique générale d'Edouard Philippe avait été approuvée par 363 députés, une majorité légèrement moins large qu'en juillet 2017, avec plus de votes contre (163) et moins d'abstention (47). Il avait reconnu aller devant le Sénat "sans penser revenir avec une majorité".
Pour "l'acte II du quinquennat", le Premier ministre a fixé "trois enjeux prioritaires": "l'écologie, la justice sociale et un fonctionnement démocratique (...) beaucoup plus clair".
En s'abstenant majoritairement, les sénateurs LR donnent "tout sauf un chèque en blanc" au gouvernement, a affirmé leur oratrice, Dominique Estrosi-Sassone, en l'absence de leur chef de file Bruno Retailleau, qui participait en Vendée à la cérémonie en mémoire des trois sauveteurs de la SNSM décédés, présidée par Emmanuel Macron. "Nous jugerons sur pièces, au cas par cas, texte par texte" pour la suite du quinquennat, a lancé l'élue des Alpes-Maritimes.
Egalement dans la majorité sénatoriale, le groupe centriste s'est partagé entre approbation et abstention. "Nous avons vocation à accompagner les réformes présentées, voire à les soutenir. Pour autant, à nos yeux, ce soutien ne constitue pas un alignement", a souligné leur chef de file Hervé Marseille.
Seule la gauche a voté contre, Patrick Kanner (PS) déplorant une utilisation de l'article 49-4 "comme une trappe à soutiens", tandis qu'Eliane Assassi (CRCE) critiquait un "projet qui s'attaque en profondeur à la solidarité nationale".
- "Décentralisation et différenciation" -
Pour ce grand oral, le chef du gouvernement a "réservé" aux sénateurs le détail du volet sur les territoires, dont la Chambre Haute est la représentation.
Les propositions d'Edouard Philippe lors de son discours de politique générale mercredi
AFP
Principale annonce: un projet de loi "décentralisation et différenciation" que la ministre Jacqueline Gourault devra présenter "à la fin du premier semestre 2020". Il s'agira notamment "d'achever les transferts de compétence déjà entamés, en supprimant les doublons, et à examiner de nouveaux transferts, dans les domaines du logement, des transports, de la transition écologique", a-t-il précisé.
Edouard Philippe est en revanche resté avare de détails sur la réforme de la fiscalité locale après la disparition progressive de la taxe d'habitation.
Edouard Philippe avait suscité mercredi l'ire du président LR du Sénat, Gérard Larcher, en annonçant le report sine die - au "moment propice" - de la réforme des institutions (réforme du RIP, baisse de 25% du nombre des parlementaires...)
Gérard Larcher avait affirmé son incompréhension face à un "renoncement" du gouvernement. "La volonté d'aboutir du Sénat a été constante et maintes fois réaffirmée", avait-il assuré, estimant que "le Sénat ne saurait porter la responsabilité de ce report".
Qualifiant jeudi de "parfaitement respectable" le choix du Sénat de ne soutenir la réforme des institutions que s'il y avait "accord sur tout", le Premier ministre a également jugé "parfaitement respectable" le choix du gouvernement "qui ne souhaite pas mobiliser du temps parlementaire si in fine il s’expose au désaccord du Sénat".
Les discussions achoppent "en particulier sur la question du nombre de parlementaires", a-t-il souligné.
Le temps libéré permet de faire de la place dans l'agenda parlementaire, notamment pour examiner le texte sur la bioéthique - dont l'ouverture de la PMA à toutes les femmes - dès septembre 2019 à l'Assemblée, conformément à la promesse d'Emmanuel Macron.
Ce 2 décembre, le Premier ministre a engagé la responsabilité de son gouvernement en déclenchant l’article 49.3, lors du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale. La chute du gouvernement Barnier semble proche, avec le vote d’une motion de censure attendu en milieu de semaine. Le point sur le calendrier de ces prochains jours, à haut risque pour l’exécutif.
Michel Barnier s’est finalement résolu à déclencher le 49.3 sur le budget de la Sécurité sociale. Le gouvernement pourrait donc chuter dès mercredi, car malgré les concessions faites au RN, Marine Le Pen a confirmé que son camp se joindrait aux voix de la gauche lors de l’examen de la motion de censure du NFP. Pointée du doigt par le camp macroniste, la gauche refuse d’assumer toute part de responsabilité dans cette situation d’instabilité et prépare l’après Barnier.
Interrogé quelques minutes après le recours au 49.3 du Premier ministre, le sénateur communiste du Val-de-Marne pointe la responsabilité d’Emmanuel Macron qui a « occasionné un désordre social, politique et démocratique ».
Interrogé quelques minutes avant l’utilisation du 49.3 par Michel Barnier, le président du groupe centriste au Sénat a pesté contre la volonté de Marine Le Pen de censurer le gouvernement s’il n’évolue pas sur la désindexation des retraites sur l’inflation.