Déclaration de politique générale : le PS prêt à ne pas censurer le gouvernement Lecornu

Le premier ministre sauve, pour l’heure, sa tête, grâce à la non-censure obtenue dans la douleur avec le PS. Sébastien Lecornu a répondu à l’une de leur principale exigence, avec la suspension de la réforme des retraites.
François Vignal

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Au bout de neuf jours complètement fous, totalement hors normes dans la vie politique française de la Ve République, le gouvernement Lecornu II est en passe de sauver sa tête. A l’issue de la déclaration de politique générale (DPG) du premier ministre, le Parti socialiste ne va pas censurer le gouvernement. C’est le président du groupe PS de l’Assemblée, Boris Vallaud, qui à la tribune, a clairement laissé la porte ouverte à une non-censure… mais sans formellement le dire. Mais la teneur du discours ne fait pas de doute. Exit donc la menace de déposer leur propre motion de censure. Ils ne voteront pas non plus, évidemment, la motion de censure déposée par LFI.

« Nous faisons un pari, un pari risqué », reconnaît Boris Vallaud

Dans son discours, le député des Landes a salué « la suspension de la réforme des retraites (annoncée par le premier ministre, ndlr), la voici enfin ». « Nous prenons cette suspension comme une victoire », lance le patron des députés PS, qui veut « faire le pari de donner un budget à la République, un budget juste, qui protège les plus fragiles et vise les plus fortunés ».

« Nous vous avons écoutés. Et vous avez parlé de faire contribuer les hauts patrimoines et les grandes entreprises. […] C’est heureux, mais c’est bien trop peu », continue Boris Vallaud. « Nous sommes vigilants à ce que vos mots se traduisent en acte », prévient-il. Dénonçant un budget « insupportable », tel qu’il a été présenté en Conseil des ministres, notamment sur le « doublement des franchises médicales » ou l’année blanche sur les prestations sociales et le gel de l’impôt sur le revenu, les socialistes comptent faire bouger le curseur en séance. « Votre copie est amendable. Comptez sur nous pour que nous l’amendions. […] Votre point de départ ne sera pas notre point d’arrivée », soutient Boris Vallaud, qui remarque aussi que le premier ministre « confirme l’assouplissement de la trajectoire budgétaire », comme le demande le PS, « nous vous prenons aux mots ».

« Nous faisons un pari, un pari risqué », a reconnu Boris Vallaud, et « il nous en coûte ». En appelant à la mémoire des grandes figures socialistes, il demande : « En sommes-nous capables ? Les socialistes répondent, il le faut ».

« Le groupe PS ne votera pas la motion de censure »

Reste à voir s’il y aura quelques frondeurs, prêts à voter malgré tout la censure de LFI… Il pourrait y avoir « 3 à 5 » députés PS prêts à ne pas suivre le mot d’ordre, selon un parlementaire socialiste. On l’a déjà vu. En janvier 2025, 8 députés socialistes avaient fait bande à part, en votant une motion LFI. Mais aujourd’hui, la majorité des socialistes penchent bien pour la non-censure.

« Le groupe PS ne votera pas la motion de censure, ne déposera pas de motion » a précisé dans la foulée sur BFMTV le député PS Laurent Baumel. « Nous ne déposerons pas de motion de censure, et nous ne voterons pas celles de LFI ou du RN », confirme le sénateur PS du Val-d’Oise, Rachid Temal. « On ne censure pas maintenant, mais on restera exigeant et vigilant pendant tout le débat budgétaire », ajoute sa collègue de Seine-Saint-Denis, la sénatrice Corinne Narassiguin, proche d’Olivier Faure.

« On est pris en considération »

Un peu plus tôt, dès la DPG terminée, Patrick Kanner ne cachait pas sa satisfaction. « Je ne vois pas comment on peut censurer cette déclaration de politique générale », a réagi auprès de publicsenat.fr le président du groupe PS du Sénat. « On a un premier ministre qui nous a écoutés, objectivement », « on est pris en considération », apprécie le sénateur du Nord.

A l’heure du déjeuner, les socialistes avaient mis une dernière fois la pression sur le locataire de Matignon, fixant une nouvelle fois leurs trois « exigences » : suspension intégrale de la réforme des retraites, pas de 49-3 et allégement de l’effort de réduction du déficit.

« Il a tout lâché le premier ministre… Il a gagné deux ou trois mois »

Les second et troisième points étant globalement satisfaits, c’est surtout le premier qui devenait le point dur, la haie la plus haute à sauter pour le premier ministre. En annonçant la suspension « de la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle », le premier ministre s’est payé une assurance vie. Mieux : la corbeille de la mariée comporte bien les deux points demandés par les socialistes : « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT », a annoncé Sébastien Lecornu, qui ajoute le second, que semblait refuser d’abord l’exécutif : « En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 ». Soit la suspension de l’accélération de la réforme Touraine.

Si le gouvernement Lecornu II durera donc plus longtemps que l’éphémère Lecornu I, le locataire de Matignon est peut-être en sursis. Car selon l’issue des débats budgétaires, les socialistes ne se priveront pas de censurer, si le compte n’y est pas, le gouvernement. Une censure peut en cacher une autre. Commentaire d’un sénateur membre du groupe PS : « Il a tout lâché le premier ministre… Il a gagné deux ou trois mois ».

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