Déconfinement : « Le gouvernement communique trop, et mal »

Déconfinement : « Le gouvernement communique trop, et mal »

En attendant le plan de déconfinement d’Edouard Philippe, les ministres multiplient les déclarations parfois contradictoires. Une communication éparpillée, qui entame la crédibilité du gouvernement face à la crise du coronavirus.
Public Sénat

Par Samia Dechir

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Dans un discours très attendu, Emmanuel Macron a annoncé il y a deux semaines la date de déconfinement, laissant au gouvernement le soin d’en définir les modalités. Depuis, l’exécutif semble hésiter sur la marche à suivre, multipliant les déclarations parfois contradictoires. « Le Président avait fait un très bon discours, on a bien retenu la date du 11 mai. Et puis les ministres ont littéralement paniqué et se sont mis à dire n’importe quoi » juge Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste de la communication.

Revirements

Obligation ou non du port du masque, déconfinement nationalisé ou régionalisé, dans tous les domaines, le gouvernement semble hésiter. Mais c’est surtout sur la réouverture des établissements scolaires qu’il s’attire les critiques. Mardi dernier, Jean-Michel Blanquer détaille un calendrier de reprise par niveaux, sans en informer Matignon. Deux jours plus tard, c’est l’Élysée qui le recadre : ce calendrier n’est pas définitif, et le retour en classe des élèves se fera sur la base du volontariat.

Un début de crise mal géré

Un « cafouillage » estime Bruno Cautrès pour qui le gouvernement replonge dans les mêmes travers qu’au début de la crise. « Au tout début, la communication a été vraiment difficile, il y avait trop de prises de parole de personnes différentes ». Le chercheur au Cevipof juge que deux épisodes ont alors particulièrement marqué les consciences et laissé des traces : « la déclaration de la porte-parole du gouvernement expliquant que les Français n’avaient pas besoin de masques et ne savaient pas s’en servir, et l’appel de Didier Guillaume aux Français pour aider les agriculteurs dans leurs récoltes alors que le même jour on nous expliquait qu’il ne fallait pas sortir de chez soi ».

Avec la première conférence de presse d’Edouard Philippe et le démarrage de points de presse quotidiens du ministère de la santé, le gouvernement aurait repris en main sa communication. Avant de s’éparpiller de nouveau après l’annonce de la date du 11 mai.

« N’importe qui parle n’importe quand, pour dire n’importe quoi »

Au vu de la crise inédite que le gouvernement doit gérer, il est normal que l’exécutif étudie toutes les pistes, en envisage certaines avant de revenir en arrière. Faut-il pour autant qu’il communique à chaque étape de la réflexion ? « Il aurait fallu depuis le début une prise de parole avec moins d’interlocuteurs, uniquement quand les boulons sont bien serrés » explique Bruno Cautrès.

L’exécutif gagnerait donc en lisibilité s’il ne communiquait que sur des décisions définitives. « Le gouvernement communique trop et mal. N’importe qui parle n’importe quand, pour dire n’importe quoi » regrette Philippe Moreau-Chevrolet. Pour le conseiller en communication, l’exécutif ne gère pas ses troupes, et devrait limiter la prise de parole à trois interlocuteurs : Emmanuel Macron, Edouard Philippe et Olivier Véran.

Crédibilité en doute dans l’opinion

Cette absence de coordination dans la communication du gouvernement entame la confiance que l’opinion lui accorde. D’après la dernière enquête de l’institut Harris Interactive pour LCI parue le 22 avril, seuls 48 % des Français interrogés estiment que le gouvernement prend des mesures efficaces pour mettre fin à l’épidémie. C’est 10 points de moins que la semaine précédente. « Les Français se disent que le gouvernement ne peut peut-être pas tout faire, mais il faut qu’on ait le sentiment qu’il a la maîtrise » explique Jean-Daniel Levy, directeur du département Politique et Opinion chez Harris interactive.

Or, pour le sondeur, l’exécutif renvoie l’image inverse, « parce qu’il y a eu des hésitations sur les masques, sur les tests, sur le retour à l’école. Il y a une perception d’hésitation, de flou » explique-t-il, avant de relativiser cette perte de confiance. Plus de la moitié des personnes interrogées juge l’action du gouvernement efficace, « on n’est pas dans les abîmes de la popularité » nuance Jean-Daniel Levy.

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