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Décryptage : derrière « l’union sacrée » prônée par Laurent Wauquiez, une bataille de communication chez LR

L’ex-président des Républicains appelle Emmanuel Macron à rassembler la classe politique autour de « mesures décisives » après les émeutes urbaines. Bien qu’il lisse son discours et semble livrer une lecture plus nuancée des derniers évènements que certains membres de sa famille politique, Laurent Wauquiez continue de défendre une vision très à droite de la France.
Romain David

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C’est presque une habitude pour Laurent Wauquiez. Après chaque crise, politique ou sociale, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes y va de sa carte postale, ou plutôt de son vade-mecum. Connu pour mesurer ses sorties médiatiques, l’ancien président des Républicains avait pris la parole début mai après la bataille des retraites dans un entretien fleuve accordé au Point. Il récidive cette semaine, dans une longue interview au Figaro, où il revient notamment sur les violences urbaines qui ont suivi la mort de Nahel. Les interventions du candidat putatif de la droite pour 2027 sont particulièrement attendues et scrutées au sein de sa famille politique, et les déclarations publiées jeudi en fin d’après-midi ont de quoi surprendre de la part de l’un des leaders de l’opposition : Laurent Wauquiez appelle Emmanuel Macron à « mobiliser une forme d’union sacrée autour de mesures décisives » en réponse aux émeutes qui ont frappé de nombreuses villes.

Laurent Wauquiez prend soin de préciser qu’il ne s’agit « en aucun cas d’une démarche de coalition, de négociation ni de compromission », alors que la possibilité d’une alliance de gouvernement entre LR et le camp macroniste a été évoquée à plusieurs reprises après la réforme des retraites. L’élu estime en revanche que certaines mesures, à la fois pour ramener l’ordre et traiter la crise sociale qui mine les banlieues, seraient susceptibles d’obtenir l’assentiment d’une large partie de la classe politique. « Nous devons être capables de dépasser temporairement les divisions et nous entendre sur quelques mesures fortes soutenues par une écrasante majorité des Français et qui pourraient être soumises au Parlement, voire proposées par référendum », explique l’ancien maire du Puy-en-Velay.

« Laurent Wauquiez est coincé par l’ambiguïté des LR vis-à-vis du gouvernement. Ils sont dans l’opposition mais, de facto, parviennent à construire des compromis sur certains textes. Il ne peut pas prononcer le mot de coalition. Le terme d’‘union sacrée’ n’est là que pour des questions de communication. Ce sont des mots utilisés dans des situations de guerre, qui renvoient à un imaginaire gaulliste et républicain, et qui lui permettent de performer sur l’idée d’une situation de crise très grave », observe Emilien Houard-Vial, doctorant et enseignant en science politique. « Paradoxalement, ceux qui ont les mains dans le cambouis, les parlementaires LR qui débattent, qui amendent et qui votent les textes… accomplissent déjà quotidiennement le travail qu’il appelle de ses vœux. »

Des « mesures décisives »… et très à droite

Laurent Wauquiez déroule une série de mesures directement sorties de la boîte à idées de la droite, ce qui interroge d’ailleurs sur les chances d’étendre cette « union sacrée » jusqu’aux rangs de la gauche. Il réclame l’expulsion des étrangers responsables de violences, le retour des peines planchers et « la prison ferme systématique à la première atteinte à l’intégrité physique », allant jusqu’à parler d’un « choc carcéral ». Le président de la région Auvergne Rhône-Alpes se dit également favorable à la suspension des aides sociales pour les parents de mineurs délinquants, un dispositif porté par Éric Ciotti, l’actuel président des LR, et qui avait déjà été testé entre 2010 et 2013 pour lutter contre l’absentéisme scolaire.

Dans une veine en apparence plus sociale, il évoque la nécessité d’« un chemin d’espoir », mais renvoie aussitôt les aides sociales et la délinquance dos-à-dos. Il évoque ainsi « la construction d’un système fort de bourses au mérite dès la classe primaire et qui permettrait de soutenir ceux qui se montrent méritants dès leur plus jeune âge, à l’inverse de ceux qui ne respectent rien ni personne. »

Sur l’immigration, Laurent Wauquiez essaye de porter un discours nuancé. Il rejette « la posture » qui « consiste à dire qu’il n’y a aucun lien entre les émeutes et l’immigration », mais fustige tout autant « l’approche lepéniste, [qui] voudrait nous faire croire qu’en réglant la question de l’immigration, on résoudrait tous nos problèmes ».

La querelle entre Bruno Retailleau et Aurélien Pradié, bataille des idées ou guerre des mots ?

Connu pour incarner une ligne dure à droite, Laurent Wauquiez donne le sentiment à travers cet entretien de chercher un point d’équilibre face au virage identitaire amorcé par certaines figures du parti, et qui n’est pas sans susciter un certain embarras au sein des LR.

La semaine dernière sur franceinfo, Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, a soulevé une vive polémique en déclarant à propos des émeutiers : « Certes, ce sont des Français, mais ce sont des Français par leur identité. Malheureusement pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques. » Une sortie totalement assumée par le Vendéen qui « se fiche » de porter des mesures rappelant celles du Rassemblement national : « L’important, c’est de traiter le problème des Français. Y en a marre du politiquement correct. Moi je suis élu, j’ai un mandat du peuple français. On doit régler des problèmes avec des solutions pour le peuple français », a-t-il à nouveau martelé mardi sur RTL.

Présenté comme l’un des tenants de l’aile modérée des Républicains, chef de file des opposants de droite à la réforme des retraites, le député du Lot Aurélien Pradié a fermement condamné les propos de Bruno Retailleau. Pour mémoire : les deux avaient bataillé pour la présidence du parti en décembre, avant de se déchirer par médias interposés autour du recul de l’âge légal de départ à la retraite, défendu par la majorité sénatoriale. « Le goût du politiquement incorrect, l’apparente intellectualisation des maux de la société ne peuvent pas justifier de dévoyer nos valeurs fondamentales. C’est là une limite infranchissable si nous ne voulons pas que la droite disparaisse », a averti Aurélien Pradié dans les colonnes du Monde.

La forme comme palliatif à la virulence du fond

En refusant de faire de l’immigration l’alpha et l’oméga de la crise des banlieues, en appelant à la fois à la restauration de l’autorité et au mythe de la méritocratie, Laurent Wauquiez semble vouloir prendre une certaine hauteur de vue, et réconcilier dans une même expression les courants qui menacent de fracturer encore un peu plus LR. « En vérité, la querelle qui oppose Bruno Retailleau et Aurélien Pradié n’a aucune base idéologique. Ce que l’un reproche à l’autre, ce sont les termes utilisés. Sur le fond, en particulier sur l’immigration et les questions d’intégration, le constat est partagé. L’enjeu est surtout de savoir où l’on place la violence verbale », note Emilien Houard-Vial. « Chez Laurent Wauquiez, l’expression politique est très particulière. Il ne hausse jamais la voix, parle doucement. Sur le papier, ses mots ne sont jamais violents alors que le fond des idées peut être brutal. Il prend le contrepied de la méthode de Bruno Retailleau, qui atteint ses limites avec des déclarations qui soulèvent davantage la polémique que le consensus. »

Bref, une bataille de la communication plutôt qu’une bataille des idées, dans laquelle Laurent Wauquiez semble prendre l’ascendant en lissant au mieux la forme, de manière aussi à pouvoir s’adresser aux électeurs de droite partis chez Emmanuel Macron, qu’il n’attaque jamais frontalement dans son interview au Figaro. Et pourtant, une large partie du discours, notamment lorsqu’il cible « l’idéologie de la déconstruction », responsable selon lui de « la désintégration de l’État et de la Nation », vient brasser des thèmes chers à l’extrême droite. « Le fait qu’il ne soit pas sur le dos d’Emmanuel Macron ou du gouvernement ne veut pas dire qu’il ne dénonce pas la faillite des élites. Ses propos sur la démission de l’Etat sont d’une grande virulence. Il cultive une veine réactionnaire et populiste, qui n’est pas sans rappeler Donald Trump », relève encore Emilien Houard-Vial.

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