La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Défense : après la brouille, le gouvernement donne les moyens aux armées
Par Public Sénat
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Tourner la page du début de quinquennat et du grand malentendu avec les militaires. La ministre des Armées, Florence Parly, a présenté ce jeudi en Conseil des ministres la loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2019-2025.
Oublier les tensions de l’été dernier
L’objectif est clair : consacrer « 2% de la richesse nationale à la défense d’ici 2025 ». « Ce sont près de 200 milliards d’euros investis dans la défense entre 2019 et 2023 et ce seront 295 milliards d’euros programmés sur l’ensemble de la période » a détaillé Florence Parly après le Conseil des ministres (voir la vidéo). Dans les casernes, ça va être double ration pour tout le monde.
L’été dernier, l’ambiance était tout autre. Le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, démissionnait avec fracas, considérant « ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel (il croyait) pour garantir la protection de la France ». Le ministère du Budget annonçait ensuite l’annulation de 850 millions d’euros de crédits. Et en matière de Défense, c’est le cas de le dire, l’argent est le nerf de la guerre…
« Depuis bien trop longtemps, nos armées ont été confrontées à des exigences profondément contradictoires »
L’exécutif consent aujourd’hui à un nouvel effort. « Depuis bien trop longtemps, nos armées ont été confrontées à des exigences profondément contradictoires » a reconnu Florence Parly, entre « des effectifs baissés, des programmes retardés et de l’autre » des armées « sollicitées de manière croissante ». Sous François Hollande, l’armée a multiplié les opérations extérieures. On n’était pas loin du niveau de rupture.
Face à ce constat, la LPM « remet en cohérence les missions et les moyens », assure la ministre, qui y va de sa formule : « C’est une loi de programmation qui répare et prépare ». Il s’agit de « combler les carences du passé et de bâtir une armée moderne et protectrice ».
Concrètement, la LPM prévoit la création de 6.000 nouveaux postes d’ici 2025. Sans oublier de se pencher sur « le quotidien de nos soldats, leur paquetage, leurs conditions d’entraînement et de vie ». L’armée achètera 55.000 gilets pare-balles récents et 29.000 treillis ignifugés.
15 ravitailleurs et 28 Rafale
L’autre grand volet concerne le matériel. Il est « vieillissant, inadapté » reconnaît la ministre. L’équipement « conventionnel comme celui de notre dissuasion » nucléaire seront renouvelés. Pour l’armée de terre, le programme Scorpion sera accéléré. Lors du débat au Sénat, en octobre dernier, sur les conclusions de la revue stratégique de défense qui préfigurerait la LPM, la ministre avait précisé que « ce programme Scorpion s’accompagnera d’une dimension de robotisation de l’action terrestre ».
Côté marine, il y aura la livraison des « quatre premiers sous-marins nucléaires d’attaque nouvelle génération, Barracuda ». Pour l’armée de l’air, c’est la promesse de 12 « nouveaux avions ravitailleurs » d’ici 2023, « c’était très nécessaire ». Et leur nombre sera porté à 15. Côté avions de chasse, 28 nouveaux Rafale de Dassault seront livrés et 55 Mirage 2000-D seront rénovés.
4,6 milliards d’euros pour les équipements du renseignement militaire
Autre domaine d’investissement important : le renseignement et la cyberdéfense. 1,6 milliard d’euros seront consacrés à la lutte dans le cyberespace, avec « 1.000 cyber-combattants de plus d’ici 2025 ». Le renseignement bénéficiera lui de 1.500 nouveaux postes sur les 6.000 annoncés, « ainsi que 4,6 milliards d’investissements pour ses équipements ».
Le futur enfin. Un effort sera fait sur l’innovation, avec un budget porté de 730 millions à 1 milliard d’euros à partir de 2022. Une innovation qui doit pouvoir s’appuyer sur la recherche issue du domaine civil. Et « 1,8 milliard d’euros en moyenne sera consacré chaque année aux futurs programmes d’armement ».
Lancement des études pour remplacer le Charles de Gaulle et pas de robots tueurs
Pour la dissuasion, « nous allons travailler sur le successeur de la tête nucléaire qui sera portée » par les missiles. Côté naval, le ministère prévoit « le lancement des études pour un nouveau porte-avions qui a vocation à remplacer le Charles de Gaulle, au plus tard à la fin de sa vie ».
Dans les airs, c’est « le système de combat aérien du futur (…) qui associe des drones, des avions de chasse et système de renseignement ». Il sera développé en partie « dans le cadre de coopérations franco-allemandes ». Comme on le sait déjà, les drones seront armés. Ce qui ne veut pas dire « avoir des automates et des robots tueurs » précise Florence Parly. « Ces drones continueront d’être opérés par l’homme. (…) Pas de la rue Balard, mais sur le même théâtre » d’opérations. Ces drones seront d’abord achetés aux Américains. Dans un second temps, ils seront conçus à l’échelle européenne. C’est le projet de drone MALE, « avec nos amis allemands ».
« Les choses vont dans le bon sens » selon Christian Cambon, malgré « une petite astuce de présentation »
Après les annonces de Florence Parly, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Christian Cambon, n’a pu que saluer l’effort (voir la vidéo ci-dessous). « Les choses vont dans le bon sens » a réagi au micro de Public Sénat le sénateur LR du Val-de-Marne, « on repart sur une courbe favorable aux armées ». « Il y a un net effort sur les équipements, notamment le programme Scorpion, (…) sur les ravitailleurs, (…) qui je le rappelle, étaient plus anciens que la Caravelle » souligne Christian Cambon. Il salue aussi le choix de préparer le remplaçant du Charles de Gaulle. « La décision de faire le nouveau porte-avions n’est pas encore prise » souligne-t-il, mais « ce qui est bien, c’est de prévoir les crédits d’étude ».
Le président de la commission des affaires étrangères et de la défense pointe cependant « une petite astuce de présentation. L’effort est présenté jusqu’en 2025. J’ai cru comprendre que le quinquennat s’arrêtait en 2022. (…) Est-ce qu’on pourra tenir le rythme de ces engagements financiers ? » demande Christian Cambon. Autrement dit, si un nouveau président est élu, rien ne dit si les engagements seront tenus. Il faudra en parler au président des LR, Laurent Wauquiez, si d’aventure il tente la course pour l’Elysée.
« La Nation consent un effort budgétaire massif »
Florence Parly souligne elle l’effort financier fait par l’Etat : « C’est la Nation, le Parlement, qui consentent l’effort budgétaire massif qui permettra de donner aux armées les moyens ». Un effort réalisé dans un contexte de « maîtrise des dépenses publiques » pour répondre aux contraintes européennes. Faire des économies d’un côté et en même temps porter le budget de l’armée à 2% du PIB, c’est le choix d’Emmanuel Macron. Les militaires apprécient. Les secteurs concernés par les économies sûrement moins.