C’est un paradoxe qui a longuement occupé, mardi 25 janvier, les membres des commissions sénatoriales des affaires étrangères, européennes et des affaires économiques : si l’économie française est actuellement florissante - au point d’être considérée comme la plus attractive d’Europe - la balance commerciale tricolore affiche un déficit historique, et pour le moins inquiétant. Les élus de la Chambre Haute, qui auditionnaient Franck Riester, le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en charge du commerce extérieur et de l’attractivité, espéraient des réponses sur les causes de ce plongeon. Et ils ont eu du mal à se satisfaire de celles fournies par le ministre, qui a largement invoqué la crise des hydrocarbures.
« Sur l’ensemble de l’année 2021, le déficit commercial s’élève à plus de 77,6 milliards. Les exportations progressent, mais pas assez pour compenser la hausse des importations », résume le sénateur LR Alain Cadec. « Il y a une dynamique dans un grand nombre de secteurs à l’exportation mais, d’un point de vue conjoncturel, nous sommes confrontés à une augmentation très forte des hydrocarbures, qui impacte notre déficit commercial », explique Franck Riester. Il rappelle ainsi que la hausse de la croissance se double d’une hausse de la consommation, tant du côté de l’industrie, qui a besoin de matières premières, que du côté des particuliers. « Nous avons une demande très forte en France, à la fois des biens de consommation et des biens nécessaires à la fabrication de biens finaux. »
« Nous n’aurions pas un tel déficit si nous n’avions pas été obligés d’acheter de l’énergie à ce point »
Les sénateurs, toutefois, lui ont opposé la facture énergétique du pays. En fin d’année, un quart du parc nucléaire français était à l’arrêt, conséquence de la crise du covid-19 et des confinements successifs qui ont chamboulé le calendrier de maintenance des réacteurs, obligeant ainsi la France à aller s’approvisionner à l’étranger, et notamment auprès des usines à charbon allemandes. « Si vous estimez que la moitié du déficit est due à la hausse des prix du carburant, dont acte ! Je pense surtout que c’est un manque de capacité de production », a relevé le socialiste Rémi Cardon. Implicitement, il pointe les hésitations de l’exécutif durant le quinquennat en matière de politique énergétique. Alors que la production du parc éolien ne suffit pas à répondre aux besoins des Français, Emmanuel Macron a finalement annoncé en fin d’année de nouveaux investissements en faveur de la filière nucléaire.
« Nous constatons une différence de vues sur l’énergie », renchérit la sénatrice LR Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. « Je pense que nous n’aurions pas un tel déficit si nous n’avions pas été obligés d’acheter de l’énergie à ce point. »
« L’augmentation des hydrocarbures, c’est une problématique mondiale », s’est encore défendu Franck Riester, imputant à cette hausse, la moitié du déficit commercial de novembre. « C’est ce qui, conjoncturellement, impacte très fortement le déficit du commerce extérieur au moment où les exportations françaises étaient, en novembre, en augmentation de 5 % par rapport à ce qu’elles étaient en novembre 2019, avant la crise ! »
Passe d’armes
Le ministre a toutefois reconnu des fragilités structurelles qui doivent être corrigées, via « quatre leviers » d’action : « La compétitivité, la réindustrialisation, une politique commerciale moins naïve et l’accompagnement des entreprises ». L’occasion aussi pour Franck Riester de renvoyer la majorité sénatoriale de droite et du centre dans les cordes. « La baisse de la fiscalité est absolument importante, même s’il n’y a pas que ça. D’autres majorités, pardon de le dire, ne l’ont pas baissée pendant des années alors qu’ils avaient la possibilité de le faire. Nous, nous l’avons fait. »
Une petite pique que n’a guère appréciée Sophie Primas. « Les vôtres ! , a-t-elle interrompu. [Ces majorités] ce sont les vôtres, partagez ce constat ! ». Une manière de rappeler que Franck Riester, avant de rejoindre Emmanuel Macron en 2017, appartenait aux rangs des Républicains et donc de la majorité au pouvoir entre 2002 et 2012.