Depuis onze ans, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) publie une enquête dite de victimisation, au cours de laquelle 16 000 personnes, de 14 ans et plus, ont été interrogées sur leur vécu et leur ressenti de l’insécurité.
La délinquance traditionnelle baisse, la cybercriminalité grimpe
Premier enseignement, la délinquance liée aux atteintes aux biens (vol de voitures, cambriolages) et les violences physiques sont en baisse : moins 14,5% entre 2014 et 2016 pour les cambriolages et tentatives, moins 48,5% pour les vols de voitures et tentatives, et les violences physiques diminuent de 21,5% entre 2006 et 2016.
À la différence des débits frauduleux sur les comptes bancaires qui passent de 500 000 ménages victimes en 2010, à plus de 1,2 million en 2016. « Ces trois dernières années, il y a une présence accrue des forces de sécurité sur le terrain. Ça a un effet dissuasif pour certains délits ou certains crimes » relève Denis Jacob, secrétaire général du syndicat alternative police CFDT. Christophe Soulez, directeur de l’ONDRP complète : « La cybercriminalité, c’est prendre moins de risques de se faire interpeller puisqu’on est chez soi. C’est une infraction qui peut rapporter énormément. Même escroquer de petits montants, quand vous les cumulez, ils peuvent dépasser très largement les montants d’un braquage à main armée ».
Le terrorisme dépasse le chômage dans les préoccupations des Français
Deuxième élément notable de cette enquête, en 2017, une personne sur trois (32% contre 5% en 2007) cite le terrorisme et les attentats comme problème le plus préoccupant pour la société française. L’ONDRP précise que « la collecte des données s’est déroulée quelques mois après l’assassinat du couple de policiers à Magnanville (13 juin 2016) et l’attentat de Nice durant la célébration de la fête nationale ». « Pour la première fois depuis 2006, la « proportion de personnes inquiètes à cause du terrorisme prend le pas sur celle mesurée par le chômage (23%) » poursuit l’étude.
« Quel impact aura la médiatisation des agressions sexuelles dans les préoccupations et les craintes »
Mais pour Laurent Mucchielli, sociologue spécialiste de la délinquance et directeur de recherche au CNRS, la mise en place de l’état d’urgence a également eu un effet sur le sentiment d’insécurité en hausse qui ressort de cette enquête. « Il y a trois niveaux d’analyse dans ce type d’étude : le vécu réel de la délinquance, la crainte de la délinquance, et l’opinion générale de la société. Quand on regarde ces choses dans la durée, on relève que les grandes tendances restent stables. Et on constate, que depuis 2 ans, l’état d’urgence a un impact sur le sentiment d’insécurité des personnes interrogées. De la même manière, il sera intéressant de voir l’année prochaine quel impact aura eu la médiatisation des agressions sexuelles dans les préoccupations et les craintes » Exceptionnellement, les tendances des violences sexuelles ne sont pas présentées cette année en raison d’une modification du questionnaire qui pourrait avoir un effet sur l’évolution des indicateurs.
L’Observatoire national de la délinquance relève néanmoins que près d’une femme sur trois (26%) déclare se sentir en insécurité contre 16% chez les hommes. Un chiffre qui pourrait interpeller le gouvernement au moment de la mise en place pour 2018 de la nouvelle police de sécurité du quotidien (PSQ), dont l’une des prérogatives sera la verbalisation du harcèlement de rue.
« Il ne faut surtout pas se laisser endormir par des chiffres »
Délinquance en baisse: "ne nous laissons pas endormir par les chiffres" demande Philippe Bas
Sur ce sujet, Philippe Bas, président LR de la commission des lois, estime que « ce n’est pas en ressuscitant la police de sécurité avec des stagiaires qui vont se présenter dans les banlieues avec des uniformes, que la sécurité s’améliorera (…) Il ne faut surtout pas se laisser endormir par des chiffres qui sont liés à ces circonstances extraordinaires que nous avons traversées. Contacté par publicsenat.fr, Bruno Beschizza, maire d’Aulnay-sous-Bois, et secrétaire national LR en charge de la sécurité indique que sa ville s’est portée volontaire pour la mise en place de la PSQ. « J’attends de voir ce que ça va donner. Je n’ai pas plus d’informations pour le moment. Mais en en tant qu’élu local, c’est moins le sentiment d’insécurité que le sentiment d’impunité que je déplore ».
Pour une meilleure prise en compte de ce type d’enquête dans les politiques publiques, Laurent Mucchielli préconise de les réaliser au niveau local. « C’est ce que j’ai fait à Marseille, une ville marquée par les stéréotypes de la délinquance. Et malgré la réalité des règlements de comptes, la vie quotidienne des Marseillais n’en n’est pas impactée ».