Délinquance des mineurs : l’ordonnance de 1945 (encore) au cœur des débats
La vidéo d’un élève braquant sa professeure dans un lycée de Créteil relance le débat sur l’abaissement de la majorité pénale. Plusieurs élus LR souhaitent revoir l’ordonnance du 2 février 1945. 

Délinquance des mineurs : l’ordonnance de 1945 (encore) au cœur des débats

La vidéo d’un élève braquant sa professeure dans un lycée de Créteil relance le débat sur l’abaissement de la majorité pénale. Plusieurs élus LR souhaitent revoir l’ordonnance du 2 février 1945. 
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« Il ne suffit pas de faire des tweets, il faut une vraie réponse. Et la vraie réponse est judiciaire. On doit se poser la question. Est-ce que l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs correspond à ce que sont les mineurs aujourd’hui ? Les mineurs 1945… Quand on fait l’ordonnance, c’est d’abord pour protéger des mineurs qui ont été bouleversés par la guerre. La réalité d’aujourd’hui est d’une autre nature ». Sur BFM TV, dimanche, le président du Sénat, Gérard Larcher a donc relancé une vieille antienne pour la droite : l’abaissement de la majorité pénale.

Depuis vendredi une vidéo filmée au portable circule sur les réseaux sociaux. Un élève armé d’un pistolet intime l’ordre de « le marquer présent » à sa professeure. L’enseignante, plutôt dépitée qu’alarmée, ne se départit pas de son calme. On apprendra plus tard que l’arme était factice.

« Menacer un professeur est inacceptable »

C’est en effet d’abord par un tweet, que le chef de l’État a réagi ce week-end. « Menacer un professeur est inacceptable. J’ai demandé au ministre de l’Éducation nationale et au ministre de l’Intérieur de prendre toutes les mesures pour que ces faits soient punis et définitivement proscrits de nos écoles » annonce-t-il sur le réseau social.

« On peut se demander si les faits n'ont pas été accomplis pour être filmés et diffusés »

Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer a promis « de rétablir l'ordre et l'autorité dans tous les établissements où la situation s'est dégradée ». « Nous allons travailler sur des structures spécialisées d'accueil des enfants et adolescents qui ne respectent pas les règles ». « Nous réfléchissons à une politique de responsabilisation des familles de mineurs qui vont trop loin. Le fait est que lorsque l'élève est mineur, les suites judiciaires sont naturellement plus clémentes. Cela doit nous emmener à des mesures de responsabilisation des familles. Ce travail est en train d'être mené. Il est un point clé de notre politique » a-t-il ajouté. Dans le Parisien, le ministre a aussi encouragé « l'interdiction du téléphone portable dans les lycées » (ce que préconise depuis plusieurs mois, le Sénat). « À Créteil, on peut se demander si les faits n'ont pas été accomplis pour être filmés et diffusés » a-t-il considéré. Des annonces jugées insuffisantes pour une partie de la droite qui juge l’ordonnance de 45 inadaptée.

Qu'est-ce que l’ordonnance du 2 février 1945 ?

La philosophie de l’ordonnance du 2 février 1945, rédigée sous la présidence du général de Gaulle, fixe la spécialisation des juridictions pour mineurs, la primauté de l’éducation sur la répression et l’atténuation de la peine en raison de la minorité. Il fixe comme principe l’excuse de minorité qui implique que la peine appliquée à un mineur de plus de 16 ans est divisée par deux par rapport à des majeurs, sauf exception.

Depuis les lois Perben I (2002) et II (2004) ou encore la loi du 5 mars 2007 et celle du 10 août 2011 sur la justice pénale et le jugement des mineurs ont atténué la spécificité du droit pénal des mineurs. Comme la réintroduction de la détention provisoire à partir de 13 ans, des peines-plancher, et la suppression automatique de l’excuse atténuante de responsabilité pour les mineurs de 16 ans encourant au moins 7 ans d’emprisonnement.

Rachida Dati : « J’avais proposé 12 ans à l’époque »

À l’instar de Gérard Larcher, plusieurs élus LR ont souhaité revoir l’ordonnance de 1945. Sur Public Sénat, Rachida Dati, ancienne garde des Sceaux sous Nicolas Sarkozy ne dit pas autre chose. « Il est temps de revoir l’ordonnance dite de 1945 relative à l'enfance délinquante ». Sur « la responsabilité pénale des mineurs, il faut mettre un âge. Le texte est sur la table, Mme Belloubet peut le retrouver. J’avais proposé 12 ans à l’époque », a-t-elle rappelé, assurant qu’il s’agit du niveau moyen en Europe.

Enseignante menacée à Créteil : « Il est temps de revoir l’ordonnance de 1945 », réagit Rachida Dati
03:49

Interrogée par publicsenat.fr le 16 février 2017, Dominique Attias, ancienne vice-bâtonnière de Paris, avocate spécialisée dans la défense des enfants rappelait pourtant que malgré l’ordonnance de 1945, l’incarcération est possible dès l’âge de 13 ans, ce qui faisait de « la loi française la plus répressive d’Europe concernant les mineurs ».

Une proposition de Nicolas Sarkozy et François Fillon

En 2007 et 2012, l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans était au programme du candidat de la droite à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy. L’ancien sénateur LR, Serge Dassault ou encore l’actuel Maire de Nice, Christian Estrosi avaient déposé des propositions de loi en ce sens. Et le candidat à la présidentielle de 2017, François Fillon avait fait sienne cette proposition.

Sur CNEWS, le 15 octobre dernier, la présidente du RN, Marine Le Pen a également plaidé pour une remise en cause de l’ordonnance de 1945.

 

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