Pour le président socialiste du département de Seine-Saint-Denis, Emmanuel Macron devrait admettre « que les Français, consultés à trois reprises en juin et juillet, l’ont sanctionné ». Une éventuelle nomination de François Bayrou, reçu à l’Élysée ce vendredi matin, serait donc un mauvais signal.
Délit d’apologie du terrorisme : pourquoi LFI propose de l’enlever du Code pénal ?
Par Henri Clavier
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« Avant 2014, avant la loi qui a mis dans le Code pénal l’apologie du terrorisme, c’était dans le droit de presse. Et ce que nous dénonçons, c’est justement que ce soit dans le Code pénal et non plus dans le droit de la presse. Donc nous n’abrogeons pas le délit d’apologie du terrorisme, nous le remettons dans le droit de presse », a expliqué la Mathilde Panot sur BFM TV pour défendre la proposition de la France Insoumise (LFI) d’abroger le délit d’apologie du terrorisme. Le texte, transmis le 19 novembre au bureau de l’assemblée par le député Ugo Bernalicis (LFI) n’a néanmoins pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour la niche du groupe LFI, le 28 novembre.
Une proposition qui a suscité une opposition majeure de la part du gouvernement, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau qualifiant « d’innommable » la proposition de LFI. « C’est ignoble, ça doit être combattu avec la plus grande force (….) La liberté d’expression n’a jamais tout permis, il y a des limites à cette liberté d’expression », a déclaré le garde des Sceaux, Didier Migaud sur France 2, ce 25 novembre. Le socialiste Olivier Faure a également indiqué que son groupe ne soutiendrait pas le texte des insoumis. Sur le fond, LFI se défend de vouloir minimiser les délits liés à l’apologie du terrorisme et estime que le recours à la loi de 1881 suffit pour condamner l’apologie du terrorisme.
« Avant la loi Cazeneuve, l’apologie du terrorisme répondait à un cadre procédural extrêmement contraignant »
Pour rappel, le délit d’apologie du terrorisme a été créé par la loi du 13 novembre 2014, avant cette date l’apologie du terrorisme tombait sous le coup de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Première conséquence, l’apologie du terrorisme est devenue une « une infraction de droit commun » ce qui a permis de « changer le régime de poursuites », explique l’avocat spécialiste du droit de la presse, Maitre Christophe Bigot à l’AFP.
« Avant la loi Cazeneuve, l’apologie du terrorisme répondait à un cadre procédural extrêmement contraignant afin d’inciter les autorités à n’avoir recours à la voie contentieuse que pour les cas les plus extrêmes. Les mis en cause étaient jugés devant la juridiction parisienne spécialisée. La loi de 2014 a changé la donne. N’importe quel parquet peut être saisi dans le cadre d’une enquête pour apologie du terrorisme. Même les procureurs de petites juridictions ont la possibilité d’être saisis d’une affaire extrêmement médiatisée », expliquait à Public Sénat Olivier Cahn, professeur de droit pénal à l’université de Cergy. Si la peine d’emprisonnement encourue reste de 5 ans, l’amende est passée de 45 000 euros à 75 000 euros.
Par ailleurs, le passage du délit dans le droit commun ouvre la possibilité à une comparution immédiate dans la foulée de la garde à vue. « Le transfert dans le droit commun a eu pour effet de faire échapper ce délit au formalisme plus strict de la loi de 1881, tout en permettant notamment de recourir à des techniques spéciales d’enquêtes », explique Vincent Brengarth, avocat et auteur de « Défendre l’impossible ». Ce dernier est également l’avocat de l’eurodéputé Rima Hassan, visée en avril par une enquête pour apologie du terrorisme.
Un débat juridique fourni
Au cœur du débat juridique, le risque de pouvoir engager plus facilement des poursuites pour des propos politiques et porter atteinte à la liberté d’expression. Depuis le 7 octobre et le début du conflit entre Israël et le Hamas, les plaintes pour apologie du terrorisme se sont multipliées. Selon l’AFP, le parquet de Paris a enregistré 386 saisines en lien avec le conflit au Proche-Orient.
Si la loi de 2014 ne définit pas l’infraction d’apologie du terrorisme, la Cour de cassation a précisé cette notion en estimant qu’il s’agit du « fait d’inciter publiquement à porter sur ces infractions ou leurs auteurs un jugement favorable ». Néanmoins, le passage du délit dans le droit commun a suscité des oppositions importantes, dénonçant une atténuation de la défense de la liberté d’expression. « Nous étions un certain nombre à l’époque à exprimer de vives préoccupations par rapport à ce transfert dans le droit commun. Ces craintes ont été confirmées par la pratique judiciaire qui montre que l’application plus généralisée de l’article s’étend, par exemple, à des hypothèses d’expressions critiques à l’encontre du pouvoir et touchent directement la liberté d’expression », explique Vincent Brengarth. Le magistrat Marc Trévidic, favorable en 2014 à la création d’un nouveau délit spécifique, dénonce aujourd’hui un « usage totalement dévoyé de la loi ».
En mai 2018, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions réprimant l’apologie. Une QPC soulevée par Jean-Marc Rouillan, cofondateur du groupe armé d’extrême gauche Action directe, qui avait été condamné à 8 mois de prison ferme pour avoir qualifié de « très courageux » les auteurs de l’attentat jihadiste contre Charlie Hebdo en 2015. En 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France considérant que la condamnation relevait d’une « ingérence dans la liberté d’expression ».
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