Démarrage de l’EPR de Flamanville en 2022 : « il n’y a plus de marge » prévient le président de l’Autorité de sûreté nucléaire

Démarrage de l’EPR de Flamanville en 2022 : « il n’y a plus de marge » prévient le président de l’Autorité de sûreté nucléaire

Auditionné par la commission sénatoriale des affaires économiques, Bernard Doroszczuk a pointé du doigt l’affaiblissement des compétences françaises dans le domaine du nucléaire.
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Par Jules Fresard

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Lors de ses vœux annuels prononcés en janvier 2021, Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) depuis 2018, l’avait annoncé, « la vigilance reste de mise ».

Le chantier de l’EPR de Flamanville, cette centrale de troisième génération, en reste le meilleur exemple. En 2018, le gendarme du nucléaire avait identifié une centaine de soudures posant problème, nécessitant réparation. En mars, l’ASN avait donné son feu vert pour que huit d’entre elles, particulièrement difficiles d’accès, soient réparées à l’aide de robots. Mais le même mois, de nouvelles malformations avaient été détectées, cette fois sur des soudures du circuit primaire, celui en contact direct avec le cœur du réacteur.

Ces récentes découvertes viennent mettre à mal l’objectif d’EDF, celui d’un démarrage de l’EPR de Flamanville l’année prochaine. « Ces réparations sont sur le chemin critique du projet au regard de l’objectif d’EDF de viser une mise en service pour fin 2022. Il n’y a plus de marge » a précisé Bernard Doroszczuk.

Les capacités industrielles françaises mises en doute

Ces malformations interrogent, dans un contexte où l’ASN a donné en février son feu vert à la prolongation au-delà de 40 ans d’exploitation de 32 réacteurs du parc nucléaire français, comme l’a rappelé dans son propos introductif Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et présidente de la commission des Affaires économiques, qui auditionnait Bernard Doroszczuk ce mardi.

Le président de l’ASN l’a admis. Cette prolongation nécessitera « des travaux sans précédent depuis 10 ans, multipliant par six la charge de travail du secteur de la mécanique, qui n’a pas brillé par ses réalisations, en termes de soudage ». Une référence directe aux réalisations défectueuses pointées du doigt à Flamanville.

Pour Bernard Doroszczuk, ces problèmes de conception relèvent « de l’affaiblissement industriel de la France. Pendant plus de 10 ans, il n’y a pas eu de projet majeur nucléaire […] Je suis allé sur le chantier de l’EPR, j’ai vu les équipes de soudeurs. Il y a très peu de Français, mais il y a des Allemands, des Tchèques et des Croates ».

Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis, estime-lui que le problème est ailleurs. « Des soudeurs français moi j’en connais. La question posée ici est celle de la sous-traitance. On a préféré faire venir des soudeurs polonais plutôt que des Français ».

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Une tendance à la « procrastination »

A ces problèmes de compétences s’ajoute une incapacité à prendre les bonnes décisions au bon moment, avec « un déficit de la culture de précaution » comme l’a présenté Bernard Doroszczuk. Au centre de ces errements se trouve le problème de la gestion des déchets. « Depuis 2010, on sait qu’en 2030 les piscines de La Hague (où sont stockés les déchets nucléaires, ndlr) seront remplies. Les plans qu’on prévoit en ce moment visent 2034. Il faudra donc trouver des parades pendant quatre ans » s’est alarmé le président de l’ASN.

Pourquoi tant d’hésitations alors que la situation se tend de plus en plus ? « Parce que le sujet des déchets est extrêmement compliqué, sensible aux yeux de la population, la tendance a été, un peu, à la procrastination. Il n’y a pas de décisions qui ont été prises ».

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Une situation qui inquiète les sénateurs, mais pour d’autres raisons. Christian Redon-Sarrazy, élu de la Haute-Vienne, a émis des craintes concernant le recyclage des déchets classés TFA, ceux qui sont le moins radioactifs. « Il y a un risque, que de recyclage en recyclage, des déchets radioactifs puissent se retrouver dans nos objets du quotidien ». Réponse de Bernard Doroszczuk : « avec la revalorisation des déchets TFA, il y a un effet psychologique, mais en termes de santé publique, il n’y a pas d’inquiétudes à avoir, avec des risques de rayonnements inférieurs à ceux que l’on retrouve dans la nature ».

Cette question du traitement des déchets est d’autant plus prégnante que pour atteindre l’objectif annoncé par le gouvernement de passer de 70 à 50 % en 2035 de part du nucléaire dans le mix énergétique hexagonal, 12 réacteurs sont encore à fermer, après l’arrêt de la centrale de Fessenheim. Augmentant considérablement la masse de déchets radioactifs à traiter.

Parmi ce bilan très nuancé, un point positif pourtant. Pendant la crise causée par la pandémie, « les résultats de sûreté ont été meilleurs ». Pourquoi ? Car cette période « a conduit à des travaux plus lents, à plus de précautions ». Cette même précaution désespérément réclamée par le président de l’ASN.

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