« Mon erreur est d’une légèreté coupable. Je la paye. » Après une semaine de révélations en cascade sur ses mandats, Jean-Paul Delevoye a finalement présenté sa démission au chef de l’État qui l’a acceptée « avec regret », lundi. Le gouvernement était pourtant monté au créneau pour le défendre, plaidant « la bonne foi » du Haut-commissaire. Il salue ce lundi son « sens des responsabilités ».
Dans un communiqué, Jean-Paul Delevoye a tenu à souligner le travail réalisé au cours des deux dernières années pour bâtir cette réforme, un travail basé sur un lien de confiance avec les partenaires sociaux. « Aujourd’hui, cette confiance est fragilisée sous les coups d’attaques violentes et d’amalgames mensongers. En instrumentalisant mon procès, en réalité, on veut porter atteinte au projet », écrit aujourd’hui le Haut-commissaire aux retraites.
« C’est lui qui a porté toutes les négociations, les concertations, avec beaucoup de conscience et de compétence », salue Jean-Marie Vanlerenberghe
« Ça devenait intenable pour lui et pour le gouvernement. Il disait qu’il y avait des privilégiés, notamment les cheminots, et on s’aperçoit qu’il avait 13 postes et qu’il avait oublié d’en déclarer 10 ! », commente le sénateur communiste, Fabien Gay. Ce sont ses liens avec les assurances privées qui choquent le plus le sénateur. Samedi, Jean-Paul Delevoye avait finalement déclaré l’ensemble de ses mandats à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Pour un total de 13 mandats, dont 11 bénévoles.
Selon l’hebdomadaire Marianne, Jean-Paul Delevoye aurait néanmoins oublié de déclarer un 14e mandat. Parmi les plus problématiques, la fonction de président d’honneur d’un think tank (Parallaxe) pour laquelle il était rémunéré après son entrée au gouvernement. Un cumul interdit par l’article 23 de la Constitution. D'après les informations du Parisien, Jean-Paul Delevoye s'est aussi « trompé » sur sa déclaration de patrimoine.
Le rapporteur générale de la commission des affaires sociales du Sénat, le sénateur Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, regrette toute cette affaire : « C’est lui l’architecte de cette réforme. C’est lui qui a porté toutes les négociations, les concertations, avec beaucoup de conscience et de compétence. C’est lui qui connaît le mieux la réforme. Je regrette qu’il en soit ainsi, qu’il soit tenu de démissionner ».
Le sénateur centriste souligne le fait que Jean-Paul Delevoye a reconnu l’existence de ces mandats et remboursé les sommes perçues malgré les interdictions de cumul. Sur sa fonction d'administrateur bénévole au sein d'un institut de formation de l'assurance, l'Ifpass, Jean-Marie Vanlerenberghe rejette les soupçons de conflits d’intérêts. « Toute la réforme, c’est le contraire de ce que voulaient les assureurs (…) Je ne vois pas le conflit d’intérêts », assure-t-il.
« Cette réforme, c’est l’injustice universelle », dénonce Fabien Gay
Si cette démission est perçue comme « une première victoire » par le secrétaire fédéral du syndicat Sud Rail, « il faut revenir sur le fond de l’affaire qui est la réforme », insiste Fabien Gay. « Cette réforme, c’est l’injustice universelle. Vous allez travailler plus longtemps et vous allez partir avec une pension moindre. Ceux qui ont les moyens iront se faire des complémentaires ailleurs (…) Delevoye doit partir avec la réforme », tance le sénateur communiste à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation.
Jean-Paul Delevoye « était aussi condamné sur le fond », affirme Ronan Dantec (RDSE)
« Il devait partir », affirme le sénateur RDSE, Ronan Dantec, sur le plateau de Public Sénat. « Je ne comprends pas comment quelqu’un comme Jean-Paul Delevoye, avec son expérience, a pu faire des erreurs pareilles. Ça dit à l’inverse que notre système de contrôle de la vie publique fonctionne puisqu’il n’a pas pu tenir très longtemps avec des omissions pareilles », se réjouit néanmoins Ronan Dantec.
Pour le sénateur RDSE, Jean-Paul Delevoye « était aussi condamné sur le fond puisque la réforme qu’il avait pré négociée n’était absolument pas celle que le gouvernement a mise sur la table. C’est une faute politique du tandem Macron-Philippe », juge-t-il avant de condamner encore plus durement la « stratégie de tension de la société » de l’exécutif.
Le socialiste, Rémi Féraud, partage cette position. Selon lui, « il faut retirer (la réforme) vite et engager une vraie négociation pour sortir du conflit social ».
La socialiste, Céline Brulin, tente elle un jeu de mots : « Le retrait de la réforme des retraites est en bonne Delevoye ! », sur Twitter.
À droite, les réactions sont plus timides suite à la démission de l’ancien ministre chiraquien, Jean-Paul Delevoye. Le sénateur Les Républicains, Alain Houpert, s’est néanmoins fendu d’un tweet sarcastique : « Voilà ce que l’on appelle battre en retraite ! »