Presque un an après l’adoption de sa proposition de loi visant à interdire la célébration d’un mariage d’un couple dont l’un des membres est en situation irrégulière, le sénateur centriste, Stéphane Demilly voit de nouveau « l’actualité remettre le dossier sur la table ».
Contraint par la justice de célébrer un mariage entre un ressortissant étranger sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) et une ressortissante européenne, Olivier Bourgot, le maire de Chessy en Seine-et-Marne a annoncé lundi sa démission et celle de ses sept adjoints. Dans un communiqué, l’élu dénonce « le monde à l’envers ». « Parce qu’un préfet a pris une décision, en l’occurrence une OQTF qui n’a pas été exécutée, un maire se retrouve contraint de célébrer le mariage d’une personne qui ne devrait pas être sur le territoire », résume-t-il.
« L’OQTF n’était « plus valide »
Le refus du maire de célébrer ce mariage avait conduit à un signalement au parquet de Meaux. Les investigations n’avaient pas permis de démontrer l’intention frauduleuse du couple et une décision de « non-opposition » avait été rendue le 7 juillet.
La mairie ne souhaitant toujours pas marier le couple, le couple a initié une procédure de référé civil qui a abouti, le 10 décembre 2025, à une ordonnance enjoignant la mairie de procéder à la célébration du mariage, le tribunal faisant notamment valoir que l’OQTF n’était « plus valide » et que « l’officier d’état-civil ne peut sans outrepasser ses compétences valablement substituer sa propre appréciation […] à la décision de non-opposition rendue par le parquet après l’enquête ».
La préfecture de Seine-et-Marne a refusé la « demande de démission » du maire de Chessy « ainsi que celles de ses adjoints » au nom de la préservation de la continuité de la vie communale, particulièrement à l’approche des prochaines élections municipales » de mars 2026.
Soutien d’Emmanuel Macron au texte du Sénat
En février, le Sénat avait adopté par 227 voix contre 110, le texte de Stéphane Demilly, un texte inspiré par la situation du maire d’Hautmont, Stéphane Wilmotte, qui encourait une peine d’inéligibilité et le versement de dommages et intérêts, pour avoir refusé en 2023 de marier un ancien président d’une mosquée fermée pour discours haineux et apologie du djihad armé, sous obligation de quitter le territoire.
Le texte avait toutefois été largement amendé par le rapporteur LR, Stéphane Le Rudulier pour pallier le risque d’inconstitutionnalité. Dans une décision de 2003, le Conseil constitutionnel avait, en effet, rappelé que le respect de la liberté du mariage, était une « composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 », et s’opposait donc « à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ».
Le texte met donc en place une procédure qui oblige tout ressortissant étranger à fournir la preuve du caractère régulier de sa situation. L’intéressé devra présenter certaines pièces attestant de la validité de son séjour. Il allonge à deux mois, contre deux semaines actuellement, le délai dont dispose le procureur de la République pour investiguer en cas de doute quant à la véracité du consentement et le cas échéant s’opposer au mariage. L’absence de réponse de sa part vaudrait juridiquement refus, alors qu’actuellement, son silence à valeur d’acceptation, ce qui oblige le maire à procéder au mariage.
« De la communication politique à peu de frais »
A gauche, la sénatrice socialiste, Corinne Narassiguin rappelle que le mariage « est une liberté fondamentale garantie par le droit international et la cConvention européenne des droits de l’Homme ». « Il faut aussi rappeler que bon nombre de personnes voient leur titre de séjour ne pas être renouvelé. Ils se retrouvent en situation irrégulière à cause de l’incurie d’une administration débordée. A quelques mois des municipales, ces démissions permettent de faire de la communication politique à peu de frais », estime-t-elle.
« On se demande à quoi on sert »
Presque un an après l’adoption du texte, malgré l’appui du gouvernement et le soutien public d’Emmanuel Macron dans une émission spéciale au mois de mai, il n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
« J’ai aussi eu le soutien de l’Association des maires de France. Un sondage (de l’institut CSA pour CNEWS, Europe 1 et le JDD) montrait que 73 % des Français étaient favorables à ma proposition de loi. Mais malgré ça, nous sommes toujours dans l’attente. Il y a de quoi être dégoûté de la situation. On se demande à quoi on sert », confie Stéphane Demilly.
Le sénateur de la Somme tient à préciser que ses intentions « ne sont pas teintées de xénophobie ». « Il ne s’agit pas de s’opposer à un mariage d’une personne qui a un titre de séjour, comme un visa travail par exemple, mais de faire respecter le droit ».
Sur Franceinfo, le ministre de l’Intérieur a néanmoins rappelé qu’un mariage n’empêchait pas les mesures d’éloignement. « Ce n’est pas parce qu’il va se marier avec quelqu’un qui est résidente en France qu’on ne peut pas le reconduire. Ce n’est pas un obstacle », a-t-il souligné.
Stéphane Demilly a d’ailleurs rendez-vous avec le cabinet du président de la République vendredi pour faire le point sur la suite de la procédure.