Démission du maire de Saint-Brevin : la gendarmerie nationale admet un « regret fort », malgré « des efforts conséquents »

Après la démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, la commission des lois du Sénat poursuit ses auditions pour faire la lumière sur les défaillances ayant poussé l’édile à abandonner son mandat. Le général de division Roland Zamora, commandant de la région de gendarmerie des Pays de la Loire et le général d’armée Christian Rodriguez ont répondu aux questions des sénateurs afin d’établir précisément la chronologie.
Henri Clavier

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 « J’ai le sentiment que les gendarmes n’ont pas ménagé leurs efforts », affirme le général Zamora devant les membres de la commission des lois. Le maire de Saint-Brevin s’était dit « abandonné par les services de l’Etat », en particulier par le préfet de Loire-Atlantique et le sous-préfet de Saint-Nazaire. Pour mémoire, le maire de Saint-Brevin a quitté ses fonctions, le 9 mai, après l’incendie de ses véhicules et de son domicile, le 22 mars, ce dernier subissait des menaces de manière récurrente depuis la décision de déplacer un centre d’accueil de demandeurs d’asiles (CADA) à proximité d’une école.

 « Une attention particulière a été portée par la gendarmerie aux actions de ce mouvement »

En retraçant avec précision la chronologie des événements, le général de division Roland Zamora, commandant de la région de gendarmerie des Pays-de-la-Loire, a voulu démontrer le bon fonctionnement des services de l’Etat et l’absence de négligence. « Après sa prise de fonction en 2022, le commandant de compagnie de Pornic, dont relève Saint-Brévin, a organisé une réunion dans laquelle il s’est présenté à l’ensemble des maires de son ressort en leur donnant son numéro de téléphone », explique le général Zamora qui précise que « dès l’origine du mouvement de contestation d’un nouveau Cada. Une attention particulière a été portée par la gendarmerie aux actions de ce mouvement ». Le général Zamora rappelle également qu’une « réunion bimensuelle sur la sécurité a été proposée à la mairie de Saint-Brevin » désireux de démontrer que les gendarmes ont pris l’affaire au sérieux.

Yannick Morez reproche cependant aux gendarmes de ne pas avoir tiré les conclusions adéquates des trois premières manifestations ayant eu lieu les 15 octobre, 8 novembre et 11 décembre. Le maire s’inquiétait devant le sénat de la présence d’ « une quarantaine de personnes dont la majorité provient de l’extérieure de la commune ». L’élu municipal regrettait que la récurrence des manifestations et d’autres actions, comme les menaces et distribution de tracts, n’aient pas donné lieu à une action plus importante des forces de l’ordre.

La gendarmerie responsable de négligence ? 

Si le général Zamora fait état d’une chronologie précise témoignant de la connaissance des difficultés existantes quant à l’installation du Cada. Ce dernier se défend de toute forme de négligence expliquant que « dès le 15 octobre 2022, l’ordre est donné que les patrouilles du secteur de Saint-Brévin effectuent un passage devant le site du Cada ».

Le 10 février une réunion est organisée avec la gendarmerie, le préfet, le maire et plusieurs adjoints, à la demande de l’association Aurore, gérante du Cada, après l’organisation de plusieurs actions par les opposants à l’installation du Cada. A cette date, la gendarmerie dispose de plusieurs signaux dont « une opération de distribution de tracts conduite par les opposants au Cada le 27 janvier, puis le 1er février, le 4 et le 10 février ». Le général Zamora affirme que ces actions se « déroulent sur fond de préparation de la manifestation annoncée pour le 25 février » et que le « 3 février, la brigade de Saint-Brevin reçoit une nouvelle plainte déposée par deux personnes favorables au Cada, après une publication en ligne dans laquelle leur nom est mentionné ». Le maire de Saint-Brevin estime pourtant ne pas être pris au sérieux et reproche au sous-préfet de le dissuader de porter plainte. Une version contestée par le général Zamora estimant que les représentants de l’Etat ont « encouragé les participants à ne pas hésiter à déposer plainte et que trois enquêtes étaient en cours pour injures et diffamations ».

 « Jusqu’au 22 mars, aucune plainte n’est déposée en gendarmerie de la part du maire »

Suite à la réunion du 10 février, la gendarmerie pointe une mauvaise compréhension entre les différents protagonistes et s’étonne que « jusqu’au 22 mars, date de la constatation de l’incendie criminelle, aucune plainte n’est déposée en gendarmerie de la part du maire ou de l’un de ses adjoints ». « Le 17 février, Monsieur Morez adresse une lettre au procureur de Nantes. Il ne porte pas plainte, mais évoque des faits qui peuvent entraîner une qualification pénale », explique le général Zamora qui précise que le procureur de Saint-Nazaire était compétent et concède une « erreur d’aiguillage ».

L’absence de dépôt de plainte n’a pas vraiment convaincu les membres de la commission des lois, Alain Marc rappelant que dans l’Aveyron un maire « a porté plainte six fois pour que la plainte soit prise en compte et sans doute à cause du contexte ». Lors de l’audition de Yannick Morez, le sénateur Philippe Bas s’était exprimé sur l’absence de plainte jugeant que les services de l’Etat devaient mettre en place une cellule de crise pilotée par le préfet dès lors que des élus étaient menacés. Par ailleurs, les forces de l’ordre disposaient déjà, avant le dépôt de plaintes d’éléments suffisants pour caractériser plusieurs infractions, le général Zamora rappelant d’ailleurs que « trois enquêtes étaient en cours pour injures et diffamations » au moment de la réunion du 10 février.

 « Le message n’est pas bien passé, car sans doute trop technique »

Si les différents responsables de la gendarmerie nationale ne « discutent en rien le ressenti du maire sur le manque de soutien », Roland Zamora se demande ce que les forces de l’ordre « auraient pu faire de mieux ». La faute serait principalement due à un défaut de compréhension entre les différents interlocuteurs et que « le message n’est pas bien passé car sans doute trop technique ». « Alors que le maire pensait qu’on le dissuadait de porter plainte, il était procédé à une tentative de caractérisation », affirme le général Zamora évoquant le renforcement des patrouilles devant le domicile du maire et de ses adjoints. Les gendarmes ont aussi procédé au relevé des identités des participants aux opérations de tractage comme gage de l’absence de négligence provenant de la gendarmerie.

 « En matière de surveillance, j’ai le sentiment que les gendarmes ont pris les mesures pour renforcer leur posture opérationnelle », poursuit Monsieur Zamora. Selon la gendarmerie, les risques ont été bien évalués compte tenu des informations à disposition. Yannick Morez aurait omis de transmettre certaines informations, parmi lesquelles une agression verbale ayant eu lieu deux jours avant sa démission (le 7 mai). Le général Zamora évoque également « plusieurs informations n’ayant pas été communiquées dans le courrier [adressé au procureur de la République de Nantes]. Notamment un tract déposé dans la boîte aux lettres du maire contenant la photo d’un jeune mineur qui avait été enlevé puis retrouvé assassiné quelques années auparavant ». Un « regret fort » pour le général Zamora qui souligne tout de même que « les efforts des gendarmes ont été conséquents ». Malgré un contexte d’augmentation des violences contre les élus, le général Zamora concède que les services de l’Etat « n’ont pas pris la mesure du désarroi du maire ».

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