Sur un fond de tension entre la droite sénatoriale et la ministre des Sports sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles, le Sénat a rejeté la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.
Démocratisation du sport : la majorité sénatoriale « outrée » par les propos de Roxana Maracineanu, rejette le texte
Sur un fond de tension entre la droite sénatoriale et la ministre des Sports sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles, le Sénat a rejeté la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.
Les questions d’actualité au gouvernement du Sénat étaient un échauffement. Le rapporteur de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, Michel Savin avait dénoncé « l’ambiguïté » du gouvernement sur une mesure portée par la majorité sénatoriale et qui vise à interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives.
La ministre des Sports, Roxana Maracineanu avait répondu en invitant « tous les sénateurs intéressés par le sport » à rester dans l’hémicycle pour l’examen du texte afin de faire la « distinction entre obsession et réelle motivation pour le sport ».
Résultat, c’est la version du texte, telle que votée par l’Assemblée nationale, qui revenait, mercredi, au Sénat où une motion préalable déposée par la droite, et qui équivaut au rejet du texte sans l’examen des articles, a été adoptée avec l’appui des centristes et des Indépendants par 208 voix contre 129.
« J’ai pensé au courage qu’il a manqué à la majorité du Sénat pour terminer le travail »
Ce point de blocage dans un texte sur lequel la majorité présidentielle et sénatoriale partagent les grandes : instauration de la parité dans les instances dirigeantes des fédérations, créer une filiale pour commercialiser les droits audiovisuels, lutte contre l’homophobie et les violences sexuelles dans le monde du sport. Sans oublier les apports du Sénat : mise en place un fichier photographique des interdits de stade, garantie de l’activité quotidienne du sport en primaire, l’inscription dans les programmes scolaires de l’aisance aquatique, le renforcement du « sport-santé » la reconnaissance des maisons sport santé, sans oublier l’autorisation pour la Ligue de football professionnel (LFP) Ce qui n’a pas empêché de vives tensions en séance publique.
Evoquant la médaille d’or en slalom du Français Clément Noël, mercredi aux JO de Pékin, Roxana Maracineanu indique avoir pensé aux sénateurs, « J’ai pensé au courage qu’il a manqué à la majorité du Sénat pour terminer le travail, pour boucler une deuxième manche dignement, avec panache ».
« Ce texte est l’émanation de trois ans de consultations menées par mon ministère, par le mouvement sportif et par vous les parlementaires […] Ce travail de terrain, vous souhaitez le balayer d’un revers de la main […] Nous avons conservé notre volonté de coconstruire, c’est pourquoi de nombreuses dispositions adoptées par les sénateurs ont été conservées dans le texte que j’ai l’honneur de défendre », a rappelé la ministre avant de tancer les élus de droite : « Vous n’en sortez pas grandis. La seule chose que vous êtes parvenus à faire. C’est éclipser du débat médiatique, les notions fondamentales comme la parité ou la limitation des mandats des présidents de fédération au profit d’un débat sur les signes religieux ».
La ministre a, comme elle l’avait fait quelques minutes plus tôt, assuré « que la lutte contre la radicalisation » était une priorité du gouvernement. Un engagement qui trouve notamment sa traduction législative dans l’article 25, de la loi sur le séparatisme selon lequel les fédérations et les associations sportives ont l’obligation de signer un contrat d’engagement républicain. « Mon ministère regarde les choses en face […] Nous n’avons aucune leçon à recevoir. Nous sommes dans l’action. Vous êtes dans l’incantation ».
Une rodomontade qui n’a pas été du goût de la majorité sénatoriale. « Nous pouvons avoir des divergences d’opinions, mais dans le respect et la tolérance » […] J’ai de la peine pour votre mépris pour notre travail », a répliqué Michel Savin.
« Mme la ministre, m’a agressée dès que je suis rentrée dans cet hémicycle »
Les propos de Roxana Maracineanu ont conduit à un rappel au règlement. « Ça fait 15 ans que je siège dans cet hémicycle, je n’ai jamais entendu un ministre attaqué aussi violemment, de façon aussi injuste et méprisante les sénateurs […] On ne pourra pas laisser votre intervention sans suite. J’ai été outrée par la façon dont vous vous êtes exprimée », s’est émue la sénatrice centriste Nathalie Goulet.
Elle a été rejointe par la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio. « Mme la ministre, m’a agressée dès que je suis rentrée dans cet hémicycle. Je n’ai pas compris pourquoi […] Nous avons le droit d’exprimer des opinions différentes du gouvernement […] le camp du bien n’est pas celui que l’on imagine ».
« A nos yeux, l’amendement sur le port de signes religieux n’a rien à faire dans ce texte »
A gauche, la sénatrice communiste a regretté « le manque d’ambition » du texte. « Ça aurait dû être un objet de mobilisation commune au Sénat pour donner au sport toute la place qui lui revient dans la société. Certains d’entre vous, ont préféré en faire un objet d’une polémique nourri de la simple proximité d’une élection présidentielle […] le code du sport prévoit déjà des infractions à la laïcité, la charte olympique aussi ».
« A nos yeux, l’amendement sur le port de signes religieux n’a rien à faire dans ce texte […] qu’on le veuille ou non c’est un texte à visée globale sur la problématique sportive […] et ramener ce sujet hyper complexe à un seul sujet, c’est une approche pour le moins réductrice et partisane […] le contexte l’emporte sur le texte », a regretté, Jean-Jacques Lozach (PS) qui a appelé « à faire confiance à la vision intégratrice du sport ».
Le sénateur écologiste, Thomas Dossus a estimé que l’amendement de la droite sénatoriale « ne ciblait pas les joueurs qui affichent leur croyance ou qui se signent avant un match […] ce sont bien les sportives voilées que vous ciblez […] la lutte contre l’intégrisme a bon dos. Pensez-vous que les talibans soient de fervents supporters du football féminin ? »
Michel Savin s’est quant à lui défendu de jouer sur le contexte électoral. Ce débat, nous l’avons eu, il y a quelques mois, lors de la loi sur les respects des principes de la République (séparatisme), nous avions déjà déposé un amendement sur la laïcité dans le sport ».
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