« Déni démocratique », « inqualifiable » : la nomination de Michel Barnier fait l’unanimité contre elle dans la gauche du Sénat

« Déni démocratique », « inqualifiable » : la nomination de Michel Barnier fait l’unanimité contre elle chez les sénateurs de gauche

Les sénateurs de gauche s’indignent du nom choisi par Emmanuel Macron pour Matignon. Ils dénoncent une « continuité » de la politique menée depuis 2017 et estiment que le président de la République contourne le vote des Français.
Guillaume Jacquot

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L’épilogue ne réjouit pas les bancs de gauche au Sénat, qui rêvaient durant une bonne partie de l’été de Lucie Castets pour occuper Matignon. Après 51 longues journées d’attente, c’est à l’ancien ministre et ex-commissaire européen Michel Barnier (LR) que revient la tâche de composer un gouvernement dans les jours à venir. L’Élysée a annoncé sa décision en début d’après-midi. Un choix sévèrement critiqué dans les groupes de gauche au Sénat.

« Le vote des Français n’a pas été respecté », dénonce Patrick Kanner

« On ne tient pas compte de la sanction des Français, d’une manière ou d’une autre. Leur vote n’a pas été respecté. Le président transgressif et disruptif continue son œuvre. Bernard Cazeneuve était capable d’amener de l’apaisement et du changement. Avec Michel Barnier, je suis sûr du contraire », lâche auprès de Public Sénat Patrick Kanner, le président du groupe socialiste à la chambre haute. Dans le groupe, beaucoup y voient le prolongement des derniers gouvernements. Pour Rachid Temal, Emmanuel Macron a choisi la « continuation de sa politique ». Michaël Weber parle d’un « cadeau d’Emmanuel Macron à la droite et à l’extrême droite dans l’optique de faire perdurer sa politique néolibérale ».

Un sentiment d’amertume chez les socialistes

Au fond, Patrick Kanner n’y voit qu’un « Premier ministre de transition ». « C’est un homme que je connais un peu, un républicain qui ne pose pas de difficultés, mais simplement, il sera dans une logique de collaboration, et non de cohabitation. Le président de la République a nommé un collaborateur, issu d’une des plus petites formations de l’Assemblée nationale. »

Plusieurs socialistes, opposés à la ligne de leur premier secrétaire Olivier Faure, regrettent déjà une faute stratégique de leur famille politique. « Le PS n’a pas soutenu Bernard Cazeneuve, il aura Barnier », applaudit ironiquement la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, deux jours après un vote au bureau national. Même positionnement de la part de sa collègue Marie-Pierre de la Gontrie.

« Macron donne les clefs du pouvoir à Marine Le Pen. La honte ! », s’exclame Guillaume Gontard

La colère face au choix d’un Premier ministre venue de la droite monte également chez les écologistes. « 51 jours pour choisir un Premier ministre de droite et poursuivre la politique d’Emmanuel Macron pourtant rejetée par une très large majorité. Un futur gouvernement qui ne tiendra sa survie que grâce au RN. Macron donne les clefs du pouvoir à Marine Le Pen. La honte ! » s’exclame, sur le réseau X, Guillaume Gontard, le président de groupe. « Emmanuel Macron s’arroge des droits qu’il n’a pas. Un déni démocratique qui encore augmenter la défiance des citoyens à l’égard des politiques », dénonce à son tour Antoinette Guhl. « Une anomalie politique et démocratique. Ce que nous vivons est extrêmement grave », s’emporte Mathilde Ollivier.

« Cette nomination est un scandale démocratique. Sans le front républicain, initié par la gauche, nombre de députés Renaissance ou LR ne seraient pas élus. Et c’est à Marine Le Pen que Macron confie l’arbitrage final du choix du Premier ministre. Inqualifiable ! » s’étrangle Ronan Dantec.

« Un coup de force contre la démocratie, dangereux pour l’avenir de notre pays », selon les communistes

Dans un communiqué, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste Kanaky (CRCE-K) déplore un « coup de force contre la démocratie, dangereux pour l’avenir de notre pays », selon les communistes. « En désignant Michel Barnier, Emmanuel Macron fait le choix d’une orthodoxie libérale que l’ancien commissaire européen symbolise parfaitement », écrivent-ils.

Jointe par Public Sénat, la présidente de groupe Cécile Cukierman s’est montrée plus mesurée que dans le communiqué rédigé en son nom, tout en ne se faisant aucune illusion. « J’attends de voir ce qu’il propose pour répondre à la critique politique que nous traversons. Michel Barnier n’est pas réputé pour être le plus progressiste de notre pays. Jusque-là, il a été l’homme du compromis au service de l’Union européenne, et de fait, de la casse des services publics dans notre pays. Nous jugerons sur les actes. »

Toujours dans les rangs du groupe communiste, Céline Brulin évoque un « hold-up » de la part d’Emmanuel Macron, quand Pierre Ouzoulias parle d’un « terrible coup porté à la démocratie et au peuple français ».

La gauche s’insurge de l’influence du Rassemblement national

Une critique revient aussi souvent dans la bouche des sénateurs de gauche : le fait que le chef de l’État ait arrêté son choix, en fonction de l’attitude du RN. Le député Sébastien Chenu a prévenu qu’il n’y aurait « pas de censure de principe » contre le gouvernement Barnier.

« En nommant un technicien, Emmanuel Macron fait fi de la politique et ouvre la voie à une alliance entre le RN et la macronie. Une nouvelle digue vient de sauter », conclut le sénateur PS Rémi Cardon. « Michel Barnier est désormais placé sous la main mise du RN, à rebours du front républicain qui s’est exprimé. Forfaiture ! » s’écrie le sénateur PS David Ros. « Emmanuel Macron est même prêt pour perpétuer sa politique à ériger le Rassemblement national en arbitre dont dépendra le sort du gouvernement », condamnent les sénateurs CRCE.

Pour Patrick Kanner, « Emmanuel Macron, par sa politique, permet au RN d’être un faiseur de roi. C’est dramatique pour le pays. »

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