Déplacements, dépenses d’énergie : le Sénat aussi s’est engagé sur la voie de la sobriété
Alors qu’Élisabeth Borne a demandé aux administrations un effort important pour réduire la consommation d’énergie, focus sur les engagements pris par le Sénat en la matière. Une feuille de route pour le moins ambitieuse a été adoptée l’an dernier.

Déplacements, dépenses d’énergie : le Sénat aussi s’est engagé sur la voie de la sobriété

Alors qu’Élisabeth Borne a demandé aux administrations un effort important pour réduire la consommation d’énergie, focus sur les engagements pris par le Sénat en la matière. Une feuille de route pour le moins ambitieuse a été adoptée l’an dernier.
Guillaume Jacquot

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Charité bien ordonnée commence par soi-même. À l’heure où les Français sont invités à faire la chasse au « gaspi » énergétique, l’État se devait de donner l’exemple. Élisabeth Borne a adressé ce 25 juillet une circulaire à l’ensemble des membres de son gouvernement, et donc indirectement à l’ensemble des services et des opérateurs de l’État, pour engager « sans délai des mesures d’ampleur » pour réduire la consommation d’énergie et accélérer la transition énergétique.

Les administrations devront faire preuve de « sobriété » et suivre un certain nombre de règles : pas de chauffage au-dessus d’une température de 19 degrés, limitation de l’usage de la climatisation en dessous d’une température intérieure de 26 degrés ou encore extinction de l’éclairage inutile. L’instruction de Matignon appelle également les différents ministères à favoriser l’usage covoiturage et du vélo, ainsi que le passage des flottes de véhicules à très faibles émissions.

Ces mesures s’inscrivent dans la logique du « plan de sobriété » annoncé par Emmanuel Macron le 14 juillet, en pleine période de tensions sur les marchés de l’énergie et surtout d’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire. La séquence sur cette modération énergétique laisse certains membres du Sénat sceptiques. « Ces mesures sont là pour éviter le black-out, je ne vais pas dire qu’elles ne sont pas nécessaires », commente le sénateur Daniel Gremillet (LR). Le parlementaire, qui alerte depuis plusieurs années sur la vulnérabilité de l’approvisionnement en électricité, se focalise surtout sur les choix énergétiques, regrettant notamment la fermeture des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim. « On n’a pas de stratégie énergétique. Elle est faite à la petite semaine alors qu’elle doit s’imaginer à long terme ».

Pour Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste du Sénat, le discours de l’État sur la sobriété est bienvenu. Avec toutefois un regret. « C’est dommage qu’on se pose la question seulement maintenant. La sobriété, on en parle depuis longtemps », grince le sénateur de l’Isère.

Comme tous les acteurs publics, le Sénat a dû se pencher sur son empreinte énergétique. Il s’est engagé plus activement dans cette voie en 2020. Le conseil de questure, l’organe chargé de la gestion des aspects matériels et administratifs de la vie du Sénat, avait missionné en juin 2020 un cabinet spécialisé pour réaliser un diagnostic de l’impact environnemental des activités du Sénat. L’étude avait notamment montré que les émissions de gaz à effet de serre du Sénat avaient baissé de 14 % entre 2007 et 2019. Lors d’une réunion du Bureau du Sénat, fin 2020, la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, présidente de la délégation en charge du développement durable, avait estimé que les actions entreprises depuis le premier bilan carbone donnaient des « résultats encourageants, mais encore insuffisants ».

Le Sénat se fixe un objet de réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2026

Une stratégie a été adoptée en mars 2021, avec deux objectifs. La Haute assemblée vise le « zéro plastique, zéro gaspillage, zéro déchet » et un papier « 100 % responsable » dès 2026, mais surtout une neutralité carbone à l’horizon 2040, soit dix ans plus tôt que l’échéance prévue par la Stratégie nationale bas carbone. Pour atteindre cette deuxième cible, le Sénat prévoit de réduire de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2019, et de compenser les émissions non réductibles par l’acquisition de « crédits carbone », comme le soutien à des programmes forestiers. L’année 2020, forcément à part puisqu’elle a été marquée par les confinements, a représenté une chute de 30 % sur un an des émissions par rapport à 2019.

Le plan d’action sénatorial prévoit des objectifs intermédiaires : une réduction de 20 % en 2023 des émissions de gaz à effet de serre par rapport à celles mesurées en 2020, avant d’atteindre 40 % en 2026. Parmi les grandes familles de mesures concrètes adoptées par le bureau du Sénat figure la rénovation énergétique. L’institution prévoit de faire baisser de 10,5 % la consommation énergétique des bâtiments du Sénat d’ici 2026. À l’échelle nationale, Élisabeth Borne s’est fixé un délai plus serré, en s’engageant « à réduire de 10 % notre consommation d’énergie en deux ans ».

Lors d’une réunion en février, le sénateur (Union centriste) Vincent Capo-Canellas a affirmé qu’une rénovation de l’éclairage et une amélioration de l’isolation thermique des bâtiments étaient engagées. Le Sénat précise également avoir souscrit à une « production de 100 % d’électricité verte » pour le Palais du Luxembourg et les autres bâtiments dépendants.

Le deuxième levier de la stratégie sénatoriale repose sur les déplacements. L’an dernier, le conseil de questure a indiqué qu’il fallait d’abord dans un premier temps, instaurer une « transparence » de l’impact carbone des déplacements pour le travail parlementaire, avant de mettre en place un « budget carbone global » avec une poursuite de la modernisation de la flotte automobile du Sénat, via des achats de véhicules hybrides ou électriques. Le Sénat s’est donné pour objectif de réduire de 40 % leur impact carbone d’ici 2026. Cet hiver, le Bureau a insisté sur la « reconnaissance du télétravail comme modalité d’organisation du travail dans l’administration du Sénat ».

La sénatrice Laurence Rossignol demande un « suivi rigoureux »

Le plus dur commence désormais, avec le respect des objectifs adoptés. L’an dernier, la sénatrice Laurence Rossignol avait rappelé la nécessité « d’instituer un suivi rigoureux par le Bureau, des actions menées », sans négliger « l’empreinte environnementale du numérique ».

Interrogé par Public Sénat, le président du groupe écologiste Guillaume Gontard constate qu’à l’heure actuelle « l’évolution est très lente » et que l’audit sur le bilan carbone du Sénat n’est « pas assez utilisé ». Y compris sur les aspects les plus simples à corriger. « Sur l’usage du plastique, on n’y est même pas tout à fait, on est toujours un peu à la traîne », concède-t-il. Un coup d’œil sur les retransmissions de séances de commission ou d’auditions montre que l’usage de carafes d’eau remplaçant les bouteilles d’eau minérale n’est pas encore systématique. En matière d’efficience énergétique, les enjeux sont différents, reconnaît le sénateur siégeant à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne. « Les coûts pour un bâtiment ancien comme le Sénat sont très importants », souligne-t-il. Fin 2020, Gérard Larcher, le président du Sénat, avait souligné que le Sénat s’était engagé dans une « rénovation de haute qualité environnementale ».

Le combat pour la sobriété énergétique devra être un combat de tous les jours. Ce matin encore, une sénatrice du groupe LR s’est plainte auprès d’un huissier d’un niveau trop froid de la climatisation dans une salle de réunion.

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