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Déploiement d’un service militaire volontaire ? « Le gouvernement s’engage dans cette voie-là », selon Hélène Conway-Mouret

Les propos du chef d’Etat-major des Armées, face au congrès des maires de France, ont fait réagir la classe politique, alors qu’il a appelé les édiles à « préparer leurs populations », à un possible conflit dans quelques années. Son discours a aussi réactivé l’idée d’un déploiement d’un nouveau service volontaire par Emmanuel Macron.
Aglaée Marchand

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Des mots alarmistes selon certains, maladroits pour d’autres, mais qui se voulaient préventifs ? Le discours du chef d’État-major des Armées (CEMA), à l’occasion du congrès des maires mercredi à Paris passe mal. Estimant qu’il faut être prêt à « accepter de perdre ses enfants » face à la menace russe, Fabien Mandon en a affolé plus d’un et provoqué de vives réactions au sein de la classe politique. Pourtant, les sénateurs de la commission des Affaires Étrangères, s’accordent à dire qu’il « faut prendre conscience des risques ». « C’est important que tout le monde se sente concerné par une menace extérieure. On est face à des gens qui sont déterminés, il ne faut donc pas paraître faibles », insiste le sénateur centriste Olivier Cadic. En d’autres termes, « gagner la guerre, avant la guerre », résume le socialiste Rachid Temal.

Du côté du PS, le parti comprend néanmoins les appréhensions et le ton est à la pédagogie : « La réponse, ce n’est pas l’affolement, mais la mobilisation de la nation. Personne ne dit que demain la France va envoyer des troupes sur le terrain mener des guerres, mais il est question de se préparer. Ça ne devrait pas être tabou de dire ça », déroule le sénateur du Val d’Oise. « Ça fait longtemps que les militaires nous annoncent que nous devons être prêts pour un choc militaire, qui pourrait se traduire par une attaque russe sur le front Est de l’Europe », opine sa collègue Hélène Conway-Mouret. « Toutefois, si c’est au rôle du CEMA de partager ses préoccupations, le discours politique ne relève pas de ses fonctions, on pourrait plutôt l’attendre de la ministre des Armées, du Premier ministre ou du président. Aujourd’hui, il y a cette ligne de crête qu’il faut absolument tenir entre faire prendre conscience à la population qu’il y a des sacrifices à faire car la situation est préoccupante, et ne pas tomber dans l’émotionnel où on crée une psychose au niveau national ».

Des inquiétudes se faisaient déjà sentir, à la suite de la publication d’un guide de survie à destination des Français ce jeudi. Ce kit d’urgence, intitulé « Tous responsables », liste les gestes à adopter en cas de situation de crise et recense les différents éléments nécessaires à rassembler pour pouvoir subvenir à ses besoins sur une période de 72 heures. Une plaquette similaire, originaire de Suède, avait été agitée à la tribune du Sénat par Olivier Cadic en mars, lors d’un débat sur l’Ukraine. « J’avais dit à François Bayrou : ‘Je vous laisse évaluer la possibilité de faire circuler un tel document en France’ ». C’est désormais chose faite, le sénateur des Français établis hors de France salue un outil « utile pour que chacun puisse prendre conscience de ce qu’il a à faire, et pour que le pays soit plus résilient ».

« Aujourd’hui, s’impose la nécessité d’avoir une large partie de la population qui soit préparée »

Afin de « préparer les esprits », le gouvernement plancherait sur l’idée d’un service militaire rénové. Le projet serait même déjà sur le bureau du président de la République, selon l’AFP. La veille du 14 juillet, il avait d’ailleurs annoncé vouloir « donner à la jeunesse un cadre pour servir », alors que « notre liberté n’a jamais été aussi menacée ». S’il n’est pas question de revenir au service militaire obligatoire, suspendu par Jacques Chirac en 1996, l’exécutif étudierait la possibilité d’instaurer un système sur la base du volontariat. « Je sais que l’idée tourne, que des équipes y réfléchissent et doivent faire remonter leurs propositions au ministère dans les prochaines semaines », avance le sénateur Rachid Temal (PS). « Certains membres du gouvernement sont assez actifs à l’étranger pour aller voir ce qui est mis en place dans des pays voisins, notamment dans les pays nordiques, en Suède et en Norvège. L’exécutif regarde ce qu’il s’y passe, pour s’en inspirer et en retirer les bonnes pratiques pour nous », poursuit Hélène Conway-Mouret (PS), « c’est encore un peu prématuré aujourd’hui, tant qu’on n’a pas de proposition concrète, mais ce qui est sûr, c’est que le gouvernement s’engage dans cette voie-là, et se faisant, s’inscrit dans un mouvement général au niveau européen ». En Allemagne, signale-t-elle, le Bundestag s’oriente vers un potentiel rétablissement de la conscription. « Le service national universel allait un peu dans le même sens, en termes de sensibilisation et de mobilisation, mais ça n’a pas marché », ajoute l’élue socialiste. Ce dispositif, cheval de bataille d’Emmanuel Macron depuis sa première campagne présidentielle en 2017, avait en effet été épinglé par un rapport de la Cour des comptes en septembre. Dans la foulée, Sébastien Lecornu avait annoncé sa suppression à compter du 1er janvier 2026.

Une telle mesure poserait des « conditions d’efforts de coût », précise le centriste Olivier Cadic, « des soldats doivent être présents pour former des civils, ça demande un gros effort financier et d’engagement des forces ». « Ça nécessite d’être évalué aujourd’hui, c’est quelque chose qui peut prendre plusieurs formes car le monde a évolué, on a besoin de forces dans différents secteurs. Aujourd’hui, s’impose la nécessité d’avoir une large partie de la population qui soit préparée ». Et le service militaire, tel qu’on l’imagine, « ne constitue qu’une partie de l’effort. On pense à des civils qui apprennent à utiliser un fusil, à s’engager sur un bateau, à piloter un drone, mais ça doit aussi être derrière un écran pour affronter le domaine du cyber ».

Une position partagée par le socialiste Rachid Temal qui évoque la question « des chaînes d’approvisionnement et notre capacité à mener des combats sur le plan des nouvelles technologies, y compris dans l’espace ou dans les fonds marins ». Mais temporise : « On ne doit pas comparer cette idée avec celui du service militaire tel qu’on l’a connu, qui s’inscrivait dans une logique de massification pour entasser des civils dans les casernes et aux frontières, ce dispositif doit s’imaginer aujourd’hui pour des activités opérationnelles, pour créer de la valeur ajoutée pour les jeunes et pour la nation ».

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