Avant la commission mixte paritaire sur le budget, les oppositions formulent leurs réserves sur le texte issu du Sénat. Sur le plateau de Parlement Hebdo, l'écologiste Guillaume Gontard dénonce un budget « totalement austéritaire », le député RN, Gaëtan Dussausaye, évoque un « budget de punition sociale ». Néanmoins, le fond des critiques et la position à adopter en cas de recours au 49-3 divergent.
Dérapage du déficit : les moments clés de la mission d’information du Sénat qui étrille les gouvernements passés
Publié le
« Irresponsabilité budgétaire assumée », « Parlement ignoré », « déni collectif »… Dans leur rapport, les mots des sénateurs de la commission des finances sont durs pour qualifier la responsabilité des précédents gouvernements dans la dégradation des finances publiques du pays.
Pour parvenir à ces conclusions, la mission d’information menée par le sénateur LR Jean-François Husson et le sénateur socialiste Claude Raynal a auditionné des anciens ministres et Premiers ministres d’Emmanuel Macron. Des travaux lancés en mars dernier, conclus quelques jours après la dissolution, puis repris au mois de novembre.
20 mars : un article des Echos met le feu aux poudres
« L’exécutif craint un déficit à 5,6 % du PIB en 2023, Emmanuel Macron sonne l’alarme », titre Les Echos le 20 mars dernier. Une semaine avant que l’Insee ne dévoile ses chiffres, le quotidien économique révèle en exclusivité un niveau de déficit bien supérieur aux 4,9 % du PIB attendus.
Mécontents d’apprendre ces informations cruciales par voie de presse, le rapporteur général et le président de la commission des finances organisent dès le lendemain un « contrôle sur pièces et sur place » au ministère de l’Economie. Jean-François Husson et Claude Raynal reviennent de leur visite surprise avec plusieurs notes, produites par les services de Bercy sur les six derniers mois, qui montrent que le gouvernement a été alerté de la situation dès le mois de décembre. Lors d’une conférence de presse, le sénateur LR épingle une « gestion budgétaire calamiteuse » et dénonce la « rétention d’information » du gouvernement. Suite à ces découvertes, le 27 mars, la commission des finances lance officiellement sa mission d’information.
30 mai : dans une première audition, Bruno Le Maire rejette les accusations de « dissimulation »
Après avoir entendu le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici et le ministre chargé des Comptes publics Thomas Cazenave, la mission d’information auditionne Bruno Le Maire. « Jamais, jamais, jamais je n’accepterai qu’on m’accuse de dissimulation dans mes fonctions », martèle alors le ministre de l’Economie et des Finances.
Sur la défensive, le ministre affirme avoir mené son travail avec « sincérité, honnêteté, vérité et responsabilité », assumant de ne pas avoir informé les parlementaires des notes alarmantes de Bercy. « Il faut changer ce ton péremptoire », lui répond alors le président de la commission des finances Claude Raynal. C’est par cet échange très tendu que se termine cette première vague d’auditions de la mission d’information.
13 juin : dans un premier rapport, la commission épingle « l’imprudence » et la « rétention d’informations » du gouvernement
Après deux mois et demi d’audition et d’études des notes du ministère de l’Economie, Jean-François Husson et Claude Raynal rendent leurs conclusions. Publiées moins d’une semaine après le coup de tonnerre de la dissolution, celles-ci passent relativement inaperçues, elles n’en sont pas moins sévères à l’égard du gouvernement.
Les sénateurs accusent le gouvernement d’avoir été « imprudent » dans ses prévisions de recettes pour l’année 2024, largement surestimées lors de l’élaboration du projet de loi de finances. Au-delà de ces mauvais calculs, la mission d’information pointe également la « procrastination coupable » du gouvernement, qui n’a pas tenu compte des alertes de l’administration de Bercy sur la dégradation des comptes publics. Dès le 7 décembre 2023, les services du ministère anticipaient un déficit de 5,2 % du PIB au lieu des 4,9 % prévus.
Enfin, les sénateurs dénoncent l’« opacité budgétaire » et la « rétention d’informations » du gouvernement durant toute cette période. Parmi les 15 recommandations du rapport, la commission des finances demande ainsi un renforcement de la transparence et une meilleure information du Parlement, pour qu’il puisse mener à bien sa mission de contrôle.
7 novembre : « Il n’y a eu ni faute, ni volonté de tromperie », répète Bruno Le Maire lors de sa deuxième audition
Dans le projet de loi de finances pour 2025, le déficit public s’établit à 6,1 %. Un nouveau dérapage qui pousse la commission des finances à rouvrir sa mission d’information, pour faire la lumière sur le rôle de chacun dans la dégradation des finances publiques toujours en cours. Pour relancer leur mission, les sénateurs décident donc d’entendre de nouveau Bruno Le Maire. Comme lors de son premier passage devant la commission des finances au mois de mai, il assure qu’ « il n’y a eu ni faute, ni dissimulation, ni volonté de tromperie ».
C’est sur un autre sujet que l’ancien ministre se livre davantage. Bruno Le Maire affirme avoir soutenu, au printemps dernier, le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative (PLFR), permettant au Parlement de débattre sur les nouvelles mesures à prendre pour redresser la barre. Le rejet de cette idée par l’exécutif, quelques semaines avant les élections européennes, interroge les sénateurs. Les intérêts électoraux ont-ils joué dans cette décision ? « La réponse est à demander à ceux qui ont pris l’arbitrage », évacue Bruno Le Maire.
8 novembre : face à face sous haute tension entre Gabriel Attal et les sénateurs
L’audition de l’ancien Premier ministre est attendue avec impatience. La veille, en renvoyant les sénateurs à « ceux qui ont pris l’arbitrage » sur la question du PLFR, c’est bien vers Gabriel Attal que Bruno Le Maire a dirigé tous les regards. Devant les sénateurs, l’ex-chef de l’exécutif assume d’avoir rejeté l’idée d’un PLFR en accord avec le président de la République. Pour autant, Gabriel Attal rejette tout impact des élections européennes sur cette décision.
L’audition se déroule dans un climat extrêmement tendu. À plusieurs reprises, le ton monte entre Gabriel Attal et Jean-François Husson. « Ça part en sucette. C’est une forme d’indigence et un manque de rigueur dans la tenue de nos comptes », lance le rapporteur général du budget en pointant du doigt les cinq milliards d’euros de dépenses supplémentaires en 2024, malgré le dérapage du déficit. « Est-ce que les dépenses de l’Etat ont dérapé en 2024 ? », l’interroge l’ancien Premier ministre avec insistance, inversant quelque peu les rôles.
19 novembre : dans son second rapport, le Sénat pointe la responsabilité de Bruno Le Maire, Gabriel Attal, Elisabeth Borne et Emmanuel Macron
Après avoir auditionné Elisabeth Borne le 15 novembre, la mission d’information rend un second rapport, intitulé « Une irresponsabilité budgétaire assumée, un Parlement ignoré ». Les sénateurs mettent en cause les deux gouvernements précédents, ainsi qu’Emmanuel Macron, les jugeant responsables de la situation budgétaire. « Le gouvernement connaissait l’état critique des finances publiques dès décembre 2023, il aurait dû réagir vigoureusement et il ne l’a pas fait », dénoncent-ils.
Au sujet du PLFR, les sénateurs persistent et signent : la décision de ne pas déposer de texte au Parlement est liée à des motifs électoraux. « Le plus probable est que le refus de déposer un PLFR ait procédé de calculs à courte vue afin d’éviter, d’une part, de prendre des mesures difficiles à l’approche des élections européennes et, d’autre part, la menace d’une éventuelle motion de censure », soutient le rapport.
Cette fois-ci, le rapport a davantage d’écho. Le jour même de sa publication, Bruno Le Maire, Gabriel Attal, Elisabeth Borne et Thomas Cazenave organisent une conférence de presse téléphonique pour étriller le travail du Sénat. « Ce n’est pas un rapport, c’est un réquisitoire d’opposants politiques, truffé de mensonges, d’approximations et d’affirmations spécieuses », fustige l’ancien ministre de l’Economie.
Désormais, c’est devant l’Assemblée nationale que les anciens ministres devront rendre des comptes. De leur côté, les députés de la commission des finances ont décidé, le 16 octobre dernier, de lancer leur propre commission d’enquête sur la dégradation des finances.
Pour aller plus loin