Invitée de la matinale de Public Sénat, la ministre du logement, Valérie Létard est revenue sur les ambitions du gouvernement en la matière. L’ancienne sénatrice veut faire de son portefeuille un sujet de consensus, au risque d’avancer de manière incertaine.
Dérives des médecins intérimaires : certains hôpitaux pourraient fermer leurs portes
Par Audrey Vuetaz
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Les portes automatiques restent fermées, les lumières sont éteintes. L’unité d’accueil de premiers soins ne reçoit plus aucune urgence à l’hôpital de Château-Chinon. « Actuellement, on n’a pas suffisamment de médecins pour assurer ce service. La population est invitée à se rapprocher de son médecin traitant, ou du 15 ou d’un autre établissement de soins… On en profite pour faire des travaux dans cette unité, » explique Arnaud Bernard, directeur délégué des Centres hospitaliers du Morvan.
Depuis l’été 2020, les trois médecins titulaires de l’hôpital sont successivement partis pour des raisons personnelles et il n’y a eu depuis aucun candidat pour prendre leur suite.
« Château-Chinon est située dans un territoire très rural dans la partie Est de la Nièvre. On a une difficulté sur ce territoire, de vieillissement de la population générale mais aussi de vieillissement de la population des médecins qui partent en retraite. Ce qui fait qu’aujourd’hui on est sur un territoire où l’on manque de médecins à la fois en ville et dans les établissements hospitaliers. »
Pour garder ses services ouverts au maximum, le directeur doit faire appel à des intérimaires. Des médecins remplaçants qui viennent des départements à côté voire de l’autre bout de la France et qui interviennent ponctuellement à l’hôpital. Il y en a trois pour les trois grands services.
Pour les pousser à faire des centaines de kilomètres, le directeur est contraint de mettre la main au portefeuille. « Si on veut convaincre un médecin de Marseille, de Lyon de venir dans le Morvan, s’il trouve chez nous la même rémunération qu’il trouverait au pied de sa porte, il n’a aucune raison de venir. On est obligés de donner plus, de façon à compenser le fait qu’il va être obligé de quitter son territoire et de venir chez nous. »
Des mercenaires qui se font offrir des billets pour des parcs d’attractions
Le problème c’est que cela a donné lieu à des dérives un peu partout en France, avec l’apparition de médecins « mercenaires ». Des professionnels de santé qui refusent d’être intégrés ou qui ont quitté leur poste à l’hôpital public pour papillonner d’établissements en établissements, selon le plus offrant. Il arrive donc que des médecins urgentistes soient payés 1600 euros pour une garde de 24 heures.
« Certains en ont même fait une spécialité. Ils acceptent des gardes sur le papier, ce qui nous permet de rentrer dans les clous, mais ce sont les soignants qui font tout le travail à leur place. D’autres font du chantage et demandent qu’on leur paye des vacances dans des parcs d’attractions, sans quoi ils refusent de venir », confie un autre directeur d’hôpital sous couvert d’anonymat.
A l’hôpital de Château-Chinon ; le directeur le concède, il a pu lui aussi participer à une forme de compétition avec les autres hôpitaux de la région. « S’il y a un établissement qui est à trente minutes de chez moi et qu’un médecin vient me dire j’aimerais bien travailler pour vous mais à côté on me propose 50 euros de plus’, je vais nécessairement être enclin à dire, écoutez, moi je m’aligne et je vous donne 50 euros aussi pour que vous veniez travailler chez moi. A force de faire ça les uns les autres, on arrive à faire monter les tarifs ».
Pour lutter contre ces dérives, la loi Rist doit encadrer les rémunérations des intérimaires. Elle aurait dû être strictement appliquée le 27 octobre dernier, elle est finalement repoussée à l’an prochain.
A Château-Chinon, les intérimaires qui sont payés aujourd’hui entre 590 et 650 euros en moyenne pour une vacation de huit heures, recevront une rémunération de 390 euros maximum, soit une perte de 66 % de leur salaire. Tous ont déjà décliné l’offre.
« J’ai tenté de sonder les intérimaires avec lesquels je travaille, je leur ai proposé un contrat permanent et la réponse a été unanime, tous m’ont répondu, « oui ça m’intéresse mais le contrat que vous me proposez c’est le même que celui qu’on me proposerait là où j’habite je vais prendre celui, là où j’habite, je ne vais pas venir à 300 km de chez moi pour avoir la même chose ». Tous ne viendront plus ici faire de l’intérim. Je vais donc avoir l’obligation légale de fermer les services l’an prochain. »
La Nièvre, un territoire déjà sous doté en matière de santé
La mairie de Château-Chinon Ville parle d’un scandale. « Pour les gens, c’est effectivement une catastrophe, lance Jean-Max Glorifet, l’adjoint en charge de la santé, s’il n’y a plus ça, ils iront gonfler les autres hôpitaux de la région qui sont aussi en difficultés. Car il ne faut pas se leurrer, les autres établissements du coin travaillent aussi avec beaucoup d’intérim. »
Pour l’adjoint au maire, l’égalité des chances en matière de santé est rompue car la Nièvre est un territoire déjà sous doté. « C’est un département où les indicateurs de santé sont les plus mauvais, avec une surmortalité liée à l’alcoolisme, une surmortalité liée aux cancers, une surmortalité liée aux dépressions et aux suicides, une sous natalité, donc on a des handicaps très importants pour la population. » A cela s’ajoute un manque criant de pompiers volontaires, en cas d’urgence, la situation peut rapidement devenir dramatique.
Jean-Max Glorifet demande une revalorisation du salaire des médecins de l’hôpital public « qui peuvent être trois fois moins bien rémunérés que dans le privé ». Il demande aussi à l’Agence régionale de santé Bourgogne Franche-Comté de prendre des dispositions.
En finir avec le chantage sur les hôpitaux vulnérables
Contactée, l’ARS se félicite que la loi Rist permette enfin d’en finir « avec ce chantage permanent qui s’exerce sur les hôpitaux les plus vulnérables. Un intérimaire ne pourra plus prétendre avoir trouvé une rémunération supérieure dans un autre hôpital. »
Et de préciser que l’entrée en vigueur de la loi sera accompagnée par la mise en place d’une prime de solidarité territoriale valorisant les renforts de praticiens hospitaliers au bénéfice d’hôpitaux qui en ont besoin. « Le niveau de cette prime sera très attractif et pourra même être modulé à la hausse sur décision du Directeur général », complète l’ARS. L’objectif : donner des chances à la Nièvre, d’attirer de nouveau médecins.
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