Dernière ligne droite pour le projet de loi bioéthique et la PMA

Dernière ligne droite pour le projet de loi bioéthique et la PMA

Près de deux ans après le début des débats parlementaires, le projet de loi bioéthique approche du terme de son examen. Une nouvelle lecture en séance a lieu à l’Assemblée à partir de ce lundi, et le 24 juin au Sénat. Les points de désaccords entre députés de la majorité et la droite sénatoriale restent profonds.
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C’est un long parcours parlementaire, ralenti par les textes d’urgence sanitaire, qui est en voie de s’achever. L’examen du projet de loi bioéthique, qui prévoit notamment l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, revient au Parlement cette semaine avec une nouvelle lecture à l’Assemblée. Rare texte du quinquennat à ne pas avoir fait l’objet d’un examen en procédure accélérée, la réforme avait connu depuis l’automne 2019 deux lectures dans les deux assemblées.

L’Assemblée nationale et le Sénat, où l’opposition de droite est majoritaire, n’ont pas pu surmonter leurs profonds désaccords le 17 février, lors de la commission mixte paritaire, d’où la nouvelle lecture qui débute en séance à l’Assemblée nationale ce 7 juin. Le Sénat, lui, sera saisi le 24 juin, avant une ultime lecture à l’Assemblée nationale. Le projet de loi devrait être définitivement adopté en juillet, avec une publication rapide des textes d’application rapide. La ministre Marlène Schiappa espère voir les premières femmes enceintes « à partir de la rentrée », concrétisant ainsi la promesse présidentielle d’Emmanuel Macron. Malgré les divergences entre les deux assemblées, la mesure fait l’objet d’un large soutien dans l’opinion. Selon un sondage Ifop réalisé pour l’association des familles homoparentales, publié ce 7 juin, 67 % des personnes interrogées sont pour l’extension de la PMA aux couples de femmes ou aux femmes seules.

Lorsque le texte était revenu au Sénat en février 2021, l’extension de la PMA avait été retirée du texte, au terme d’une séance confuse. Un an plus tôt, en janvier-février 2020, l’extension de la PMA avait pourtant été adoptée d’une courte majorité par les sénateurs lors de la première séance sur le texte, avec dix voix d’écart entre les pour et les contre. Le texte avait bousculé les clivages et la majorité sénatoriale de droite et du centre s’était montrée divisée sur le texte. Celle-ci avait toutefois limité le remboursement par la Sécurité sociale aux seuls cas d’infertilité, excluant de fait les couples de femmes.

L’ombre de la présidentielle

Loin de se limiter à la PMA, le projet de loi comporte également une réforme de la filiation et de l’accès aux origines. Il aborde également le sujet de l’autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Lors des derniers débats, le Sénat s’était opposé à la création d’embryons chimériques (mélange de cellules humaines et de cellules animales pour la recherche) et avait encadré les recherches sur les cellules souches. Sur le sujet de la filiation ou des origines, là aussi les désaccords ont été très sensibles entre les deux chambres puisque la haute assemblée avait refusé la levée systématique de l’anonymat des donneurs de gamètes ou encore interdit la transcription complète à l’état civil d’enfants nés d’une GPA (gestation pour autrui) à l’étranger.

Autre divergence symbolique de taille entre députés et sénateurs : un article introduit par le Sénat lors des débats a été supprimé en commission spéciale à l’Assemblée nationale, la semaine dernière. « Il n’existe pas de droit à l’enfant », spécifiait-il.

A moins d’un an de l’élection présidentielle, le débat parlementaire sur ces questions de bioéthique et parfois sociétales s’annonce vif. A l’Assemblée nationale, la droite a déposé plusieurs centaines d’amendements. Fin mai, 80 parlementaires membres des Républicains avaient appelé l’exécutif à surseoir à un nouvel examen du texte, dans une tribune publiée dans La Croix. Face à « l’embouteillage législatif de juin, l’exécutif fait ainsi preuve d’une absence catastrophique de sens des priorités et des responsabilités », dénonçaient les signataires, parmi lesquels Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, et par ailleurs candidat au sein de LR pour une investiture à la présidentielle. Accusant le gouvernement de vouloir « passer en force » sur ce projet de loi et de faire « fi du travail du Sénat », la droite appelle à « prendre le temps » et espère plutôt un « vrai débat démocratique en 2022 ».

Autant de tensions que n’appréciera probablement pas le président du Sénat, attaché à faire peser autant que possible la voix de son institution dans les textes. En février, Gérard Larcher avait exprimé son regret après la disparation de la PMA du texte lors de la seconde lecture au Sénat, alors que la version sortie de la première lecture était, selon lui, « équilibrée ». Le Sénat a « laissé passer la chance d’améliorer le texte », avait-il souligné lors d’une conférence de presse.

A gauche, le médecin Bernard Jomier, l’une des figures du groupe socialiste au Sénat sur le projet de loi bioéthique, ne se fait guère d’illusions sur la teneur des débats au Sénat, pour un troisième retour de la loi. Déplorant que la commission mixte paritaire ait été « expédiée en cinq minutes », il estime qu’à l’avenir les lois de bioéthique devront être mieux préparées. Leur contenu ne devrait pas être déterminé « par la seule volonté du gouvernement et par un agenda politique », selon lui.

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