Le résultat imprévisible de la présidentielle, avec l'absence possible du second tour des deux partis dominants depuis 40 ans, ouvre tous les scénarios pour les législatives de juin, y compris l'absence de majorité dans une Assemblée nationale profondément renouvelée.
Pour ce scrutin dans l'élan de la présidentielle, les données étaient habituellement simples: les Français accordaient au nouveau président une majorité pour gouverner. Et le mode de scrutin, majoritaire à deux tours, favorisait le principal parti de chaque camp.
En l'absence de proportionnelle, les petits partis n'entraient au Parlement que par une alliance avec les grands ou/et la résistance de bastions. Isolé, le Front national, présent dans 61 circonscriptions au second tour, n'a eu que deux élus en 2012.
A trois mois du scrutin des 11 et 18 juin, ce scénario "classique" reste possible en cas de victoire de François Fillon, suivie d'une majorité LR-UDI, qui a scellé une alliance dans plus de 90% des 577 circonscriptions.
Le candidat de la droite l'affirme: "Si je suis élu, j'aurai une majorité parlementaire, ce qui ne serait le cas ni pour M. Macron, ni pour Mme Le Pen".
L'hypothèse, actuellement dominante dans les sondages, d'une élection d'Emmanuel Macron face à Marine Le Pen provoquerait une configuration inédite à l'Assemblée.
"Dans un système à quatre partis - PS, LR, En Marche! et FN -, il y aura des élections où ça se jouera à rien: un peu d'implantation plus ou moins forte, un peu de tendance nationale... Donc, la majorité, c'est un truc de fou. Le risque, c'est d'avoir les institutions de la Ve avec le fonctionnement de la IVe", craint un ministre.
Persuadé qu'aucun président n'aura de majorité "uniquement avec son parti", M. Macron défend déjà "une majorité de coalition pour gouverner".
Soucieux de ne pas apparaître comme un Hollande bis, l'ancien ministre n'entend pas servir de "maison d'hôtes" socialiste. Mais les investitures d'En Marche! pourraient finalement n'être attribuées qu'après la présidentielle, pour laisser place à d'éventuels partenaires.
Il a promis une moitié "de nouveaux candidats" issus de "13.000 CV" reçus, l'autre moitié pour des élus "de gauche, du centre et de droite".
- La participation, facteur clé -
A gauche, le PS, fracturé entre partisans et détracteurs de Benoît Hamon, finalise un accord avec EELV, qui reconduit les écologistes sortants et leur laisse la main dans les circonscriptions de socialistes passés chez En Marche! Un accord avec les radicaux de gauche est validé, même si ces derniers sont divisés sur Macron.
Le PS espère peser même en cas de défaite de son candidat à la présidentielle. "Aux législatives, la notoriété locale, ça joue. Des gens me disent qu'ils voteront utile pour Macron, mais pour moi en juin", témoigne Michel Pouzol, député PS hamoniste de l'Essonne.
En cas de victoire d'Emmanuel Macron, les risques d'éclatement du PS sont grands. Manuel Valls se voit déjà conduire "la gauche de responsabilité" au sein d'une "coalition à la française".
Autre incertitude: l'arrivée de députés FN, massive si Marine Le Pen l'emportait mais probablement déjà conséquente si elle était au second tour et la droite absente.
La participation sera aussi un facteur clef du scrutin car il faut 12,5% des électeurs inscrits pour accéder au second tour.
Si la participation (57% nationalement en 2012) était faible et ne dépassait pas 50% dans certaines circonscriptions, il faudrait au moins 25% des voix pour ne pas être éliminé.
Le FN pourrait dépasser ce seuil, ce qui serait plus difficile pour une gauche fragmentée.
Alors que le Front de gauche n'est pas assuré de maintenir son groupe, des communistes sortants vont peut-être affronter des candidats de La France insoumise malgré le soutien du PCF à Jean-Luc Mélenchon...
Avec le premier tour de la présidentielle, "le 23 avril, tout va exploser. Partis et élus vont se poser des questions sur le maintien de certaines candidatures", prédit un élu communiste.
Quelle que soit sa couleur, l'Assemblée connaîtra un profond renouvellement.
Près de 150 députés jettent l'éponge, dont 84 PS et 45 LR. En cause, l'âge, un certain désarroi post-quinquennat ou la nouvelle loi sur le non-cumul des mandats.