Des communistes à LR, les suppressions de postes chez Sanofi « choquent » au Sénat

Des communistes à LR, les suppressions de postes chez Sanofi « choquent » au Sénat

L’annonce de la suppression de 400 postes dans la branche recherche du groupe pharmaceutique française est accueillie avec plus ou moins de colère chez les sénateurs. Plusieurs réclament des explications, aussi bien au laboratoire qu’au gouvernement.
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Une entreprise pharmaceutique, l’un des principaux acteurs mondiaux du secteur, qui s’apprête à licencier en pleine pandémie, l’annonce a de quoi surprendre. Si le projet de suppression de plusieurs centaines de postes était en gestation depuis des mois chez Sanofi, le plan de la direction dans ses détails interroge. Selon France Inter, qui publie l’information ce 18 janvier 2021, l’entreprise a annoncé aux syndicats que 400 postes dans la recherche et le développement (R & D) allaient être supprimés en France.

En juin, la direction avait annoncé la disparition de 1 700 postes en Europe. Le plan de départs volontaires concernerait un millier de postes en France. Pour la puissance de leur branche R & D, la dégringolade est très marquée ces dernières années. Selon les syndicats, ses effectifs ont fondu de moitié en treize années, et s’apprêtent à passer sous la barre des 3 000 salariés. La stratégie du nouveau directeur général arrivé il y a un peu plus d’un an, Paul Hudson, interroge.

Contacté par Public Sénat, le sénateur Jean-François Rapin (LR) accuse le coup, même si la réduction de la voilure était attendue. « Cette nouvelle est assez décevante, et c’est un peu paradoxal avec cette volonté en France d’accentuer la recherche dans le domaine sanitaire », explique le rapporteur thématique de la mission recherche du budget.

Le rapporteur au Sénat du budget de la recherche veut entendre le groupe Sanofi

Face à cette décision, probablement le fruit de « quelques erreurs stratégiques » en amont, le sénateur du Pas-de-Calais cherche à comprendre, et à « éclaircir la situation ». Demain, il pourrait suggérer en réunion de groupe d’interpeller le gouvernement sur le sujet, lors des prochaines questions d’actualité. « Cette décision ne tombe pas comme ça. Elle était plus ou moins prévisible. L’échéance arrivant, il y a dû y avoir des échanges avec le gouvernement », considère-t-il. En vertu de ses pouvoirs de rapporteur des crédits de la mission recherche, le sénateur entend également obtenir des explications de la part de Sanofi. « Je peux, en tant que rapporteur, auditionner le groupe pour comprendre ce qu’il se passe », annonce-t-il.

A la commission des affaires sociales, la sénatrice LR Christine Bonfanti-Dossat se dit « choquée » par l’annonce, tout en indiquant que le scénario, dans ses grandes lignes, était connu l’an dernier. « Nous avions auditionné des syndicats chez Sanofi. On nous avait avertis de ce qu’il se passait, à savoir que certains médicaments n’étaient plus favorisés, car n’étant plus assez rentables », se remémore-t-elle. La sénatrice du Lot-et-Garonne, une terre importante dans l’industrie pharmaceutique en France, juge que l’annonce des suppressions de postes intervient à un moment déjà délicat pour le groupe, en termes d’image. Sanofi a en effet pris un retard fâcheux dans la course au vaccin contre le covid-19. « Tout cela ne va pas arranger la situation, qui est déjà préoccupante », réagit-elle.

« Des actes malhonnêtes et scandaleux », pour la communiste Laurence Cohen

Au groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), les prises de position se sont multipliées ces derniers mois sur les annonces de suppression de postes dans le groupe pharmaceutique. Lors des dernières questions d’actualité, le 13 janvier dernier, la sénatrice du Val-de-Marne, Laurence Cohen avait interpellé le gouvernement sur les retards dans la vaccination et ce qu’elle nomme le « scandale » Sanofi. Ce lundi, la sénatrice se souvient encore avec colère du commentaire du Premier ministre. « C’est une sorte de disque », avait répliqué Jean Castex. « Sauf que les propos s’avèrent exacts », réagit ce lundi la sénatrice. « Le gouvernement ferait mieux d’écouter les communistes, quand ils dénoncent des actes malhonnêtes et scandaleux […] Il est dans le déni. Il préfère se moquer de nous en disant qu’on affabule. Ce gouvernement défend les intérêts des plus gros et ne veut pas déplaire aux grands laboratoires pharmaceutiques. »

La sénatrice en veut également au reste de l’hémicycle au Sénat, qui a refusé début décembre, sa proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament. « La droite a refusé de voter pour, le PS s’est abstenu. Il faut que ces forces politiques réfléchissent un peu », s’exclame Laurence Cohen. Les communistes estimaient que leur texte était dans l’air du temps, au moment où les grands laboratoires suscitent la défiance chez une partie de la population et où plusieurs figures politiques appellent à relocaliser les activités stratégiques en France (relire notre article).

« Ils reçoivent de l’argent mais en face, ils se distribuent les bénéfices »

Au sein du groupe majoritaire au Sénat, certains soulignent que la proposition aurait mérité plus qu’une proposition de loi. « C’était une bonne idée mais peut-être un peu prématurée. Il faudrait la travailler de manière plus importante », estime Christine Bonfanti-Dossat. « L’appel fait par le groupe CRCE est respectable, mais cela dépend plus d’un projet de loi, avec une étude d’impact », appuie également Jean-François Rapin.

Mais les différentes familles du Sénat pourraient s’accorder sur autre chose : une plus grande sévérité à l’égard des groupes bénéficiant d’aides publiques. « Donc Sanofi, qui a perçu entre 120 et 150 millions par an de crédit d’impôts recherche et du CICE, licencie 400 chercheurs, alors que les actionnaires empochent 4 milliards de dividendes. Cette situation est inacceptable », s’est indignée sur Twitter, la sénatrice (Union centriste) Nathalie Goulet. Le Républicain Jean-François Rapin n’en pense pas moins. La décision de Sanofi « nécessite de réfléchir sur la conditionnalité des aides », selon lui. « On peut aujourd’hui se poser des questions sur la façon dont ces fonds peuvent être utilisés et doivent être rendus si les contrats ne sont pas respectés. » Sa collègue Christine Bonfanti-Dossat partage cette réflexion sur les contreparties. « Ils reçoivent de l’argent mais en face, ils se distribuent les bénéfices au détriment des emplois. »

Pour la sénatrice du Lot-et-Garonne, il est aussi urgent que le gouvernement se penche sur le déficit de compétitivité entre les laboratoires français et européens. « Le gouvernement n’apporte pas de réponses. On joue la politique de l’autruche », regrette-t-elle. Au risque que le « savoir-faire français disparaisse » petit à petit.

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