Paris: Debat reforme des retraites au Senat

Des rapports « apaisés », mais pas « exceptionnels » : un an de relations entre l’exécutif et le Sénat

Alors que la première année du quinquennat d’Emmanuel Macron s’achève, l’heure est au bilan. La nouvelle configuration parlementaire a permis au Sénat de rééquilibrer ses relations avec le gouvernement. Mais si les ministres sont plus à l’écoute et que le Sénat a retrouvé son rôle de « stabilisateur », les relations entre la Macronie et le Sénat ne sont pas au beau fixe pour autant.
Louis Mollier-Sabet

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Le résultat inédit, depuis la mise en place du quinquennat, des élections législatives de juin 2022 a changé beaucoup de choses dans la vie politique française. La majorité relative obtenue par Emmanuel Macron, l’entrée de 88 députés Rassemblement national à l’Assemblée, et une alliance des groupes parlementaires de gauche ont bouleversé les us et coutumes parlementaires. Même le groupe de centre droit LIOT a fini par se retrouver en guerre ouverte contre la Macronie à cause de sa proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites, des clivages inenvisageables il y a encore un an. Mais à la Chambre haute aussi, les répercussions politiques de mai-juin 2022 se font sentir.

En minorité à l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle a besoin du Sénat

La nouvelle composition de l’Assemblée nationale oblige l’exécutif à composer avec les LR de l’Assemblée d’abord, mais aussi – par extension – la majorité sénatoriale de droite et du centre. Sous le quinquennat précédent, le gouvernement pouvait passer outre un vote du Sénat et réécrire la version de la chambre haute en commission mixte paritaire et en nouvelle lecture, l’Assemblée ayant le dernier mot en cas de désaccord. Mais le 19 juin 2022, cet âge d’or du macronisme parlementaire triomphant s’est éteint. Les voix de LR étant nécessaires à l’Assemblée pour faire passer les textes, il devenait difficile pour la majorité présidentielle – minoritaire – d’ignorer les positions de la droite sénatoriale, sous peine de se retrouver sans majorité pour avoir le « dernier mot » à l’Assemblée.

Ce rééquilibrage s’observe aussi dans l’instance de conciliation entre députés et sénateurs : la commission mixte paritaire. Une fois qu’il a été examiné à l’Assemblée et au Sénat et si les deux chambres ne l’ont pas voté dans les mêmes termes, un texte de loi passe en « commission mixte paritaire. » Celle-ci réunit sept députés et sept sénateurs qui peuvent soit se mettre d’accord sur une version commune, soit renvoyer le texte à l’Assemblée qui doit statuer définitivement. Les présidents de commission et les rapporteurs y siègent généralement, puis sont désignés des parlementaires selon les équilibres politiques des deux chambres. Depuis un an, la majorité présidentielle ne compte plus que cinq membres en commission mixte paritaire, à égalité avec LR, alors que la gauche envoie trois représentants et le RN un seul député. Lors de la CMP sur la réforme des retraites, par exemple, quatre parlementaires Renaissance et un MoDem avaient représenté la majorité présidentielle, pour quatre parlementaires LR, un centriste, deux socialistes, un LFI et un RN.

Composition d’une CMP

14 parlementaires :

  • 5 Ensemble (4 députés + 1 sénateur)
  • 5 LR (4 sénateurs + 1 député)
  • 3 Nupes (2 sénateurs + 1 député)
  • 1 député RN

« Ce sont deux droites différentes, mais c’est la droite »

Un changement dans les rapports de force parlementaires qui a eu des conséquences sur les relations entre l’exécutif et la Chambre haute, le gouvernement travaillant plus en amont avec la majorité sénatoriale, mais pas seulement. « Sur le plan formel, il y a eu une volonté de dialoguer avec tous les présidents de groupe », témoigne Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, qui regrette tout de même l’absence d’implication d’Emmanuel Macron dans le dossier. « J’ai vu la Première ministre à de nombreuses reprises, et depuis un an les ministres n’hésitent pas à nous solliciter quand ils ont des priorités à faire passer. J’en ai reçu plusieurs au Sénat, ce n’était pas le cas lors du quinquennat précédent. C’est une démarche positive », poursuit-il.

Du côté de l’opposition de gauche, on voit donc une « vraie évolution sur le plan formel », en revanche, « il n’y a rien de plus », tempère Patrick Kanner. « L’axe et la colonne vertébrale politique du gouvernement, c’est la droite. Ce sont des droites différentes mais ça reste la droite », analyse le président du groupe socialiste qui cite notamment le dossier bouillant de l’année : la réforme des retraites. « L’alliance sur ce texte a été extrêmement visible au Sénat, c’était vraiment le point d’orgue d’un vrai débat droite – gauche, mais on n’a pas été étonné. On savait que la majorité serait d’une totale soumission au gouvernement et réciproquement », résume le président du groupe socialiste.

« On sait qu’il n’y a qu’un chef et que c’est à l’Elysée que ça se passe »

Du côté de la majorité sénatoriale, on ne voit pas exactement les choses de la même façon. « À en voir le dernier remaniement, on ne peut pas dire que le Sénat ait marqué durablement. Pour l’exécutif, le gouvernement c’est l’Assemblée nationale », note Hervé Marseille, président du groupe centriste. D’après lui les relations sont certes « apaisées » entre le Sénat et l’exécutif, après un premier quinquennat marqué par la commission d’enquête Benalla, mais elles sont loin d’être « exceptionnelles. » La situation politique étant ce qu’elle est, « l’exécutif est obligé de tenir compte du Sénat, parce qu’il ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée, et qu’il existe un pôle de stabilité qui s’appelle le Sénat », détaille le président du groupe centriste.

Ainsi, si les ministres fréquentent un peu plus les bureaux des présidents de groupe, « c’est qu’ils n’ont pas trop le choix », plaisante Hervé Marseille, avant d’ajouter : « Et surtout, ce n’est pas pour ça que l’on est entendus. » Là où le Sénat « joue un rôle », d’après lui, c’est parce que c’est la chambre où le gouvernement peut « travailler avec une majorité claire » et « stabiliser les textes. » « D’autant plus que le groupe centriste peut parfois modérer certaines fulgurances du groupe LR », glisse le président du deuxième groupe de la majorité sénatoriale. En tout état de cause, ce n’est pas vraiment ni au gouvernement, ni au Parlement que les choses se décident, que l’on soit de la majorité ou de l’opposition. « On sait qu’il n’y a qu’un chef et que c’est à l’Elysée que ça se passe », lâche Hervé Marseille. D’une certaine façon, tout le monde est logé à la même enseigne.

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