Paris: Designation Bureau Assemblee Nationale

Destitution : la procédure lancée par LFI va-t-elle pour la première fois passer le filtre du Bureau de l’Assemblée nationale ?

Mardi, la recevabilité de la proposition de résolution, déposée par le groupe LFI visant à « engager la procédure de destitution » à l’encontre du chef l’Etat sera examinée par le Bureau de l’Assemblée nationale. Si jamais, le Bureau décidait pour la première fois de transmettre la procédure de résolution à la commission des lois, de nombreuses autres étapes resteraient à franchir afin que la destitution prévue à l’article 68 de la Constitution soit effective.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Si le professeur de droit public, Mathieu Carpentier est cité dans les motifs de la proposition de résolution déposée par le groupe LFI, il ne croit pas pour autant aux chances de voir le président de la République destitué. Le 4 septembre, 72 députés Insoumis, six écologistes et trois députés réunionnais proches de LFI signaient la proposition de résolution visant à « engager la procédure de destitution » à l’encontre du chef l’Etat.

Une réponse au refus du chef de l’Etat de nommer un Premier ministre issu du Nouveau Front Populaire. « Un coup de force antidémocratique » avait affirmé, il y a quelques jours, la cheffe des députés insoumis, Mathilde Panot.

« Je considère qu’il y a eu un manquement de la part du chef de l’Etat »

La procédure de destitution a été introduite par la révision constitutionnelle du 23 février 2007. Promesse de campagne de Jacques Chirac en 2002, les articles 67 et 68 de la Constitution, portant sur la responsabilité du président de la République, reprennent les propositions de la commission Avril chargée de réfléchir à une réforme du statut pénal du chef de l’Etat.

« Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour », précise le premier aliéna de l’article 68. « Selon moi, mais il y a un débat entre constitutionnalistes, l’article 8 de la Constitution (selon lequel le président de la République nomme le Premier ministre) induit une exigence de délai raisonnable. De mon point de vue, je considère qu’il y a eu manquement de la part du chef de l’Etat. Et d’ailleurs le nouveau gouvernement n’est toujours pas nommé. Nous avons le gouvernement démissionnaire le plus long de la Ve République. Mais s’agit-il d’un manquement incompatible avec l’exercice de son mandat ? A mon sens, il ne s’agit pas d’un cas clair d’application de l’article 68. Mais c’est à l’appréciation des parlementaires », expose Mathieu Carpentier.

Quels filtres pour se prémunir « d’un détournement partisan » de l’article 68 ?

« C’est une formulation alambiquée qui date de 2007 et qui succède à la notion de haute trahison. Cette écriture est volontaire, la démarche est politique et c’est aux parlementaires de lui donner corps », expliquait à publicsenat.fr Anne-Charlène Bezzina, maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Rouen, en août dernier.

Et pour se prémunir « d’un détournement partisan » de l’article 68, selon les termes de Mathieu Carpentier, le législateur a prévu toute une série de garde-fous précisés par la loi organique du 24 novembre 2014. Un premier obstacle a été franchi par les Insoumis. La proposition de résolution doit être motivée et signée par au moins « un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle a été déposée » soit 58 députés ou sénateurs.

La deuxième étape interviendra demain à l’Assemblée nationale lorsque le Bureau examinera la recevabilité de la proposition de résolution. Dans le cas où la plus haute instance de l’Assemblée vote en faveur de la recevabilité de la proposition de la résolution, elle est transmise à la commission des lois. Or, jusqu’à présent « aucune proposition n’a jamais passé le filtre du bureau », rappelait, le mois dernier, Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas.

La décision du Bureau entre les mains des socialistes

Et si le Nouveau Front Populaire est majoritaire au sein du Bureau avec 12 membres sur 22, une incertitude flotte sur le vote des trois socialistes qui le composent, à savoir les Secrétaire Sophie Pantel et Inaki Echaniz et la questeure, Christine Pirès Beaune. Ce week-end, à la fête de l’Huma, Jean-Luc Mélenchon a assuré que « communistes et écologistes » du Bureau « voteraient la transmission », mais « nous attendons de connaître la position du Parti socialiste ». Interrogé par publicsenat.fr, un cadre du PS n’en savait pas plus. « Je peux vous dire que la poutre travaille très fortement au sein du parti entre ceux qui refusent de laisser passer le texte et ceux qui seraient tentés d’aller plus loin ».

Quoi qu’il en soit, si la proposition de résolution était transmise, Emmanuel Macron ne ferait pas immédiatement ses valises. Car à la commission des lois, qui doit se prononcer sur l’adoption ou le rejet du texte, les députés NFP ne sont pas majoritaires. Le texte sera ensuite examiné à l’Assemblée nationale qui aurait alors 15 jours pour se prononcer. La proposition de résolution doit en plus être adoptée par les deux tiers des députés (385), seuls sont recensés les votes favorables.

La suite de la procédure nous amène devant le Sénat où la proposition devra suivre les mêmes étapes. Enfin, s’ensuivrait le passage devant la Haute Cour. Cette juridiction spéciale est composée de 22 parlementaires désignés par les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle a pour unique mission de se prononcer sur la destitution du chef de l’Etat. Elle dispose pour ce faire, d’un mois à compter de l’adoption de la résolution par les deux assemblées, sinon la procédure tombe. Le vote se fait à bulletin secret à la majorité des deux tiers de ses membres.

C’est pourquoi Benjamin Morel indiquait qu’il était « plus simple de modifier la Constitution pour supprimer la fonction de Président de la République que de le destituer ».

 

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Destitution : la procédure lancée par LFI va-t-elle pour la première fois passer le filtre du Bureau de l’Assemblée nationale ?
5min

Politique

Budget : « C’est un semblant de justice fiscale, mais en réalité, ce sont les plus pauvres qui vont trinquer », selon le député PS Arthur Delaporte

Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».

Le

Destitution : la procédure lancée par LFI va-t-elle pour la première fois passer le filtre du Bureau de l’Assemblée nationale ?
8min

Politique

Budget : « 2024 est une année noire pour les finances publiques », alerte Pierre Moscovici

Auditionné par le Sénat, le président du Haut conseil des finances publiques affirme que les hausses d’impôts prévues dans le budget 2025 ne sont pas de 20 milliards d’euros, comme le dit gouvernement, mais « de 30 milliards d’euros ». Un effort indispensable, insiste Pierre Moscovici : « Le poids de la dette permet-il encore d’agir ? Non. Quand vous avez ce niveau de dette, walou ! »

Le

Destitution : la procédure lancée par LFI va-t-elle pour la première fois passer le filtre du Bureau de l’Assemblée nationale ?
4min

Politique

Propos de Gabriel Attal et de Gérald Darmanin sur le budget : « Certains auraient avantage à se taire ! », tacle Claude Raynal

Ce vendredi, Claude Raynal, sénateur socialiste de la Haute-Garonne et président de la commission des finances du Sénat, était l’invité de la matinale de Public Sénat. Hier soir, le budget pour l’année 2025 a été présenté par le gouvernement. Le sénateur est revenu sur les mesures du projet de loi de finances destinées à faire des économies et a assuré que Gabriel Attal et Gérald Darmanin « auraient avantage à se taire », en évoquant leur opposition à l’augmentation des impôts.

Le