Détourner les affiches de campagne, un acte “militant et artistique”
Slogans ironiques, icônes de la pop culture et déchirures en tous sens: les candidats à la présidentielle voient leurs affiches de campagne...
Par Marie ALBERT
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Slogans ironiques, icônes de la pop culture et déchirures en tous sens: les candidats à la présidentielle voient leurs affiches de campagne détournées, un acte "militant et artistique", estiment des sémiologues.
Rue Vivienne à Paris, toutes les affiches électorales ont été recouvertes par Cendrillon, Cartman ou Juste Le Blanc, légende du film de Francis Veber: "C'est le mec du +Dîner de cons+, c'est ça?" s'interroge en riant une passante. Sur papier glacé, c'est aussi le héros du vote blanc.
Graffiti sur une affiche de capagne de Benoît Hamon le 19 avril 2017
AFP
La parodie n'est pas l'apanage du centre parisien. Sur les réseaux sociaux, les Français partagent pêle-mêle des photos du slogan de François Fillon, "Une volonté pour la France", transformé en "Vol pour la France" ou "Honte pour la France". À Montpellier, l'artiste de rue Efix a remplacé toutes les affiches par des "Monsieur Rêve" ou "Madame autoritaire", personnages enfantins de Roger Hargreaves.
"Les colleurs d'affiches des candidats ont commencé à recouvrir nos murs dédiés au street-art (art de rue, ndlr). Du coup, nous avons fait pareil, c'est de bonne guerre", justifie dans Le Figaro un autre artiste, Combo. Si les panneaux sont mis à disposition par les communes, celles-ci ne sont pas responsables des affiches. Aux militants de les recoller lorsqu'elles ont été dégradées.
Les camps se livrent donc à une lutte intestine. Près du domicile de Marine Le Pen à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), des sympathisants passent recoller des affiches de la candidate FN tous les deux jours en moyenne. À Châteauroux (Indre), des militants de La France insoumise dessinent eux-mêmes sur les affiches de Jean-Luc Mélenchon pour recouvrir les dégradations précédentes.
- Une façon de dire que 'nous existons' -
Pour autant, "il n'y a pas forcément plus de détournements qu'avant", note la sémiologue Cécile Pineau. "Tous les membres de l'Assemblée étaient déjà parodiés au XIXe siècle." La nouveauté réside dans "leur mise en scène sur les réseaux sociaux", souligne la chercheuse Marie-France Chambat-Houillon, directrice du Centre d'études sur les images et les sons médiatiques (Ceisme).
Facebook, Twitter, sites dédiés... Les hashtags #CorrigetonFillon ou #CorrigetaLePen rassemblent les œuvres de "street-art". Le site unvolpourlafrance.fr compile même les détournements des affiches de François Fillon. Mais tous les candidats à la présidentielle sont victimes du phénomène.
Graffiti sur une affiche de campagne de Jean-Luc Mélenchon le 19 avril 2017
AFP
Une fois la photo partagée sur les réseaux sociaux, une "communauté" se crée, l'image devient "virale", explique Marie-France Chambat-Houillon. Un succès facile à expliquer: les "détourneurs" d'affiches empruntent les codes de la pop culture, accessibles à tous (Walt Disney, héros de BD, stars de cinéma). Détourner une affiche, "c'est à la fois un geste militant et créatif, qui s'inscrit dans un contexte urbain", précise l'experte. Ces œuvres appartiennent bien au street-art.
Le détournement d'affiches électorales se limite-t-il à la ville? "Non, répond Cécile Pineau. Ça existe aussi à la campagne." Mais les affiches d'origine y résistent plus longtemps. À Châteaufort (Yvelines), commune de 1.400 habitants, seul François Fillon a été visé. "Il s'agit moins d'une œuvre artistique que d'un acte de protestation de la part de citoyens lambda", estime Cécile Pineau.
Car "s'emparer des affiches pour les recycler, c'est une façon de dire +Nous existons+", estime Marie-France Chambat-Houillon. "Les déçus et les indécis se tournent vers une forme ironique pour revendiquer le vote blanc (comme avec Juste Le Blanc, ndlr) ou l'abstention." Sans oublier que "la parodie permet de redonner de la légèreté à une campagne angoissante", ajoute Cécile Pineau.
La loi punit pourtant d'une contravention de 450 euros le fait d'arracher ou de dégrader une affiche sur un panneau officiel. "Ce n'est pas concrètement une menace", relativise la sémiologue. Dans le contexte électoral, difficile de "bâillonner un moyen de protestation".
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