Dette publique : « Il est faux de dire qu’on endette les générations futures », estime Éric Bocquet
Alors que la crise sanitaire a provoqué une hausse inédite de la dette, il est temps de sortir des discours catastrophistes et de redéfinir les termes du débat, estime-t-on au Sénat. C’est la conclusion d’un rapport sur l’avenir de la dette publique présenté par la sénatrice centriste, Sophie Vermeillet, et le sénateur communiste, Éric Bocquet, mercredi 10 novembre.
Par Héléna Berkaoui
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« Ne pas réduire nos dépenses courantes et notre dette serait irresponsable pour les générations à venir », écrivait le candidat Emmanuel Macron dans son programme présidentiel. Un argument très couramment avancé pour justifier la nécessité de réduire la dette publique et justifier les coupes budgétaires dans les finances publiques.
Si le sujet n’est neuf, la crise sanitaire est venue bousculer encore le débat sur la dette publique. Dernièrement, c’est le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui se prononçait contre l’effacement de la dette arguant qu’il n’existe pas « d’argent magique ».
Au Sénat, la délégation à la prospective s’est plongée dans le sujet, explorant même jusqu’aux racines de la dette depuis l’antiquité. « La question de la dette est un sujet politique au sens le plus noble du terme », pose le communiste Éric Bocquet, corédacteur du rapport sur l’avenir de la dette publique. Avec sa collègue centriste, Sylvie Vermeillet, il a cherché à sortir le sujet du seul domaine technique afin d’en faire « un sujet de débat de public ». Un rapport qui tombe à pic à l’approche de l’examen du budget au Sénat et de l’élection présidentielle.
Dette publique : « Il faut en faire un sujet de débat public »
Si la situation d’endettement du pays a beau être historiquement élevée, le coût de la dette s’avère, lui, historiquement bas. « Ce qui est saisissant, c’est le paradoxe hallucinant entre le discours anxiogène qui est entretenu et l’extrême quiétude des marchés financiers qui n’hésitent pas à prêter de l’argent y compris à taux négatif sur des courts termes », observe Éric Bocquet.
Un paradoxe qui peut s’expliquer par une vision de la dette chargée d’une culpabilisation morale. Comme le rappelle les auteurs du rapport, « l’endettement, tant individuel que public, est le plus souvent considéré de manière négative » d’un point de vue religieux, moral ou philosophique. En allemand, le terme schuld signifie « aussi bien la dette matérielle que la faute morale ».
Et les débats autour de la dette publique sont souvent empreints de cette charge morale. L’argument du Président de la République voulant qu’une maîtrise de la dette soit indispensable au risque de faire payer les générations futures en est un exemple. Mais pour le sénateur communiste, « il est faux de dire qu’on endette les générations futures ».
« Il faut sortir de ce discours anxiogène et culpabilisant »
« La maturité de la dette, à supposer qu’on arrête d’emprunter aujourd’hui, est de 8 ans et 7 mois. C’est vous et moi qui allons rembourser la dette telle qu’elle existe aujourd’hui. Il faut sortir de ce discours anxiogène et culpabilisant. Il faut déconstruire ça », appelle Éric Bocquet.
Autre preuve que le débat sur le débat est biaisé, selon le sénateur : les comparaisons simplistes entre l’endettement d’un ménage et celui d’un Etat. « Le dernier budget équilibré de la France remonte à 1974. Quand un particulier ramène ça à sa situation, il ne peut vivre pendant 47 ans à découvert. La situation de l’Etat est différente et n’a rien à voir avec un ménage », souligne le sénateur du Nord.
« Il faut avoir pleine connaissance des éléments qui constituent la dette »
Pensez la dette publique en d’autres termes, ne signifie pas que des problèmes ne persistent dans sa gestion. La sénatrice centriste, Sylvie Vermeillet, croit qu’une question fondamentale doit être posée : Qui détient notre dette ? « L’Agence France Trésor nous explique que 49,5 % de notre dette est détenue par des non-résidents étrangers, principalement ce sont des banques centrales », indique la sénatrice du Jura (voir la vidéo ci-dessus). Une question essentielle qui doit encore se recentrer sur le : qui détient notre patrimoine ?
A titre d’exemple, au Japon, la dette publique atteint aujourd’hui 260 % du PIB mais cette dette est détenue par l’Etat et même par des citoyens japonais. Dans leur rapport, les sénateurs proposent en conséquence de construire de nouveaux outils de suivi des détenteurs de la dette publique. Si ce rapport ne préconise pas de remèdes miracles, ils entendent poser des pistes de réflexion et préparer le terrain à un débat éclairé.
Une gageure tant les positions divergent, y compris chez les économistes. Certains se positionnent pour un effacement partiel de la dette, comme Thomas Piketty qui, avec une centaine de ses confrères, signaient une tribune pour annuler la dette des Etats détenue par la BCE. D’autres considèrent que c’est une hérésie. Le débat doit donc avoir lieu. Reste à savoir si le climat de l’élection présidentielle sera propice à un tel débat.
Auditionné par la commission d’enquête sénatoriale, Aurélien Rousseau est revenu sur sa connaissance du scandale de Nestlé Waters et l’implication des pouvoirs publics. S’il reconnaît avoir pris la décision autorisant la filtration en dessous de 0,8 micron, l’ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne écarte tout conflit d’intérêts.
Interrogée par les sénateurs sur sa position au sujet de proposition de loi LR visant à interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives et dans les piscines municipales, la ministre des Sports, Marie Barsacq a indiqué que « le gouvernement dans son ensemble soutenait » le texte. Le mois dernier, elle avait affirmé « que le port du voile n’était pas de l’entrisme ».
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