Il était attendu. L’an dernier, Emmanuel Macron avait séché le congrès de l’Association des maires de France (AMF). L’année précédente, il avait été sifflé. Ce mardi 19 novembre, à quatre mois des municipales, c’est dans un silence qu’il a été accueilli. On fait mieux, mais ça aurait pu être pire. Entre temps, le grand débat, aux côtés des maires, est passé par là. Puis le texte engagement et proximité, en cours d’examen. Il crée des tensions avec le Sénat (voir notre article). Mais pour le chef de l’Etat, c’est un gage de bonne volonté. Il donne un statut de l’élu. « Ça fait des décennies qu’on en parle » a rappelé Emmanuel Macron.
François Baroin en lever de rideau
En lever de rideau, François Baroin, président LR de l’AMF, et son vice-président PS, André Laignel, ont joué leurs rôles, devenus un classique de l’AMF, du « good cop, bad cop ». Le premier a salué le Président pour le grand débat. Le second a rappelé les critiques après la suppression de la taxe d’habitation. Après ce jeu bien rodé, le président de la République s’est efforcé à brosser dans le sens du poil les maires. Un « je vous aime », en substance, qui a émaillé tout du long son discours. Un long discours de près d’une heure trente.
Mais avant de rentrer dans le dur des sujets chers aux élus, Emmanuel Macron s’est en réalité adressé aux Français, au travers des maires. Il a ainsi parlé laïcité – on l’attendait sur ce point – sécurité, écologie et « République sociale et solidaire », tout en faisant le lien, à chaque fois, avec les maires. Bref, il a parlé de la République, de la France. Une forme de discours de politique générale, presque, qui ne dirait pas son nom. Une volonté, à mi-mandat, de donner du sens, de la perspective à son action. Mais parfois en manquant peut-être de consistance. C’est le risque des grandes formules.
« Les forces et sociétés de sécurité privées » pour contribuer à la sécurité des Français
Après les tensions des dernières semaines, qu’il a pourtant pu susciter en partie en lançant le débat sur l’immigration, il a regretté une France avec « trop de fractures ». Il veut donc « recoudre cette France trop souvent déchirée » et « rassembler les Français » avec les maires. Cela passe par l’aménagement des territoires. Et de se lancer dans une anaphore, non sans rappeler François Hollande, sur « les actes » pour le haut débit, le commerce de proximité dans les centres-villes ou les « 1.000 nouveaux cafés dans le cadre de l’agenda rural ». Oui, car le vivre ensemble passe aussi par le boire ensemble, dans les lieux de vie que sont les cafés, nous dit quelque part Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron veut « rassembler les Français », avec les maires
Le chef de l’Etat a choisi aussi d’insister sur le régalien. Au point, l’air de rien et au détour d’une phrase, de jeter une petite bombe. Pour mieux agir contre « les incivilités et la délinquance », Macron veut mobiliser « tous les acteurs : forces de l’ordre, polices municipales » et même « forces et sociétés de sécurité privées »… Autrement dit, l’Etat encourage une forme de privatisation de la sécurité publique (à voir à 2'58 dans la vidéo).
Macron aux maires : « Nous devons travaillons ensemble pour assurer la sécurité de tous nos concitoyens au quotidien »
Pas de loi pour interdire les listes communautaristes aux municipales
Se montrant ferme face à « l’islamisme politique », il a défendu la « laïcité, qui a un cadre, la loi de 1905 ». Un cadre qui n’est « en aucun cas un cadre de combat ou d’exclusion ». La Nation ne « doit pas nous conduire à nous opposer, à mettre dos à dos, front à front, une partie de la société à une autre. Ce serait une faute lourde et historique ». Emmanuel Macron s’est aussi opposé à Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, sur les listes communautaristes : « Comment définirait-on les listes communautaires ? Qui en sera le juge ? Selon quels critères ? » Parlant de « naïveté », il appelle « à la prudence. Pas celle qui conduit à l’inaction mais celle qui conduit à ne pas renoncer aux libertés ».
Macron met fin au débat sur l’interdiction des listes communautaristes
Sur l’écologie, « ce n’est qu’un début »
Emmanuel Macron s’est souvenu, au cours de son discours, qu’il avait fait de la transition écologique une des priorités de l’acte 2 de son quinquennat. Il semblait l’avoir oubliée depuis la rentrée. « Je ne connais pas de pays qui ont assumé la fermeture de leur usine à charbon, la fin de l’exploitation des hydrocarbures, un plan pour la biodiversité » a-t-il lancé, « et ce n’est qu’un début ». « Sur la consigne des bouteilles plastiques, rien ne sera fait sans l’accord des maires » a-t-il assuré.
Autre sujet, qu’on entendait moins dans la bouche du président ces dernières semaines : « La République sociale et solidaire » ainsi que la « santé », à la veille de l’annonce du plan pour l’hôpital.
Macron « favorable » à « un changement constitutionnel » sur le financement des collectivités locales
Last but not least, Emmanuel Macron a parlé concrètement des enjeux des collectivités. Quand même. Saluant « l’engagement des maires », il a vanté les mérites du texte de Sébastien Lecornu pour les maires. Il a ouvert aussi sur le prochain projet de loi, celui sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation, qui sera porté par Jacqueline Gourault. S’il défend un nouvel acte de décentralisation, il veut lui donner du sens. Car aujourd’hui, « on fait de la bricole en permanence, on fait de la péréquation tous les matins ».
Mais après avoir passé plus d’une heure à passer la pommade aux maires, il s’est lancé sur un sujet périlleux : les finances locales. Emmanuel Macron s’est même dit « favorable » à « un changement constitutionnel » sur le financement des collectivités locales, souhaitant des impôts « dynamiques » pour les collectivités. Emmanuel Macron : « Nous avons un fétichisme français : l’autonomie fiscale. Les grands pays décentralisateurs autour de nous n’ont pas d’autonomie fiscale. Ils ont une chambre qui chaque année discute des ressources fiscales affectées aux collectivités. Chaque niveau avec des règles claires. Peut-être qu’il faut en arriver à cela. J’y suis favorable. Car l’autonomie fiscale a un problème : ce n’est jamais la bonne fiscalité qui correspond à la bonne compétence ». Un pavé dans la mare. L’autonomie fiscale, les élus la portent souvent, et depuis des années, en étendard. Ils la revendiquent. Même quand il vient faire un peu de câlinothérapie, le naturel d’Emmanuel Macron revient au galop. En 2017, on appelait cela la disruption.
Macron « favorable » à « un changement constitutionnel » sur le financement des collectivités locales