On n’avait peut-être pas vu autant de journalistes dans les sous-sols du Sénat depuis l’audition d’Alexandre Benalla. Déjà une commission d’enquête. Ce mardi, c’est le professeur Didier Raoult qui était auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la crise du Covid. Déjà entendu par la commission d’enquête de l’Assemblée en juin, l’infectiologue marseillais a planché pendant deux heures devant les sénateurs. Pour rappel, tout mensonge devant une commission d’enquête est passible d’une peine de 5 ans de prison et de 75.0000 euros d’amende.
Hydroxychloroquine, mutation du virus, utilité du masque… En de nombreux points, Didier Raoult contredit le discours de ses confrères et même certains consensus scientifiques. Droit dans ses bottes, il reste sur sa ligne.
Hydroxychloroquine : Didier Raoult n’accepte pas la contradiction
Cette audition, Didier Raoult a tenu à la faire seul, alors que les sénateurs voulaient une table ronde contradictoire. Contradiction qu’il n’a pas vraiment non plus acceptée, durant l’audition, sur LE sujet de Didier Raoult : l'hydroxychloroquine. Le sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier, co-rapporteur de la commission, lui a listé les nombreux pays qui ne recommandent pas la molécule. Ce qui a entraîné une passe d’armes entre les deux (voir notre article sur le sujet pour plus de détail). Regardez cet échange tendu :
Hydroxychloroquine: échange tendu entre Didier Raoult et le sénateur Bernard Jomier
« Vous émettez une opinion scientifique » lui a rétorqué le professeur. Au contraire, « la science a parlé » souligne le sénateur. Didier Raoult rappelle que l’étude publiée dans The Lancet, affirmant l’inutilité de la molécule, et sur laquelle le gouvernement s’est appuyé, n’était pas sérieuse. Elle a même été dépubliée. Didier Raoult dénonce « une bande de polichinelles qui ont publié dans The Lancet », « je n’ai jamais vu ça dans toute l’histoire de la médecine ». « Les dossiers qui montrent que l'hydroxychloroquine diminue entre 30 et 50% la mortalité, (…) il en sort tous les jours. Vous verrez bien » insiste le Marseillais.
« Les mutants sont plutôt des formes dégradées de la forme initiale. C’est plutôt notre impression »
Didier Raoult a insisté sur un point, qui fait débat, là encore : la mutation du virus. « Il se passe une chose, c’est la vitesse de mutation qu’il y a actuellement. Mais je ne sais pas ce qu’il va advenir » dit-il d’abord, prudent. « Ce matin, on nous a dit que le virus ne mutait pas… » s’étonne le vice-président LR de la commission d’enquête, René-Paul Savary. « Vous venez de nous faire un exposé de virologie pour nous expliquer que le virus semble muter. Mais le professeur Lina, virologue éminent, nous a expliqué que nous le virus n’a pas muté » insiste Bernard Jomier.
Didier Raoult ne se démonte pas. Après environ « 500 séquences » du virus depuis juillet, « dès le départ on a trouvé un mutant, qu’on a appelé Marseille, qui avait plus de mutations, 23, par rapport à la souche du Wuhan ». Il continue : « Il est venu du Maghreb sur les bateaux. Tous les premiers cas sont liés à ce cas (de mutant), puis il y a eu diffusion. (…) ll a disparu en août. On a maintenant sept mutants ». Il ajoute :
Le virus a aujourd’hui dix fois plus de variations que celui présent jusqu’en mai.
Ce virus est-il moins dangereux ? L’idée fait bondir de nombreux médecins, qui soutiennent qu’il l’est toujours autant. C’est pourtant ce qu’affirme Didier Raoult. « On a comparé 100 cas à partir de juillet et 100 cas avant. Ils ont beaucoup moins de troubles de coagulations, ils sont moins sévères donc il se passe quelque chose par rapport à ce virus qui en fait quelque chose de différent », dit-il, précisant avoir partagé ses données « avec le conseiller du ministre » de la Santé, Olivier Véran. Relancé par les questions des sénateurs, il précise plus clairement en fin d’audition : « Les mutants qu’on a sont plutôt des formes dégradées de la forme initiale. C’est plutôt notre impression. C’est très compliqué de deviner le pouvoir pathogène d’un virus en voyant sa séquence. Personne ne sait vraiment le faire. Mais globalement, nous, ça nous apparaît lié à des formes qui sont moins graves » (voir la première vidéo).
L’efficacité du port masque « n’a pas été démontrée », sauf pour les soignants
Sur la question des masques, Didier Raoult est, là encore, à rebours du discours général. Il n’en est pas le plus grand défenseur. « Pour le masque, ce n’est pas une vérité scientifique brutale. Il y a une vérité scientifique brutale, c’est quand vous êtes dans les personnels de soins, que vous êtes à 30 cm des gens, le risque de contamination est important. Le masque diminue ici (le risque). Dans les autres cas, ça n’a pas été démontré, et ça ne peut pas l’être » tranche le professeur de microbiologie. Un consensus scientifique, après études, s’est pourtant aujourd’hui dessiné pour montrer l’utilité du port du masque en lieux clos, comme meilleur moyen de lutte contre les contaminations par aérosols (lire ici ou là)
Mais « on peut penser que c’est raisonnable » de le porter, ajoute cependant le professeur, en permettant « de garder les distances sociales, sans se faire d’illusion. C’est les mains qui sont la clef, se passer de l’alcool 20 fois par jour ». « Mais si ça permet de faire passer ce message-là, c’est intelligent » termine Didier Raoult.
« La perte d’espérance de vie va être extrêmement mineure à la fin de l’année »
Alors que le nombre de mort dû au Covid-19 en France dépasse les 30.000, et certainement plutôt « 40.000, avec les morts à domicile », comme ont souligné les sénateurs, Didier Raoult minimise l’importance statistique de ces données. « L’anxiété n’est pas de mon côté. Ce n’est pas moi qui affole les populations. Il n’y a pas de raison d’être affolé et depuis le début. Regardez les données de l’Ined (Institut national d'études démographiques) qui vous disent ce qu’est la perte de l’espérance de vie, et non pas la mortalité. (…) Entre 2019 et 2020, elle recule de 0,2 an. Elle est inférieure à 2015 » explique-t-il. Didier Raoult ajoute : « On n’est pas face à un drame insupportable ».
« Pourquoi la grippe de 2015, qui a tellement tué cette année-là, on s’en est fiché ? Elle a plus tué, pour le moment, que cette année (le Covid) ». « La perte d’espérance de vie va être extrêmement mineure à la fin de l’année. Ce n’est pas moi qui développe l’anxiété », insiste-t-il. Et de résumer son point de vue : « C’est pas moi qui raconte des bêtises ». Docteur Raoult contre le reste du monde.