Pas d’évolution chez les Républicains. Après une réunion à la présidence de la République, qui a réuni tous les principaux partis (à l’exception du RN et de LFI), Laurent Wauquiez maintient ses conditions pour un futur gouvernement, avec une ligne rouge : « pas la France insoumise, pas le programme du NFP, qui est un programme de régulation de l’immigration, un programme d’augmentation des impôts, et un programme de laxisme sur les questions de sécurité ». À l’issue de près de trois heures d’échanges avec les autres forces, le président du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée nationale « espère qu’il peut y avoir un accord pour au moins ne pas faire tomber un gouvernement ». Pour autant, le député et ses troupes excluent un accord de gouvernement avec la gauche. « Nous ne croyons pas à la possibilité de discuter un contrat de gouvernement avec des gens qui ne partagent pas la même vision de ce qu’il faut faire pour la France ». Pour la députée LR Michèle Tabarot, la discussion programmatique ne pourra venir qu’après la désignation du Premier ministre par le président de la République. « C’est à ce moment que nous échangerons au niveau des sujets qui sont chers pour nos électeurs et pour les Français. » « C’est l’esprit de nos institutions », insiste le président du groupe LR au Sénat, Mathieu Darnaud.
Loi immigration : le Sénat adopte les conclusions de la CMP
Loi immigration : le Sénat adopte les conclusions de la CMP
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Fruit de négociations douloureuses, étalées sur deux jours, l’accord qui s’est joué entre sept députés et sept sénateurs sur le projet de loi immigration va maintenant être soumis au vote des deux assemblées. Le Sénat est la première chambre appelée à se prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire. Dès 18h00, Public Sénat se mobilise à nouveau en émission spéciale. À 19h00, les différents groupes sénatoriaux vont défiler à la tribune pour expliquer leur vote, avant un scrutin public vers 20h00. Les députés se prononceront à leur tour à 21h30.
« Qu’Emmanuel Macron retire ce texte, il est toujours temps de se raviser », demande le communiste Ian Brossat
Juste après le vote par le Sénat des conclusions de la CMP, le sénateur Ian Brossat, porte-parole du PCF, réagit au micro de Public Sénat. « J’ai quand même bon espoir qu’à l’Assemblée nationale, il y ait des députés macronistes, pris d’un sursaut républicain, et qui refusent de voter ce texte qui de fait, inscrit la préférence nationale dans la loi française, en contradiction avec tout ce qu’Emmanuel Macron avait annoncé quand il est devenu président de la République face au RN », affirme le sénateur de Paris.
« Je souhaite ardemment que ce texte soit rejeté. Et si le Président en a conscience, qu’il retire ce texte. […] Il est toujours temps de se raviser. Ce qui se passe est extrêmement grave. Elisabeth Borne sera dans l’histoire la première ministre qui aura fait entrer dans la loi française la préférence nationale », souligne Ian Brossat. Des rumeurs évoquent la possibilité qu’Emmanuel Macron retire le texte à l’Assemblée pour éviter l’explosion de sa majorité, très divisée sur le projet de loi.
Le Sénat adopte les conclusions de la CMP sur le projet de loi immigration
Sans surprise, le Sénat a adopté le projet de loi immigration, dans la rédaction établie mardi après-midi en commission mixte paritaire par 214 voix pour et 114 voix contre. 12 élus se sont abstenus. Les résultats ont été annoncés sous les applaudissements de la droite et les sifflets à gauche.
Dans le détail, l’ensemble des trois groupes de gauche (PS, communiste et écologiste) se sont opposés au texte. La droite et les centristes l’ont presque unanimement soutenu, à l’exception d’une abstention chez les LR et cinq du côté du groupe Union centriste.
Les sénateurs RDPI, qui rassemblent les élus Renaissance du Sénat, n’ont pas fait le plein de voix, avec quinze voix pour, mais quatre contre et une abstention. En revanche, les trois sénateurs RN, rentrés au Palais du Luxembourg à l’occasion des sénatoriales de septembre, ont voté pour. A noter que Stéphane Ravier, sénateur Reconquête, a lui voté contre.
Guy Benarroche : « Ce texte est une victoire de la majorité sénatoriale »
Le sénateur écologiste, Guy Benarroche a fait un constat : « Ce texte est une victoire de la majorité sénatoriale. C’est l’officialisation de son intégration à la majorité gouvernementale ». Il a contesté « l’équilibre » du texte prôné par le gouvernement, ni le fait qu’il « protégerait les Français ». « C’est une fable. Rien dans ce texte ne permet l’amélioration de l’exécution des OQTF […] Ce texte a des conséquences humaines et politiques. Ce n’est pas la peine de se cacher derrière mesures dites gentilles. L’aggravation des peines pour les marchands de sommeil ? Quel étranger prendra le risque de dénoncer le rackette qu’il subit s’il risque l’expulsion ? ». Mêmes critiques pour l’interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administratif. « Plus qu’une avancée à saluer, c’est un retour à l’Etat de droit trop tardif », a-t-il fustigé.
« Le texte exprime une autorité régalienne forte dans le respect de l’État de droit », déclare le centriste Philippe Bonnecarrère
« Le texte qui vous est soumis exprime une fermeté. Pour nous, il exprime une autorité régalienne forte, dans le respect de l’État de droit », déclare à son tour le sénateur Philippe Bonnecarrère, corapporteur, mais s’exprimant ici au nom du groupe Union centriste. Selon lui, le projet de loi exprime également « la solidité de la majorité sénatoriale » et constitue le signe d’un « Parlement qui fonctionne ». « Le Sénat, par les positions qu’il a adoptées, qu’il a portées, qu’il a réussi à construire, a permis d’éviter un vide institutionnel », insiste-t-il.
Louis Vogel, sénateur Les Indépendants : « Il fallait mettre un terme au détournement manifeste de notre droit »
« La Turquie, la Biélorussie et la Russie n’hésitent pas à utiliser les flux migratoires comme arme géopolitique contre l’Europe », a voulu alerter Louis Vogel, sénateur Les Indépendants, insistant ainsi sur la nécessité de légiférer tandis que « nos partenaires européens ont déjà pris diverses mesures pour faire face aux flux migratoires ».
« Il fallait mettre un terme au détournement manifeste de notre droit, mettre en œuvre une immigration choisie sur la base de quotas et reconduire aux frontières ceux qui n’ont pas leur place dans notre pays », martèle l’élu de la Seine-et-Marne. « Le communautarisme n’a pas place dans notre pays, la finalité de l’immigration, c’est l’intégration », a-t-il encore lancé depuis la tribune du Sénat.
Christopher Szcurek : « Cette loi n’est pas parfaite mais elle a permis de remettre au centre du débat la priorité nationale »
Le sénateur RN, Christopher Szcurek, qui avait voté contre le texte au Sénat, s’est félicité de voir conserver à l’issue de la commission mixte paritaire l’un des thèmes de campagne de sa formation politique. « Cette loi n’est pas parfaite mais elle a permis de remettre au centre du débat la priorité nationale ». « La priorité nationale n’est pas une exclusion, c’est faire le choix des nôtres avant les autres. C’est l’idée que nos compatriotes, d’où qu’ils viennent, sont au cœur de nos préoccupations ». C’est la raison pour laquelle, il annonce qu’il votera cette fois-ci le texte « de concert avec nos collègues de l’Assemblée nationale », a-t-il déclaré s’attirant des protestations à gauche. Il conclut en réclamant « une réforme constitutionnelle » et « un référendum sur l’immigration ».
« Nous assumons totalement les choix qui ont été faits », lance François-Noël Buffet (LR)
Face aux critiques de la gauche, l’orateur pour le groupe LR, le président de la commission des lois François-Noël Buffet, dit « assumer » avec ses collègues les choix sur lesquels repose le texte. « Ils ne viennent pas de nulle part. Ils viennent d’un travail de longue haleine effectué dans cette maison, effectué par notre mouvement. »
Rappelant que le Rassemblement national n’avait pas souhaité voter le texte lors de la première lecture, il a déclaré à ses trois représentants au Sénat : « Ce soir, on vient essayer de faire un hold-up sur ce texte, mais ce n’est pas votre texte. Ce n’est pas vos idées, ce sont les nôtres ! »
« Emmanuel Macron amène les idées d’extrême droite au pouvoir », attaque le socialiste Patrick Kanner
Le président du groupe PS, Patrick Kanner, a attaqué fortement les LR et la majorité présidentielle. Rappelant d’abord que « la France s’est construite avec l’apport des contributions des étrangers », l’ancien ministre socialiste, qui était présent à la CMP, souligne qu’« il s’agit bien de vies humaines, avant tout, qui méritent respect et considération ».
« La violence de ce texte nous heurte, ce texte est une honte. D’heure en heure, de reculade en reculade, de marchandage en marchandage, la droite a entraîné une majorité présidentielle complaisante dans un ravin populiste, sous l’œil gourmand de l’extrême droite. En toute logique, cette extrême droite votera ce projet de loi. Elle aurait même pu l’écrire », lance Patrick Kanner, craignant « cette marée brune, qui fait sauter toutes les digues, les unes après les autres ». Il ajoute : « Par deux fois, Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir car nous étions nombreux à espérer qu’il fasse barrage à l’extrême droite. Aujourd’hui, le même Emmanuel Macron amène les idées d’extrême droite au pouvoir ».
« Ce 19 décembre marque la rupture de la digue défendue pendant de nombreuses années par la droite contre l’extrême droite. Ce 19 décembre, le front républicain a fait long feu », lance le patron des sénateurs socialistes.
Un texte pour faire face « aux nouvelles réalités migratoires »
« Un accord était impératif, pas seulement pour le gouvernement et la majorité présidentielle, pas seulement pour les LR, mais pour le pays tout entier », a estimé Olivier Bitz, sénateur Renaissance, à la tribune. Il a évoqué la nécessité « d’adaptation de notre droit face aux nouvelles réalités migratoires ». « Compte tenu des débats constructifs et du texte auquel nous avons réussi à aboutir en CMP, notre groupe votera dans sa majorité pour le projet de loi. »
« La majorité des membres de notre groupe persistera à voter contre ce texte », annonce Michel Masset (RDSE)
Orateur pour le groupe RDSE (Rassemblement démocratique social et européen), Michel Masset a souligné que ses collègues s’interrogeaient sur le cheminement du texte. « La réunion de la CMP aura réussi à durer plus longtemps que l’examen devant la chambre basse […] Comme jeune sénateur, je suis aussi étonné que préoccupé en découvrant cette méthode. » Il précise : « Nous gardons donc la liberté de ne pas nous satisfaire d’un tel cheminement. » Une majorité des membres du groupe va s’opposer au texte, comme lors de la première lecture.
Gérald Darmanin : « Des mesures sont manifestement contraires à la Constitution »
Le ministre de l’Intérieur a défendu un texte de compromis devant les sénateurs. « Le texte du Sénat n’est pas celui qui remplace le texte du gouvernement mais qui le complète », a-t-il démarré, rappelant que sur les 27 articles du projet initial, un seul a été retiré. L’article 4 qui permettait à certains demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande.
Parmi « les équilibres » du projet de loi sorti de la commission mixte paritaire, le ministre a cité les mesures « d’intégration », notamment l’article 4 bis sur la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension « qui coupe le lien entre employeurs et employés et touchera des milliers de personnes, d’après le gouvernement, entre 7 000 10 000 personnes supplémentaires qui méritent de sortir de l’hypocrisie dans laquelle nous les plongeons collectivement depuis temps de gouvernement ». Gérald Darmanin a également mis en avant les mesures visant à éloigner les étrangers dangereux, la simplification des mesures administratives, et une autre grande avancée « l’interdiction du placement des mineurs dans les centres de rétention administratif ».
« Le gouvernement a pris acte du travail du Sénat (…) Nous avons pris des amendements de tous les groupes », a-t-il insisté en pointant le vote contre des deux sénateurs RN. « Voilà donc un drôle de moment parlementaire », a-t-il fustigé soulignant que le texte du Sénat était pourtant « plus dur » que celui sorti de la commission, mixte paritaire qui a reçu l’onction de Marine Le Pen.
Gérald Darmanin s’en est pris aussi aux « sénateurs de la Nupes ». Une appellation qui a provoqué de larges protestations sur les bancs de la gauche. « Je ne serais pas le ministre de l’Intérieur qui pour vous fait plaisir désarmera les policiers, les gendarmes et les magistrats ».
« Bien sûr, il y a encore des questions autour de ce texte. (…) Des mesures sont manifestement contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes », a-t-il conclu. Une précision importante.
« Il s’agit peu ou prou du texte que nous avons précédemment voté », résume la rapporteure LR Muriel Jourda
« Vous n’aurez pas un grand effort à faire pour comprendre le texte qui est issu de cette commission mixte paritaire, si ce n’est un effort de mémoire puisque, en réalité, il s’agit dans sa quasi-intégralité du texte que nous avions approuvé au Sénat », a résumé la sénatrice LR Muriel Jourda, en ouverture de la discussion générale. « Par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes. Nous le faisons d’une façon qui me paraît extrêmement mais qui se veut efficace », a-t-elle ajouté.
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