En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.
Direction du PS : « Refuser a priori de rencontrer le Premier ministre, c’est une erreur politique », tacle David Djaïz
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Invité de la matinale de Public Sénat ce vendredi, l’essayiste et enseignant à Sciences Po David Djaïz livre son analyse de la situation politique inédite dans laquelle se trouve la France.
Michel Barnier, un Premier ministre « légitime » qui doit « dépasser son assise politique »
Interrogé sur le choix d’Emmanuel Macron de nommer Michel Barnier, membre des Républicains, à Matignon, David Djaïz répond qu’il n’aurait « pas fait ce choix politique ». « Michel Barnier vient d’une formation politique qui est le cinquième groupe de l’Assemblée nationale et qui n’a pas participé au front républicain, qui a pourtant été une composante essentielle du second tour des législatives », explique-t-il. Pour autant, il ne voit pas en Michel Barnier un Premier ministre illégitime. « S’il n’est pas censuré par l’Assemblée nationale, alors il est un Premier ministre légitime, la question c’est plutôt quelle est son assise politique », analyse-t-il. Une assise politique qu’il qualifie de « très étroite » et qu’il appelle le nouvel occupant de Matignon à « dépasser ».
« Quand vous commencez à refuser le dialogue a priori, vous rentrez dans une forme de populisme qui n’est pas de bon aloi »
Alors que le gouvernement de Michel Barnier est attendu pour la semaine prochaine, la question principale qui se pose est la couleur politique de ses membres. Si les LR ont validé cette semaine leur participation au gouvernement, le Parti socialiste y a mis son véto. Ses dirigeants ont récemment refusé de rencontrer Michel Barnier, à l’inverse des communistes, qui ont accepté son invitation. Un choix de la part du PS que David Djaïz juge sévèrement : « Refuser a priori de rencontrer le Premier ministre, c’est pour moi une erreur politique. Discuter avec un Premier ministre, quand on est patron de parti ou de groupe parlementaire, c’est l’usage régulier des institutions. Quand vous commencez à refuser le dialogue a priori, vous rentrez dans une forme de populisme qui n’est pas de bon aloi ».
Ce n’est pas la seule décision du PS qu’il regrette. Il considère que les débats qui ont eu lieu en interne au parti à la rose ont entravé la nomination de Bernard Cazeneuve à Matignon. « Je ne dis pas qu’ils sont responsables de sa non-nomination, mais à tout le moins leur tiédeur n’a pas aidé et n’a pas contribué à sa nomination », explique-t-il. Une accusation dont la direction du PS se défend, expliquant qu’Emmanuel Macron n’avait jamais considéré sérieusement la nomination de l’ancien socialiste à Matignon.
Le Nouveau front populaire : un « cartel électoral »
L’essayiste, qui fut proche du Parti socialiste, porte par ailleurs un jugement sévère sur le Nouveau front populaire, qu’il qualifie de « cartel électoral ». « Il y a très peu de points communs intellectuels entre la France Insoumise d’une part, qui a une culture très autoritaire, une méthode très conflictuelle, une vision très anti capitaliste, et les socio-démocrates, qui sont sur une tout autre équation politique. Ces forces politiques se sont regroupées dans une unité d’action électorale pour empêcher la victoire du Rassemblement national. Pour moi, cette équation politique n’a pas d’avenir », juge-t-il. David Djaïz plaide pour la constitution d’une « offre politique véritablement socio-démocrate qui intègre l’écologie, un nouveau discours sur la démocratie, sur l’humanisme et sur l’Europe ».
« Nous ne sommes pas condamnés à la fatalité du bonapartisme »
Dans les changements qu’il souhaite voir advenir pour sortir de la crise politique dans laquelle le pays se trouve depuis l’annonce de la dissolution par Emmanuel Macron, David Djaïz appelle à un changement de culture politique. « Nous ne sommes pas condamnés à la fatalité du bonapartisme, du césarisme, de l’immaturité politique, de l’incapacité à faire des compromis, de l’amour des conflits », dénonce-t-il. Pour cela, nul besoin de changer la Constitution, qu’il juge « assez souple ». Comme de nombreux partis de tous les bords de l’échiquier politique, l’essayiste plaide pour l’instauration de la proportionnelle. « Cela permet à des formations politiques de se présenter sous leurs couleurs et d’assumer leurs idées, sans être obligées de se mettre sous l’hégémonie d’une autre, comme cela a été le cas pour la gauche », explique-t-il. Pour lui, la proportionnelle permet de faire vivre une pluralité d’idées et facilite ainsi le dialogue et les coalitions.
« Si vous voulez être le garant de l’unité de la nation, vous ne devez pas être un chef de clan »
Une autre des solutions que préconise David Djaïz pour sortir de la crise politique actuelle concerne la place que prend le Président de la République dans la vie politique française. Il plaide pour un rééquilibrage de la relation entre le Président et le Premier ministre. « Depuis l’instauration du quinquennat, les Présidents sont devenus des hyper Premiers ministres, ils prennent trop de micro-décisions », explique-t-il, « le Président de la République doit prendre de la hauteur, avoir une vision stratégique. Si vous voulez être le garant de l’unité de la nation, vous ne devez pas être un chef de clan, de camp ». Un changement de pratique amorcé depuis la nomination de Michel Barnier et la « coopération exigeante » qui se serait instaurée entre l’Elysée et Matignon ?
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