Dissolution d’associations : faut-il faire évoluer la loi ?
Suite à l’assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste, Gérald Darmanin a annoncé la dissolution de plusieurs associations proches de « l’islam radical » parmi lesquels le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et l'association humanitaire BarakaCity. Mais les conditions de dissolution d’une association sont limitées juridiquement. La majorité sénatoriale et le gouvernement souhaitent faire évoluer la loi.
Dans les heures qui ont suivi la mort tragique du professeur Samuel Paty aux abords de son collège à Conflans Saint-Honorine, Gérald Darmanin annonçait la riposte. « 51 structures associatives verront toute la semaine un certain nombre de visites des services de l'État et plusieurs d'entre elles, sur ma proposition, se verront dissoudre en Conseil des ministres ».
Le CCIF et Baraka City : « Propagateurs de séparatisme » ?
Désormais, le ministre de l’Intérieur veut élargir les sanctions aux « propagateurs de séparatisme » : « C'est-à-dire de prêcher non pas seulement les valeurs de l'islam mais de prêcher que l'islam est supérieur aux lois de la République » a développé son entourage à l’AFP.Deux associations sont particulièrement visées par Beauvau. Le CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France), serait selon le ministre « manifestement impliqué » dans l’attentat et dont « un certain nombre d'éléments nous permettent de penser que c'est un ennemi de la République ». Il « touche des aides d'État, des déductions fiscales et dénonce l'islamophobie d'État » a-t-il appuyé. Également cité, l'ONG Baraka City, fondée par des musulmans au profil salafiste, dont le président Driss Yemmou a été placé jeudi sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une enquête pour harcèlement sur les réseaux sociaux. L'association, dont le compte Facebook est suivi par plus de 715.000 personnes, suscite un fort engouement chez beaucoup de jeunes croyants mais aussi la suspicion pour ses prises de position parfois radicales. Des accusations que les deux associations nient fortement.
À l’origine, les dissolutions concernaient les milices d’extrême droite violentes
La liberté d’association est un principe à valeur constitutionnelle inspiré de la loi de 1901. La dissolution d’une association nécessite un décret pris en conseil de ministres. Les motifs sont limitativement définis dans le code sécurité intérieure à l’article L212-1. Les associations ne peuvent être dissoutes que si elle « provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». « À l’origine, il s’agissait d’un décret-loi de 1936 pris sous le Front Populaire. Ce texte avait pour objectif de dissoudre les ligues d’extrême droite violentes après les émeutes de février 1934 » rappelle Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes.
Pression médiatique sur le Conseil d’Etat
Si pour le moment aucun calendrier n’est fixé pour le dépôt du décret, l’exécutif compte s’appuyer sur « fondement double » avec d'un côté « ce qui touche à l'apologie du terrorisme et aux haines identitaires et religieuses » et de l'autre, « ce qui touche à l'ordre public » indique à l’AFP une source du ministère de l’Intérieur. Les associations visées auront alors la possibilité de déposer un référé en liberté devant le Conseil d’État. « On ne sait pas encore les éléments que le ministère de l’Intérieur a collecté et le contenu des "notes blanches" des services de renseignements qui établiraient, ou non, que les associations en cause propageraient la haine, la discrimination ou la violence ou une idéologie en ce sens. Difficile d'établir pour le moment au regard des éléments qui sont sortis dans la presse si une dissolution résisterait à l'examen effectué par le juge des référés du Conseil d'Etat. Ce qui est sûr, c’est que la pression médiatique est forte sur ce dossier» note Serge Slama.
Les exemples de Forsane Allizza et Sanabil
Ces dernières années deux associations islamistes ont été dans le collimateur de l’exécutif. En 2012, l’association « Forsane Allizza » est dissoute par Claude Guéant. L’association préparait ses membres au combat et à la lutte armée et appelait à l’instauration du califat et à l'application de la charia en France. En 2016, Bernard Cazeneuve annonçait la dissolution de l’association d’aide aux détenus musulmans « Sanabil ». « Sous couvert d'un soutien matériel dispensé à des détenus de droit commun ainsi qu'à leurs familles, l'association encourageait la radicalisation de ces derniers durant leur séjour carcéral pour les rallier à la cause djihadiste » justifiait le ministère. À noter qu’il s’agissait d’associations en lien direct avec des djihadistes. Le tueur de l'Hyper Cacher, Amedy Coulibaly aurait, par exemple, participé à un pique-nique annuel de l'association « Sanabil ».
Élargissement des motifs de dissolution d’une association annoncé par Emmanuel Macron
Les circonstances de l’attentat de vendredi posent la question d’une évolution de la loi. La frontière entre terrorisme, islamisme et séparatisme n’est-elle désormais plus du tout étanche ? Au début du mois d’octobre, dans son discours des Mureaux, Emmanuel Macron a précisé que l’élargissement des motifs de dissolution d’une association était l’une des pistes de la future loi contre le séparatisme, présentée en Conseil des ministres à la fin de l’année. « Il est (…) assez logique que celles et ceux qui portent ce projet de séparatisme islamiste aient investi le champ associatif parce qu'ils l'ont identifié comme la forme, en tout cas l'espace le plus efficace pour diffuser leurs idées » (…) Les motifs de dissolution des associations en conseil des ministres étaient jusque-là très limités : limités aux faits de terrorisme, de racisme et d'antisémitisme. Ils seront étendus à d'autres motifs comme les faits d'atteinte à la dignité de la personne ou de pressions psychologiques ou physiques » (…) toute association sollicitant une subvention auprès de l'État ou d'une collectivité territoriale devra signer un contrat de respect des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société » avait-il annoncé.
« Des règles de droit qui protègent peut-être un peu trop »
« Il y a un frein pour sanctionner ces associations. Il faut nécessairement faire évoluer le cadre législatif. Il y a des règles de droit qui protègent peut-être un peu trop. Ces associations sont toujours en bordure. Ils tutoient la ligne rouge » estime le président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille, co-auteur de la proposition de loi, adoptée hier soir par la Haute assemblée qui vise à inscrire dans la Constitution « la prééminence des règles de la République ».
« Le moment est venu d’éradiquer l’islamisme sans aucune concession »
Un autre de ses auteurs, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau a justifié ce combat pour « la priorité de la loi républicaine ». Selon lui, son texte qui impose la prééminence de la règle commune dans la Constitution « visera les règlements intérieurs des entreprises, des associations, des clubs sportifs qui sont souvent le foyer d’une radicalisation ». « Le moment est venu d’éradiquer l’islamisme sans aucune concession » a-t-il martelé à la tribune. « Une loi d’opportunité politique inutile et dangereuse. Une telle révision constitutionnelle empêchera, par exemple, des mesures de discrimination positives comme la mise en place de voies privilégiées aux grandes écoles pour les jeunes des quartiers populaires » répond le constitutionnaliste, Jean-Philippe Derosier qui rappelle que « l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen établit déjà que la loi est la même pour tous ». Peu ou prou les arguments du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti dans l’hémicycle qui a, malgré lui, dévoilé le nom exact du futur projet de loi. « Je crois pour ma part que le futur projet de loi de défense de la République contre le séparatisme et l’islamisme radical apportera une réponse plus appropriée, plus concrète et plus efficace au mal qui ronge notre société depuis de trop nombreuses années ».
proposition de loi contre le communautarisme: " Trop approximative" pour Dupond-Moretti
12:30
« Le gouvernement prend le risque d’en faire des associations martyres »
« Il ne faut pas que le ministre de l’Intérieur pense que c’est en sortant de l’État de droit qu’il va apaiser les Français » prévient la vice-présidente du groupe écologiste du Sénat, Esther Benbassa. « S’il y a des motifs juridiques valables pour dissoudre ces associations, c’est très bien. Mais en cas de censure du décret par le Conseil d’État, le gouvernement va en faire des associations martyres » ajoute-t-elle. « Ce contexte d’agitation » rappelle à la sénatrice celui de 2015 lors de l’instauration de l’État d’urgence. « Et ça n’a pas empêché le terrorisme. Il faut un vrai projet avec par exemple le retour de la police de proximité, le retour des services publics dans les quartiers ou encore augmenter considérablement le nombre d’enseignants de la langue arabe. Pour montrer à ces jeunes que des laïcs peuvent enseigner l’arabe et que ce n’est pas uniquement une langue sacrée » plaide-t-elle.« La loi de 1901 s’applique depuis 119 ans et concerne plus d’un million d’associations. Une révision du droit devra se faire dans la plus grande vigilance à l’issue d’un débat parlementaire approfondi » met en garde à son tour le sénateur PS, Jean-Pierre Sueur.Le patron des sénateurs LREM, François Patriat balaye le risque de camouflet que pourrait se voir infliger le gouvernement si les décrets de dissolution étaient censurés. « Il faut avancer dans le processus. L’exécutif prend un risque en annonçant ces dissolutions mais il a raison de le faire. Une décision de justice, c’est toujours à double tranchant. On ne peut pas accuser le gouvernement de ne pas agir et de l’autre le lui reprocher lorsqu’il le fait ».Mise à jour:Mardi soir, Emmanuel Macron a annoncé que le collectif pro-palestien Cheikh Yassine, « directement impliqué dans l'assassinat » de Samuel Paty, sera dissous en Conseil des ministres, et « des décisions de ce type à l'encontre d'associations, de groupements d'individus, suivront dans les prochains jours et les prochaines semaines » a-t-il ajouté.
La réunion à l’Elysée n’a pas abouti sur un accord. Mais avec des lignes rouges qui peuvent paraître très éloignées, la sortie de crise semble encore lointaine. Un début de rapprochement émerge cependant sur la méthode, autour du non-recours au 49.3.
Depuis la chute de Bachar Al-Assad, certaines déclarations de responsables politiques conciliant avec le régime dictatorial refont surface. En octobre 2015 par exemple dans l’émission « Preuves par 3 » sur Public Sénat, Jean-Luc Mélenchon estimait que les bombardements russes et syriens faisaient partie d’une guerre nécessaire contre les rebelles.
Reçus par Emmanuel Macron ce mardi, avec d’autres formations politiques à l’exception de LFI et du RN, socialistes et écologistes se sont engagés, s’ils accèdent au pouvoir, à ne pas utiliser le 49.3 à condition que les oppositions renoncent à la motion de censure. « Ça a été repris par Horizons, par le MoDem », a assuré Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
À la sortie d’une réunion avec les partis, hors LFI ou RN, le patron des députés de la Droite républicaine insiste à nouveau sur la nécessité d’aboutir à un accord de non-censure pour qu’un gouvernement survive. Il maintient sa ligne rouge : la droite ne veut ni ministres issus de la France insoumise, ni application du programme du Nouveau Front populaire.
Le
Le direct
Présentation des conclusions des états généraux de l'information
Présentation des conclusions des états généraux de l'information