Distribution des professions de foi : « On a tout fait pour flinguer cette élection ! » peste Patrick Kanner

Distribution des professions de foi : « On a tout fait pour flinguer cette élection ! » peste Patrick Kanner

« On ne peut pas se permettre d’avoir la même catastrophe à la présidentielle », alerte le président du groupe PS du Sénat, pas convaincu par les explications du ministre Gérald Darmanin, auditionné par le Sénat sur les dysfonctionnements sur la distribution du matériel électoral. Son groupe va déposer une proposition de loi pour voir comment « reprendre la main de manière efficace ».
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Auditionné mercredi matin par le Sénat sur le raté des professions de fois aux régionales et départementales (lire ici), le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’a pas convaincu tous les sénateurs.

Le ministre a reconnu que « peut-être que ce marché était finalement trop gros » pour l’entreprise Adrexo, qui avait remporté le marché de la distribution du matériel électoral avec La Poste. Pour le second tour, l’exécutif entend faire en sorte que les deux entreprises apportent des « correctifs immédiats ». Et pour l’avenir, Gérald Darmanin n’a pas écarté l’idée que l’Etat reprenne à sa charge la distribution des professions de foi. Soit la fin de la mise en concurrence. Mais avec la difficulté de la conformité avec le droit européen.

La commission d’enquête rendra ses travaux « fin juillet »

Les sénateurs vont continuer leur audition dans le cadre d’une commission d’enquête. La commission des lois en prend les pouvoirs. Son président, le sénateur LR François-Noël Buffet, jouera à la fois le rôle de président et de rapporteur de cette commission d’enquête, qui devrait conclure ses travaux d’ici « fin juillet », selon le président du groupe PS, Patrick Kanner. Les six mois maximums ne seront pas nécessaires ici. Il faut s’attendre bien sûr aux auditions des PDG d’Adrexo et de La Poste. On peut imaginer aussi que les maires seront entendus.

Chaque groupe politique aura dans cette commission d’enquête un représentant. Pour le PS, ce sera le sénateur Eric Kerrouche, qui a travaillé sur les évolutions du vote, notamment le vote à distance. Pour le groupe LR, ce sera Stéphane Le Rudulier, sénateur des Bouches-du-Rhône.

« Quand il y a un problème, il faut assumer. Le ministre n’en tire aucune conséquence personnelle »

Pour l’heure, Patrick Kanner n’est pas rassuré par les explications du ministre. « Est-ce qu’on a tiré les enseignements du premier tour ? Et comment les corriger ? On n’a pas de réponse précise. Je pense qu’ils s’attendent à de très grandes difficultés pour le second tour. J’ai dit à Darmanin, "vous ne pouviez pas dire que vous ne saviez pas". Il y a déjà eu des dysfonctionnements lors des législatives partielles fin mai/début juin. Il y avait eu une question d’actualité au Sénat », rappelle le président du groupe PS.

Pour Patrick Kanner, qui avait dès dimanche soir estimé sur publicsenat.fr que le ministre aurait pu démissionner, « c’est l’impasse totale face à ce fiasco, ce crash sur le fonctionnement d’une élection ». « Il donne le chiffre de 9 % de professions de foi non distribuées. Cela fait quand même 4 millions d’électeurs », ajoute le sénateur du Nord, qui rappelle que « des personnes âgées préparent leur bulletin de vote avant de voter, chez elle. Beaucoup de Français se décident avec les professions de foi, en les regardant ». Pour Patrick Kanner, pas de doute :

L’Etat a failli et le donneur d’ordre, c’est Gérald Darmanin. On n’a jamais connu ça en France.

« On a tout fait pour flinguer cette élection. Vraiment, l’Etat n’a pas été à la hauteur », va même jusqu’à dire Patrick Kanner. « Quand il y a un problème, il faut assumer. Le ministre n’en tire aucune conséquence personnelle », répète le socialiste.

Et quid de la suite ? « On ne peut pas se permettre d’avoir la même catastrophe avec la présidentielle ». Pour « corriger ce qui s’est passé », Patrick Kanner annonce que son groupe « travaille à une proposition de loi » sur le sujet. La question que l’Etat reprenne à sa charge la distribution est sur la table. « Mais il faut regarder le contexte juridique et le droit européen », tempère le président de groupe. Il s’agit de savoir « comment reprendre la main de manière efficace pour éviter ces dysfonctionnements. Ce n’est pas le moins disant qui doit l’emporter dans un marché. C’est le mieux disant ».

« Le ministre de l’Intérieur a répondu à côté des questions », selon Philippe Bas

« Le ministre de l’Intérieur a répondu à côté des questions qui lui étaient posées », a estimé après coup le sénateur LR Philippe Bas. « Il a évoqué le fait que deux élections avaient lieu en même temps, ce qui ne s’est pas produit depuis 20 ans. Je lui ai fait remarquer qu’il y avait eu aussi des cantonales et municipales en même temps en 2008 », ajoute l’ancien président de la commission des lois, sujet qui a donné lieu à un moment de tension entre les deux hommes durant l’audition. Regardez :

« La responsabilité du ministre de l’Intérieur est pleinement engagée et nous attendons autre chose que de le voir imputer la responsabilité à d’autres que lui-même », ajoute Philippe Bas, qui « croit » que l’Etat devra peut-être récupérer la distribution. Au moins, « le cahier des charges de l’appel d’offres aurait mérité certainement d’être mieux conçu et plus précis ».

Le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, entend pour sa part « laisser la commission d’enquête faire son travail ». Mais « on en tirera des recommandations », prévient-il, et « peut-être qu’il y aura des modifications législatives ».

« Il faut reparler de numérisation. C’est sûr que ça va redevenir un débat »

Hervé Marseille, président du groupe Union centriste, est plus mesuré. « Il ne s’agit pas de dire « c’est de sa faute ». Il faut améliorer les conditions de fonctionnement pour l’avenir », dit-il, soulignant, comme l’a fait le ministre, que la concomitance de deux élections et les perturbations liées au covid ont « contribué à désorganiser la situation ».

Reste qu’il y a urgence à faire des propositions, « car ce sont les mêmes sociétés qui vont faire la présidentielle. Et il n’y a que ces deux sociétés là… » Hervé Marseille pointe « les limites du dispositif », où la période de distribution n’est pas « bornée ». Certaines professions de foi sont ainsi, à l’inverse, arrivées un mois avant pour les départementales, soit trop tôt. Il faudrait un « délai précis », selon Hervé Marseille.

Autre sujet : « Il faut reparler de numérisation. C’est sûr que ça va redevenir un débat ». Si le centriste y est personnellement opposé, il rappelle que « c’est un sujet abordé chaque année. Et que chaque année le Parlement rejette les propositions du gouvernement sur la numérisation de la propagande pour faire des économies ». Face aux difficultés, certaines préfectures ont d’ailleurs numérisé les professions de foi avant le premier tour, « mais ça ne s’est pas su ». En attendant, reste plus qu’à croiser les doigts pour le second tour des régionales et départementales.

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