Domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses attaqué : récit d’une journée d’hommages

Des rassemblements se sont tenus lundi en milieu de journée, devant les mairies de France, en soutien au maire de L’Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne, dont le domicile a été attaqué au camion-bélier ce week-end. Public Sénat était présent au rassemblement parisien, mais aussi à la marche organisée à L’Haÿ-les-Roses.
Romain David

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Sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris, une trentaine d’élus étaient rassemblés ce lundi autour d’Anne Hidalgo, entre les véhicules de chantier, les pylônes et les échafaudages. Depuis plusieurs jours, les ouvriers s’activent sur la place pour monter une gigantesque scène de concert. Ce soir, France télévision organise au cœur de la capitale un concert événement dans le cadre des prochains Jeux olympiques. Sur la scène, les répétitions battent sons pleins. L’effervescence des travailleurs tranche quelque peu avec la gravité du moment. À midi, le silence se fait enfin pour laisser parler la maire de Paris : un micro a été installé sur le côté. « J’ai souhaité organiser ce moment solennel en solidarité avec notre collègue Vincent Jeanbrun qui a été attaqué avec une violence inouïe. Je veux à nouveau lui exprimer ici mon affection, ma solidarité face à des actes inacceptables, inqualifiables et qui méritent d’avoir une réponse à la hauteur de l’agression qui a été subie », a déclaré la socialiste, deux jours après l’attaque du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne.

Dans la nuit de samedi à dimanche, la maison de Vincent Jeanbrun (LR) a été prise pour cible par un camion-bélier. Après avoir enfoncé la clôture de l’habitation, les attaquants ont incendié le véhicule. Le maire se trouvait à l’hôtel de ville au moment de l’attaque, en revanche, sa femme et l’un de ses enfants ont été blessés en fuyant les émeutiers, a fait savoir Vincent Jeanbrun dans un communiqué. « C’était une tentative d’assassinat d’une lâcheté inqualifiable. Si ma priorité est aujourd’hui de prendre soin de ma famille, ma détermination à protéger et servir la République est plus grande que jamais », écrit l’édile.

« Nous manquons de social, nous manquons sans doute de laïcité et de beaucoup de fraternité »

Dans un communiqué publié dimanche, l’Association des maires de France, qui fédère plus de 34 000 maires et présidents d’intercommunalités, avait appelé à « une mobilisation civique », demandant aux maires d’inviter leurs administrés et les élus à se rassembler ce lundi devant chaque mairie. Ils ont été 200 à répondre à l’appel à Saint-Denis, 300 à Brest, 200 à Toulouse selon un comptage de l’Agence France-Presse. Et presque autant à Paris.

« Nous avons ici condamné sans aucune réserve les violences et les atteintes contre les biens et les personnes. Rien ne peut justifier la violence », a répété deux fois Anne Hidalgo qui a expliqué avoir « passé plusieurs nuits à essayer de réparer, de comprendre, d’anticiper et de faire en sorte que le calme revienne dans nos quartiers ». « Il doit y avoir des débats sur les causes et les actes à poser », a encore estimé la candidate malheureuse à la dernière présidentielle. « Pour moi, la République est laïque et sociale. Elle est fraternelle. Aujourd’hui nous manquons de social, nous manquons sans doute de laïcité et de beaucoup de fraternité. »

Aux côtés de la maire, des membres de la majorité municipale, mais aussi plusieurs figures nationales : Sandrine Rousseau, député EELV de Paris ; son adversaire à l’investiture écolo pour la dernière présidentielle, l’eurodéputé Yannick Jadot qui est actuellement en campagne dans la capitale pour les sénatoriales de septembre ; ou encore Clément Beaune, le ministre des Transports, également élu dans la 7e circonscription de la capitale. Face à eux, un peu plus d’une centaine de personnes autorisées à franchir les barrières de chantier qui cernent le parvis. Parmi eux de nombreux journalistes étrangers. Leur présence rappelle que les images de violences urbaines font le tour du globe depuis que la mort du jeune Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre le 27 juin, a embrasé les banlieues de la région parisienne et de nombreuses villes à travers l’Hexagone. « France is on Fire » (« la France est en feu »), titrait un édito du New York Times samedi.

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Crédits photo : Rassemblement devant la mairie de Paris pour Vincent Jeanbrun.

La position de LFI critiquée jusque dans les rangs de la gauche

« Il faut que l’Etat assure la protection des élus et qu’il prenne le problème à la bonne hauteur », nous explique le sénateur PS Rémi Féraud, également président du groupe « Paris en commun », celui de la majorité de gauche au Conseil de Paris. « Le discours du gouvernement par rapport aux collectivités doit changer, elles sont essentielles pour maintenir le lien social, faire de la prévention, subventionner les associations. » Emmanuel Macron recevra mardi à l’Elysée les maires de 220 communes victimes d’exactions lors des dernières émeutes. L’exécutif avait été vivement critiqué pour sa réaction tardive après l’agression du maire de Saint-Brévin-les-Pins en mars dernier. « Nous ne laisserons rien passer », a martelé ce dimanche la Première ministre Élisabeth Borne, à l’occasion d’un déplacement à L’Haÿ-les-Roses.

« Nous attendons l’abrogation de la loi de 2017 sur les refus d’obtempérer et un plan de formation de la police », indique Danielle Simonnet, seule élue LFI à siéger au Conseil de Paris. Plusieurs insoumis ont été pointés du doigt au cours des derniers jours, y compris par leurs partenaires de la Nupes, pour refuser explicitement d’appeler au calme, à commencer par Jean-Luc Mélenchon : « Les chiens de garde nous ordonnent d’appeler au calme. Nous appelons à la justice », a tweeté le tribun mercredi dernier. « La question pour un homme politique, ce n’est pas d’appeler au calme, de se donner des postures. C’est de bâtir le calme », a-t-il précisé dimanche sur LCI.

« La réaction de Jean-Luc Mélenchon et de beaucoup de députées LFI n’est pas à la hauteur. Quand la situation est aussi tendue, c’est irresponsable. La déconnexion de LFI vis-à-vis de la vie locale est en train de devenir un sujet », tacle Rémi Féraud. « On nous fait un procès politique. Nous analysons ce qui peut ramener du calme. La reconnaissance d’une colère rendra de la dignité aux quartiers populaires », défend Danielle Simonnet. « J’en appelle à un sursaut de respect et de responsabilité dans les mots que l’on utilise, quelle que soit l’enceinte, Assemblée nationale ou médias », a encore déclaré Anne Hidalgo dans sa prise de parole.

Vers 12 h 30, sur le parvis de l’hôtel de ville, la répétition pour le concert reprend subitement son cours, les élus se dispersent alors que les enceintes laissent éclater les premières paroles du tube de Queen… « We Are The Champions ».

Les LR réunis à L’Haÿ-les-Roses

C’est plutôt au son de La Marseillaise qu’ont défilé les élus de L’Haÿ-les-Roses, où le rassemblement devant la mairie avait été décalé à 15 heures avant une marche dans la ville. De nombreux ténors LR ont fait le déplacement pour venir soutenir leur collègue Vincent Jeanbrun. En tête du cortège : Éric Ciotti, le patron du parti ; Gérard Larcher, le président du Sénat, Valérie Pécresse, la présidente du conseil régional d’Ile-de-France ; Patrick Ollier, le président de la métropole du Grand Paris, mais aussi Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale », tous massés derrière une banderole « Ensemble pour la République ! ».

« Je vous le dis comme je l’ai dit ce matin au président de la République, cela ne durera pas. Soit les bandes et les voyous auront raison de notre devise républicaine, soit nous, citoyens de France, relevons la tête pour que la majorité silencieuse puisse dire stop, cela suffit ! », a lancé Vincent Jeanbrun en fin de parcours, dans une longue prise de parole aux accents lyriques, entrecoupée par de nombreux applaudissements. « Ils ont voulu assassiner ma femme et nos deux jeunes enfants dans leur sommeil et les brûler vifs dans notre maison. Le plus grand acte de bravoure, ce soir-là, a été réalisé par une mère en sauvant des flemmes un petit garçon et une petite fille », a-t-il encore déclaré la gorge nouée par l’émotion. À plusieurs reprises, la foule a scandé le prénom de son épouse, Mélanie.

« Tu touches à un uniforme de la République, tu dois dormir en prison ! »

« J’avais proposé une peine d’un an incompressible contre tous ceux qui s’attaquent à des détenteurs de l’autorité publique », a rappelé Valérie Pécresse au micro de Public Sénat. « Il n’y a pas d’éducation, pas de justice sans sanction efficace », a estimé l’ancienne candidate à l’élection présidentielle, dont Vincent Jeanbrun a été l’attaché parlementaire. « Plus que jamais, la question de la responsabilité des parents qui existe dans le Code civil et le Code pénal doit être mise en œuvre. La proposition de loi qui sanctionne ce défaut d’autorité, l’absentéisme scolaire, par la suppression des allocations familiales doit être revotée », enjoint Éric Ciotti. « Il faut tirer, au-delà des mots, toutes les conséquences de ce qui s’est passé. C’est une chaîne qui est responsable de ce chaos », estime le député des Alpes-Maritimes. « Depuis des années, dans l’indifférence de ceux qui gouvernent, nous voulons réinstaller des peines planchers dès le premier délit et dès le premier crime contre ceux qui portent l’uniforme de la République. Le message est clair : tu touches à un uniforme de la République, tu dois dormir en prison ! »

Ancien conseiller régional d’Île-de-France, le socialiste François Kalfon, présent au rassemblement de soutien à Vincent Jeanbrun, se dit « choqué par l’escalade de la violence ». « Comment la contrer ? Par des mesures de long terme mais aussi par du rassemblement républicain, par de la symbolique. Il ne nous reste plus que ça », soupire-t-il.

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