Salle des fetes de Crepol, ou le jeune Thomas a ete tue, 27 novembre 2023

Drame de Crépol : pourquoi le RN et Reconquête ont des stratégies différentes ?

La mort du jeune Thomas, poignardé lors d’une fête de village à Crépol dans la Drôme a permis aux deux partis d’extrême droite d’envoyer des signaux différents à leur électorat. Comme lors de la dernière campagne présidentielle, Le RN a conforté son image de parti de gouvernement. Quant à Reconquête, le parti d’Éric Zemmour tente d’imposer sa grille de lecture d’un déclin civilisationnelle.
Simon Barbarit

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Le 12 novembre dernier, jour de la grande marche nationale contre l’antisémitisme à l’appel conjoint du président du Sénat, Gérard Larcher, et de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, Marine Le Pen qui y participait, prenait soin de souligner un « désaccord profond » avec son adversaire politique, Éric Zemmour en réfutant le concept de « guerre de civilisation ». « Ça voudrait dire que de manière presque ontologique, les peuples judéo-chrétiens devraient se sentir en guerre contre les peuples musulmans. Je réfute cette vision. Elle est fausse, elle est erronée et je la crois dangereuse », expliqua-t-elle.

Quelques jours plus tôt, le patron de Reconquête était en visite en Israël « pour défendre la civilisation judéo-chrétienne » […] L’ennemi nous a désignés, en Israël comme en France. […] Les Français ne s’y trompent pas […] Ils savent que prospère depuis des décennies sur le sol français un second peuple », exposait le patron de Reconquête, dans le Figaro.

Le polémiste va pouvoir appliquer cette grille de lecture, quelques jours plus tard, après un fait divers dont les circonstances ne sont pas encore totalement élucidées à l’heure actuelle. La mort du jeune Thomas, poignardé lors d’une fête de village à Crépol dans la Drome, ne serait que l’illustration, pour les cadres de Reconquête, de « ce djihad du quotidien », d’un « racisme anti-blancs qui frappe jusque dans nos campagnes », « un francocide » commis par des « racailles ».

Du côté du Rassemblement national, on se contente de quelques circonlocutions. Dans Valeurs actuelles, Marine Le Pen considère que le jeune Thomas a été victime d’une « razzia » opérée par une « milice armée ». Le week-end dernier, lors d’un meeting à Lisbonne pour soutenir les nationalistes de Chega, la députée RN a déploré « des quartiers qui sont devenus des zones étrangères ».

Bardella plus modéré que Ciotti ?

« Cette idée de communautés qui vivent dans leur bulle et qui ne se parlent plus est assez répandue chez les responsables politiques. Je dirais même que c’est presque devenu un poncif. Marine Le Pen se projette vers 2027 et veut coûte que coûte imposer cette image de parti de gouvernement, capable d’avoir des alliés. Éric Zemmour essaye, lui, d’investir la thèse du déclin civilisationnelle. Une grille de lecture qu’il applique sur à peu près chaque évènement », analyse Bruno Cautrès, politologue au Cevipof de Sciences Po.

La tentative d’expédition punitive menée samedi dernier par une centaine de militants d’extrême droite dans les rues de Romans-sur-Isère ce week-end, avec pour objectif d’en découdre avec des habitants du quartier de la Monnaie d’où sont originaires plusieurs mis en cause dans la mort du jeune Thomas, va une nouvelle fois marquer une différence entre les deux formations d’extrême droite. « La réaction de Jordan Bardella est, de ce point de vue a été assez intéressante. Comme s’il voulait placer le RN là où on ne l’attend pas. On n’a même pu le trouver plus modéré qu’Éric Ciotti », observe Bruno Cautrès.

En effet, le président du RN a voulu apparaître en homme d’Etat en déclarant sur France 2 lundi. « On ne répond pas à violence par la violence. Et on ne répond pas à la violence dans notre société, qui est un vrai sujet, par des expéditions punitives, par une justice privée ou par des slogans vengeurs », a-t-il posément exposé. Quand le patron des Républicains a refusé dans un premier temps de condamner les violences des groupuscules d’extrême droite, avant de corriger le tir le lendemain dans l’émission « Touche pas à mon poste ». Les cadres de Reconquête n’ont cessé, eux, d’ironiser sur « la menace » que représenterait à leurs yeux, « la gigadroite ».

RN et Reconquête ne jouent dans la même cour

Si les deux partis adoptent des stratégies différentes, c’est aussi parce qu’ils ne jouent pas dans la « même cour ». « L’enjeu pour Jordan Bardella est de passer devant la liste de la majorité présidentielle comme il l’avait fait en 2019. Pour Reconquête, le parti joue sa survie dans cette élection. C’est un scrutin vital pour continuer d’exister jusqu’à la prochaine présidentielle. Le risque, c’est qu’ils soient victimes du syndrome Dupont-Aignan en finissant sous la barre des 5 % (Le seuil nécessaire pour envoyer des élus aux Parlement) », comme l’expliquait à publicsenat.fr en septembre, le politologue et spécialiste de l’extrême droite, Jean-Yves Camus.

La stratégie de normalisation du RN n’a pas échappé à l’exécutif. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, par ailleurs ministre du Renouveau démocratique, a entamé depuis la rentrée une tournée dans les villes dirigées par le RN. Mardi, aux questions d’actualité au gouvernement du Sénat, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti s’est livré à une diatribe contre les députés RN les appelant à chasser de leur rang « les ‘Gudards’, les identitaires, les nazillons, les racistes, les antisémites ». Des propos qui  ont entraîné la colère de Marine le Pen et la menace d’un dépôt de plainte devant la Cour de justice de la République. Une enquête du média en ligne Streetpresse a révélé cette semaine les liens de plusieurs collaborateurs parlementaires RN avec des groupuscules violents.

 

 

 

 

 

 

 

 

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