La chambre haute examinera jeudi 9 décembre, en première lecture, une proposition de loi socialiste visant notamment à accorder le droit de vote dès l’âge de 16 ans. Pensé comme un antidote à l’abstention des jeunes, le texte n’a que peu de chances d’aboutir.
Droit de vote à 16 ans : les socialistes relancent le débat au Sénat
La chambre haute examinera jeudi 9 décembre, en première lecture, une proposition de loi socialiste visant notamment à accorder le droit de vote dès l’âge de 16 ans. Pensé comme un antidote à l’abstention des jeunes, le texte n’a que peu de chances d’aboutir.
Par Mathilde Boireau
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Le groupe socialiste, écologiste et républicain du Sénat profite de sa niche parlementaire pour inscrire sa proposition de loi « pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse », portée par la sénatrice du Nord Martine Filleul, à l’ordre du jour de la séance du 9 décembre.
Près de cinquante ans après le dernier abaissement de l’âge du droit de vote, de 21 à 18 ans en 1974, la gauche sénatoriale proposera d’ouvrir l’accès aux urnes dès 16 ans. Si cette mesure devait être adoptée, le corps électoral français s’étofferait de près de 1,7 million de nouveaux membres.
« Abstention dramatique »
« Cette proposition est liée aux suites du covid.Les jeunes ont beaucoup souffert, ils ont été privés de cours, de petits boulots. Au-delà des réponses économiques, il y avait un message symbolique de confiance à leur adresser », contextualise Martine Filleul.
Dans son exposé des motifs, elle regrette que « notre pays, notre société ne semblent pas être à la hauteur de la volonté d’engagement et de prise en compte de la voix des jeunes » :« Malgré leur méfiance envers les responsables politiques, les jeunes conservent un intérêt pour la politique et la chose collective. Ils sont nombreux à s’engager dans des formes non conventionnelles de participation et d’expression politique, à l’instar des manifestations ou des pétitions. »
La sénatrice pointe le paradoxe entre la politisation croissante de la jeunesse et son rejet des formes démocratiques traditionnelles. De fait, les électeurs entre 18 et 34 ans affichent le taux d’abstention le plus fort au sein de la population française. Aux élections régionales et départementales de 2021, seuls 17 % des 18-24 ans et 19 % des 25-34 ans s’étaient rendus aux urnes, quand la participation générale s’élevait à 33,7 %. En 2017, moins de 20 % des inscrits de moins de 30 ans avaient voté à l’ensemble des tours des élections présidentielle et législatives.
Interrogé le 27 octobre, le président du groupe socialiste du Sénat Patrick Kanner déplorait cette abstention « dramatique » et assurait que « plus les jeunes votent précocement, avec un accompagnement de citoyenneté, plus on en fera des citoyens sur le long terme ».
Outre la majorité électorale à 16 ans, la proposition de loi entend créer un enseignement obligatoire de sciences politiques au collège, afin de développer les connaissances des élèves sur le fonctionnement de la vie démocratique et l’exercice du vote, et systématiser la création de conseils de jeunes dans les communes de plus de 5 000 habitants et les conseils départementaux.
La sénatrice Mélanie Vogel, du groupe écologiste, a saisi l’occasion de l’examen du texte pour revenir sur le sujet de l’inscription des jeunes sur les listes électorales, en déposant un amendement demandant l’inscription d’office des moins de 26 ans sur les listes électorales de la commune où ils ont emménagé.
Serpent de mer
Dans l’hémicycle, le débat tournera sans doute court. La majorité LR sénatoriale, hostile au droit de vote à 16 ans, a déposé trois amendements tendant à supprimer les articles-clés du texte.
« Dissocier [le droit de vote] de la majorité civile revient à vider cette dernière de son sens », argumente le sénateur de l’Oise Olivier Paccaud. « Permettre à un adolescent de prendre part aux élections alors même qu’il est reconnu largement irresponsable par le droit français serait source de confusion. »
L’article 3 de la Constitution française prévoit que « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Pour lever tout obstacle juridique, exposent les sénateurs LR, il faudrait ou bien réviser le texte constitutionnel, ou bien fixer la majorité civile à 16 ans. Et aucune de ces deux options n’est souhaitable à leurs yeux, notamment compte tenu des « risques importants que cela comporterait pour la protection juridique et sociale des jeunes âgés de 16 à 17 ans ».
« Dans l’histoire, les majorités civiles et électorales ont plus longtemps été déconnectées que corrélées », rétorque la sénatrice Martine Filleul, qui rappelle que des constitutionnalistes ont confirmé la possibilité de changer l’âge du vote sans toucher au texte fondamental.
Pour la majorité sénatoriale, rien ne garantit néanmoins que la participation électorale des jeunes sortirait grandie de l’abaissement de l’âge du vote. « Une population plus jeune et, par nature, moins disposée à saisir les enjeux de la vie publique et institutionnelle désertera d’autant plus les bureaux de vote », prédit-elle.
Reste que le sujet ne disparaîtra pas de sitôt des travées parlementaires. Le texte est le quatrième déposé en moins d’un an et demi visant à instaurer la majorité électorale à 16 ans, les précédentes propositions de loi émanant des députés Philippe Jolivet et Paula Forteza, rattachés au groupe LREM de l’Assemblée. « Il faudra sans doute remettre l’ouvrage sur le métier à plusieurs reprises », reconnaît Martine Filleul. « Mais d’ici quelques années, le vote à 16 ans apparaîtra comme tout à fait naturel. C’est le sens du progrès. »
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